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01/03/2010 | FRANCE | N°336857

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 01 mars 2010, 336857


Vu le recours, enregistré le 22 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 6 février 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a ordonné la

suspension de l'exécution des décisions de refus d'admission au sé...

Vu le recours, enregistré le 22 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 6 février 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a ordonné la suspension de l'exécution des décisions de refus d'admission au séjour au titre de l'asile et de réadmission vers la Grèce, prises à l'encontre de M. A le 4 février 2010 par le préfet de la Loire-Atlantique, a enjoint au préfet de mettre M. A en possession d'une autorisation provisoire de séjour portant la mention en vue de démarches auprès de l'OFPRA, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette ordonnance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2) de rejeter la requête de M. Abaker A devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée, dès lors que seule une décision de remise à un Etat étranger, susceptible d'être exécutée d'office, est de nature à créer une situation d'urgence caractérisée ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le juge des référés est tenu de procéder à un examen de la situation personnelle de l'intéressé ; que les mauvais traitements ou les difficultés rencontrées pour l'examen de la demande d'asile doivent être établies à titre personnel et non résulter de considérations générales issues de rapports d'organisations qui ont enquêté sur la situation d'un pays ; qu'ainsi, les documents d'ordre général produits par M. A ne permettaient pas de regarder sa réadmission vers la Grèce comme contraire aux exigences qu'impose le respect du droit d'asile ; qu'en enjoignant au préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A, le juge des référés a excédé les limites des compétences qu'il tient de l'article L. 521-2 de code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré le 25 février 2010, le mémoire en défense présenté pour M. A, qui conclut au rejet du recours ; il soutient que le juge de première instance a fait une exacte application de la condition d'urgence, telle qu'elle résulte de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que les mesures conservatoires prises par la Cour européenne des droits de l'homme ne sont décidées que s'il existe un risque sérieux de violation des articles 2 ou 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si un Etat ne respecte pas une telle mesure, il risque de faire subir à l'intéressé un préjudice irréparable ; que si le principe de réadmission vers la Grèce n'est pas systématiquement constitutif d'une atteinte au droit d'asile, des éléments circonstanciés et concrets conduisent, en l'espèce, à constater une atteinte à ce droit ;

Vu, enregistré le 24 février 2010, le mémoire en intervention présenté par la CIMADE à l'appui du mémoire en défense de M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment le préambule et l'article 53-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE, DE L'INTEGRATION, ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE, et, d'autre part, M. A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 26 février à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE, DE L'INTEGRATION, ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ;

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- le représentant de M. A ;

Considérant que la CIMADE a intérêt au maintien de l'ordonnance attaquée ; que son intervention est, par suite, recevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, ressortissant soudanais originaire du Darfour, qui est né en 1990, est entré en France le 2 juin 2009 et a sollicité le statut de réfugié auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique ; que la consultation du fichier Eurodac des empreintes digitales a permis de constater qu'il avait transité par la Grèce ; que les autorités grecques ont accepté sa réadmission le 25 août 2009 ; qu'en conséquence, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé l'admission de M. A sur le territoire au titre de l'asile et ordonné sa réadmission vers la Grèce ; que, par l'ordonnance dont le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE interjette appel, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a jugé que le refus d'admission au séjour et le renvoi vers la Grèce de M. A portaient une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile et a ordonné au préfet de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides une demande d'asile ;

Considérant que la Grèce est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il en résulte que des documents d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités grecques ne sauraient suffire à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Grèce serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile ; qu'il appartient toutefois à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités grecques répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;

Considérant qu'en l'espèce, le président de la 5ème section de la Cour européenne des droits de l'homme, saisi par M. A sur le fondement de l'article 39 du règlement de la Cour, a, le 5 février 2010, demandé au gouvernement français de surseoir au renvoi de M. A vers la Grèce durant l'examen de la requête introduite par l'intéressé devant la Cour ; que cette mesure, qui a pour objet de garantir l'effectivité du droit au recours individuel prévu à l'article 34 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'impose aux autorités françaises ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment tant des documents produits devant le juge des référés du Conseil d'Etat que des débats au cours de l'audience publique, que l'administration a pris les dispositions nécessaires au respect des exigences qui lui incombent à cet égard ; qu'en particulier, le préfet de la Loire-Atlantique a prononcé, le 19 février 2010, l'assignation à résidence de M. A et qu'un hébergement d'urgence ainsi que la possibilité d'accéder aux soins médicaux ont été assurés à l'intéressé ; qu'enfin il a été confirmé qu'aucune mesure de réadmission vers la Grèce ne serait mise à exécution tant que la Cour européenne des droits de l'homme maintiendrait la suspension d'une telle mesure ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence particulière à laquelle l'article L. 521-2 du code de justice administrative subordonne l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il lui confère ne peut être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, que le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et qu'en l'absence de l'urgence particulière exigée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de cet article, la demande présentée par M. A au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la CIMADE est admise.

Article 2 : L'ordonnance en date du 6 février 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 3 : La demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE, à M. A et à la CIMADE.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 336857
Date de la décision : 01/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 2010, n° 336857
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:336857.20100301
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