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01/03/2010 | FRANCE | N°337079

France | France, Conseil d'État, 01 mars 2010, 337079


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION A.W.S.A. (ARAB WOMEN'S SOLIDARITY ASSOCIATION - FRANCE), dont le siège est 4, rue du Maire Charles Wilhelm à Sarralbe (57430), représentée par sa présidente en exercice, Mme Nadia B, et par M. Christian A, demeurant ... ; l'ASSOCIATION A.W.S.A. FRANCE et M. Christian A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1001134 du 23 février 2010 par

laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, ...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION A.W.S.A. (ARAB WOMEN'S SOLIDARITY ASSOCIATION - FRANCE), dont le siège est 4, rue du Maire Charles Wilhelm à Sarralbe (57430), représentée par sa présidente en exercice, Mme Nadia B, et par M. Christian A, demeurant ... ; l'ASSOCIATION A.W.S.A. FRANCE et M. Christian A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1001134 du 23 février 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant en premier lieu à l'annulation du récépissé définitif délivré par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à la liste présentée par le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en vue des élections régionales devant avoir lieu les 14 et 21 mars 2010 dans la région Provence Alpes-Côte d'Azur, en deuxième lieu, à la suspension de l'exécution de cette décision, en troisième lieu à ce qu'il soit fait interdiction à ce parti de présenter pendant toute la durée de la campagne électorale, et pour les besoins de celle-ci, une candidate arborant un voile, et en quatrième lieu de dire que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative dès qu'elle aura été portée par tout moyen à la connaissance du préfet de la région Provence-Alpes Côte-d'Azur et du responsable désigné de la liste présenté par le parti NPA ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé, d'annuler le récépissé définitif délivré par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à la liste présentée par le parti NPA et subsidiairement d'enjoindre à la liste présentée par le parti NPA de ne pas débuter ou de ne pas poursuivre sa campagne électorale avec une candidate portant le voile pendant toute la durée de la campagne électorale et pour les besoins de celle-ci et de dire que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative, dès qu'elle aura été portée par tout moyen à la connaissance du préfet de la région Provence-Alpes Côte-d'Azur et du responsable désigné de la liste présentée par le parti NPA ;

ils soutiennent que si le refus du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est confirmé, ils auront été privés d'un recours effectif dès lors que, même en présence de libertés fondamentales incontestables, tant en droit interne qu'en droit européen, le juge ne peut en assurer la protection dans le cadre d'un référé-liberté ; que le juge des référés s'est fondé sur le droit de Mlle C de se présenter à une élection, sans répondre à leur moyen tiré de ce que ce droit, contrairement au droit de vote, n'est pas absolu et qu'il peut être restreint ou même supprimé ; qu'ils ont soutenu à cet égard que l'examen de leur demande ne pouvait être limité aux seules dispositions du code électoral alors que le principe de légalité impose de prendre en compte les normes supérieures devant trouver application ; qu'ils ont ainsi fait valoir que le législateur n'avait pas à interdire le port de symboles religieux ostentatoires ni le prosélytisme à l'occasion de candidatures à des mandats publics dès lors que ceux-ci sont régis directement par l'article 3 de la Constitution française ; que la Cour européenne des Droits de l'Homme a rappelé que, pour les droits garantis par l'article 3 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si le droit de vote devait être garanti, le droit de se présenter aux élections peut être encadré par des exigences plus strictes que le droit de vote ; que, par suite, en limitant son examen aux seules dispositions du code électoral et en omettant de répondre à ses moyens, le juge des référés a violé la loi ; que l'ordonnance attaquée ne caractérise pas en quoi une candidature à un mandat public serait une condition à l'exercice d'une liberté religieuse ; que c'est à tort qu'il a estimé qu'ils n'avaient pas contesté que les conditions fixées par le code électoral pour figurer sur une liste candidate aux élections régionales étaient satisfaites ; que le juge des référés a illégalement restreint ses compétences en estimant qu'il ne pouvait ni prononcer l'annulation d'une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant une telle décision dès lors que même dans le cadre de mesure provisoires le juge du référé-liberté peut dépasser cette limite et ordonner l'annulation d'un acte s'il n'y a pas d'autres moyens à sa disposition pour protéger une liberté fondamentale ; qu'en refusant d'adresser une injonction à un candidat aux élections régionales, le juge des référés a illégalement restreint ses pouvoirs et a violé la loi dès lors d'une part que ce refus revient à reconnaître un statut privilégié à un candidat à une élection alors que l'acte de candidature n'est protégé par aucune disposition et qu'en faisant acte de candidature, la candidate s'était placée elle-même dans un champ public et d'autre part qu'aucun acte administratif n'est exclu de la possibilité qu'il porte atteinte à une liberté fondamentale ; que le juge des référés n'a pas combiné les libertés fondamentales dont ils se prévalaient avec celles de la candidate mais s'est borné à faire prévaloir illégalement les droits de l'intéressée et à protéger des revendications religieuses portant atteinte à la laïcité et aux droits d'autrui dont ils se prévalaient et qui sont garantis par la Constitution et la Convention européenne ; que le port du voile islamique par une candidate à un mandat public dans un Etat laïc porte en effet atteinte à leurs libertés fondamentales garantis par la Constitution française, la loi sur la séparation des Eglises et de l'Etat et la Convention européenne ; qu'ils se prévalent aussi du principe de neutralité dont relève l'Etat ; que, pour donner son plein effet aux dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'annuler le récépissé définitif délivré par le préfet à la liste présenté par le parti NPA dès lors qu'il n'existe aucun autre moyen pour protéger les libertés dont l'association a la charge ; qu'eu égard à l'objet de l'association de promouvoir le rôle de la femme notamment en politique, le droit de Mlle C de présenter sa candidature doit être restreint en le soumettant à l'obligation de retirer son voile le temps de la campagne électorale et pour les besoins de celle-ci ; qu'une telle mesure n'est pas disproportionnée par rapport aux buts poursuivis et est justifiée par la sauvegarde des droits et libertés d'autrui et le respect du principe de laïcité de l'Etat ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment son article 10 ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 1er ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant que l'ASSOCIATION A.W.S.A. FRANCE (ARAB WOMEN'S SOLIDARITY ASSOCIATION- FRANCE) et M. A ont, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de prononcer l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes Côte-d'Azur a donné récépissé définitif à la liste présentée par le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en vue des élections régionales devant avoir lieu les 14 et 21 mars 2010 dans la région Provence Alpes-Côte d'Azur et sur laquelle est candidate une femme portant le voile islamique ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a rejeté ces conclusions au motif que si, dans le cas où les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut suspendre l'exécution d'une décision administrative et assortir cette suspension d'une injonction, s'il est saisi de conclusions en ce sens, ou de l'indication des obligations qui en découleront pour l'administration, les mesures qu'il prescrit ainsi doivent présenter un caractère provisoire et que, par suite, le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, ni prononcer l'annulation d'une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant une telle décision ; que le juge des référés a ensuite examiné si cette décision devait être suspendue et a rejeté cette demande au motif que l'administration n'avait pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale dès lors que, si les requérants soutenaient que le fait qu'une personne candidate sur une liste aux élections régionales porte un voile et revendique ainsi publiquement son appartenance à la religion musulmane, portait atteinte aux libertés fondamentales dont ils se prévalaient et notamment la liberté de conscience, d'où découle le principe de laïcité, il y avait lieu de combiner ces principes, d'une part, avec la liberté individuelle de la candidate, d'autre part, avec le droit de celle-ci de se présenter à une élection, dans la mesure où, ce qui n'était pas contesté, elle remplit les conditions fixées par le code électoral ; qu'enfin le juge des référés a rejeté les conclusions tendant à ce qu'il soit fait interdiction à ce parti de présenter pendant toute la durée de la campagne électorale, et pour les besoins de celle-ci, une candidate portant un voile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (...). ; qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ; qu'en vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience publique lorsqu'il est manifeste, au vu de la demande, qu'elle est mal fondée ; qu'à cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en compte les éléments recueillis par le juge de premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligenté ;

