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10/03/2010 | FRANCE | N°322824

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 10 mars 2010, 322824


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME, dont le siège est 78-80 rue de la Réunion à Paris (75020) ; l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2008-1043 du 9 octobre 2008 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le co...

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME, dont le siège est 78-80 rue de la Réunion à Paris (75020) ; l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2008-1043 du 9 octobre 2008 révisant et complétant les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 461-1 et L. 461-2 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ; / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ; que l'article L. 461-2 du même code dispose : Des tableaux annexés aux décrets énumèrent les manifestations morbides d'intoxications aiguës ou chroniques présentées par les travailleurs exposés d'une façon habituelle à l'action des agents nocifs mentionnés par lesdits tableaux, qui donnent, à titre indicatif, la liste des principaux travaux comportant la manipulation ou l'emploi de ces agents. Ces manifestations morbides sont présumées d'origine professionnelle (...) ;

Considérant qu'en exigeant, dans le nouveau tableau relatif aux affections dues au plomb et à ses composés introduit par le décret litigieux, l'établissement de niveaux de plombémie minimaux pour que chacune des maladies désignées à ce tableau soit regardée comme étant d'origine professionnelle, le pouvoir réglementaire, auquel il appartient de désigner avec suffisamment de précision ces maladies, n'a pas méconnu le principe de présomption d'imputabilité ; que si l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME soutient que cet indicateur serait dépourvu de fiabilité, elle n'apporte aucun élément précis à l'appui de cette affirmation ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ensemble du tableau en question ;

Considérant que, s'agissant de l'encéphalopathie chronique et de la neuropathie périphérique, respectivement référencées en D2 et D3 dans le tableau attaqué, il est précisé qu'un second examen doit être réalisé dans un délai d'au moins six mois après le premier examen, séparé de six mois au moins sans exposition au risque ; qu'il est loisible au pouvoir réglementaire de préciser, dans le respect du principe de présomption d'imputabilité, les modalités de diagnostic d'une pathologie ; qu'ainsi, ce principe ne s'opposait pas à ce qu'un second examen soit exigé pour confirmer un diagnostic initial ; qu'il ne ressort pas du dossier que le délai retenu entre les deux examens excéderait ce qui est nécessaire à la caractérisation d'une pathologie due au plomb ; que, par ailleurs, ni ce second examen ni le délai dans lequel il doit intervenir ne font obstacle à ce que les intéressés adressent une déclaration de maladie professionnelle dans les conditions prévues aux articles L. 461-5 et R. 461-5 du code de la sécurité sociale ; que la circonstance qu'une absence d'exposition au risque pendant au moins six mois serait, selon l'association requérante, de nature à faire courir au salarié le risque d'un licenciement le privant de l'indemnité spéciale prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail n'est, en tout état de cause, ni contraire aux dispositions de cet article, ni de nature à méconnaître le principe de présomption d'imputabilité posé par l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; que l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation du tableau litigieux en tant qu'il prévoit un second examen pour les maladies référencées en D2 et D3 ;

Considérant, toutefois, que les dispositions du tableau énonçant, d'une part, que la néphropathie glomérulaire et tubulo-interstitielle, référencée en C2, ne peut être reconnue comme maladie professionnelle qu'après exclusion des affections acquises susceptibles d'entraîner une macro albuminurie (complications d'un diabète) et, d'autre part, que l'encéphalopathie chronique, référencée en D2, ne peut être reconnue comme maladie professionnelle qu'après exclusion des troubles cognitifs liés à la maladie alcoolique , ont été prises en méconnaissance du principe de présomption d'imputabilité posé par l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME est fondée à demander l'annulation des dispositions du tableau introduit dans le code de la sécurité sociale par l'article 1er du décret du 9 octobre 2008 en tant qu'il comporte, pour la néphropathie glomérulaire et tubulo-interstitielle, référencée en C2, les mots après exclusion des affections acquises susceptibles d'entraîner une macro albuminurie (complications d'un diabète) , et pour l'encéphalopathie chronique, référencée en D2, les mots après exclusion des troubles cognitifs liés à la maladie alcoolique ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME d'une somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le tableau n° 1 de l'article 1er du décret du 9 octobre 2008 annexé au livre IV du code de la sécurité sociale est annulé en tant qu'il comporte, pour la néphropathie glomérulaire et tubulo-interstitielle référencée en C2, les mots après exclusion des affections acquises susceptibles d'entraîner une macro albuminurie (complications d'un diabète) , et pour l'encéphalopathie chronique référencée en D2, les mots après exclusion des troubles cognitifs liés à la maladie alcoolique .

Article 2 : L'Etat versera à l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES FAMILLES VICTIMES DU SATURNISME, au Premier ministre et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 322824
Date de la décision : 10/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

62-04-05 SÉCURITÉ SOCIALE. PRESTATIONS. PRESTATIONS D'ASSURANCES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES. - PRÉSOMPTION D'IMPUTABILITÉ (ART. L. 461-2 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE) - VIOLATION PAR LE TABLEAU N° 1 DE L'ARTICLE 1ER DU DÉCRET DU 9 OCTOBRE 2008 - EXISTENCE [RJ1].

62-04-05 Les dispositions du tableau n° 1 de l'article 1er du décret n° 2008-1043 du 9 octobre 2008, énonçant que certaines maladies professionnelles ne peuvent être reconnues comme telles « qu'après exclusion » de certains troubles, ont été prises en méconnaissance du principe de présomption d'imputabilité posé par l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale.


Références :

[RJ1]

Cf. Assemblée, 10 juin 1994, Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés et autres, n° 130300, p. 295 ;

Assemblée, 10 juin 1994, Mme Behm, n° 132667, p. 297.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2010, n° 322824
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Christine Grenier
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:322824.20100310
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