Considérant , d'une part, qu'il résulte de la combinaison des articles L. 511-1 et L. 521-2 précités du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de ce dernier article et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte ; que ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte ; que ce caractère provisoire s'apprécie au regard de l'objet et des effets des mesures en cause, en particulier de leur caractère réversible ;

Considérant que, pour l'élection des conseillers régionaux, l'article L. 346 du code électoral prévoit qu'une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque liste de candidats avant chaque tour de scrutin ; que, selon l'article L. 347 du même code, la déclaration de candidature résulte du dépôt à la préfecture chef-lieu de la région d'une liste répondant aux conditions fixées aux articles L. 338, L. 346 et L. 348 ; qu'aux termes de l'article L. 350 : Pour le premier tour, les déclarations de candidature sont déposées au plus tard le quatrième lundi qui précède le jour du scrutin, à midi. Il en est donné récépissé provisoire. /Elles sont enregistrées si les conditions prévues aux articles L. 339, L. 340, L. 341-1 et L. 346 à L. 348 sont remplies. Le refus d'enregistrement est motivé. / Un récépissé définitif est délivré par le représentant de l'Etat dans le département chef-lieu de la région, après enregistrement, au plus tard le quatrième vendredi qui précède le jour du scrutin, à midi.... ; que l'article L. 351 du même code prévoit que le tribunal administratif se prononce sur le refus d'enregistrement des candidatures dans un délai de quarante-huit heures ; que le dernier alinéa de cet article dispose que : Dans tous les cas, les décisions du tribunal administratif relatives au refus d'enregistrement des candidatures ne peuvent être contestées qu'à l'occasion d'un recours contre l'élection. ; que les décisions concernant l'enregistrement des déclarations de candidatures constituent des décisions préliminaires aux opérations électorales et ne peuvent être contestées que devant le juge de l'élection ; que, par suite et en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre que le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas soutenu que la candidate inscrite sur la liste présentée par le parti NPA ne satisfaisait pas aux conditions prévues par le code électoral pour se présenter aux élections régionales ; que le juge des référés, qui a examiné les libertés fondamentales dont les requérants se prévalaient et a pris en compte les libertés fondamentales dont cette candidate était en droit de bénéficier, a, par une ordonnance suffisamment motivée, estimé à bon droit que, même s'il n'est pas contesté que cette candidate porte un voile islamique, la décision du préfet de délivrer un récépissé définitif à la liste présentée par le parti NPA n'avait pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'il n'a pas restreint illégalement ses pouvoirs en refusant d'ordonner l'injonction qu'ils sollicitaient ;

Considérant ainsi qu'il est manifeste que l'appel présenté par l'ASSOCIATION ARAB WOMEN'S SOLIDARITY ASSOCIATION-FRANCE et de M. A ne peut être accueilli ; que, contrairement à ce qu'ils allèguent, la présente décision ne les aura pas privés d'un droit à un recours effectif ; que, par suite, la requête doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION A.W.S.A. FRANCE et de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'ASSOCIATION A.W.S.A. FRANCE et à M. Christian A.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la région Provence-Alpes Côte d'Azur et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 01 mar. 2010, n° 337079
Inédit au recueil Lebon
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Origine de la décision
Date de la décision : 01/03/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 337079
Numéro NOR : CETATEXT000021924838 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-03-01;337079 ?
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