La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2010 | FRANCE | N°317639

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 12 mars 2010, 317639


Vu le pourvoi, enregistré le 25 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Rémy A, demeurant ... ; M. DUMUR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 1er mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 avril 2003 par lequel le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales l'a mis à la retraite d'office par mesure

disciplinaire ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son app...

Vu le pourvoi, enregistré le 25 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Rémy A, demeurant ... ; M. DUMUR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 1er mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 avril 2003 par lequel le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales l'a mis à la retraite d'office par mesure disciplinaire ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lesourd, avocat de M. A,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, gardien de la paix, a été reconnu coupable de dénonciation calomnieuse par l'autorité judiciaire pour avoir mis en cause, pour harcèlement moral et psychologique, son chef de service dans trois lettres adressées au préfet de la Sarthe en août et septembre 2000 ; qu'il a exercé à deux reprises, pendant des périodes de congés, des activités privées rémunérées dont la matérialité a été établie par le juge judiciaire, d'une part comme travailleur saisonnier dans une entreprise agricole entre le 11 septembre et le 20 octobre 2000, et, d'autre part, comme chauffeur routier dans une entreprise de transport en septembre 2001 ; que ces différents faits ont conduit à l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle il a été mis à la retraite d'office par un arrêté du 10 avril 2003 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du 1er mars 2007 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande d'annulation de cette décision de mise à la retraite d'office ;

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M. A, la cour administrative d'appel de Nantes a répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui interdisent toute mesure disciplinaire prise en considération du fait qu'un agent public a exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'elle a en effet jugé que ces dispositions, issues de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, n'étaient pas applicables, en tout état de cause, à des faits antérieurs à leur entrée en vigueur et que le requérant ne pouvait dès lors s'en prévaloir ; que le moyen tiré par M. A d'un défaut de réponse de la cour à ce moyen manque donc en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie : Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles. (...) / Toutefois, si ces faits ont donné lieu à une condamnation pénale, l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles est subordonnée à l'amnistie ou à la réhabilitation légale ou judiciaire de la condamnation pénale. / Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs (...) ; qu'aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 : Les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. (...) ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale : Le fonctionnaire de la police nationale est loyal envers les institutions républicaines. Il est intègre et impartial ; il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. (...) ; qu'aux termes de l'article 29 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : Le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient (...) ;

Considérant que, si le seul exercice par un fonctionnaire, durant une période de vacances, d'une activité faiblement rémunérée ne constitue pas en lui-même un manquement à l'honneur et à la probité au sens de l'article 11 de la loi du 6 août 2002, la cour a pu, dès lors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que M. A, en dépit du rappel qui lui avait été adressé à ses obligations professionnelles, avait à nouveau exercé une activité lucrative privée pendant des périodes de congés, en particulier pendant une période de congé pour maladie, et qu'il avait tenté d'obtenir le bénéfice de prestations sociales de la mutualité sociale agricole après s'être fait délivrer un certificat d'arrêt de travail daté du 16 octobre 2000, juger, sans entacher sa décision d'erreur de droit, que le comportement de ce fonctionnaire avait présenté, au regard des fonctions qu'il occupait, un caractère contraire à l'honneur et à la probité, de nature à discréditer la police nationale et à porter atteinte à la dignité de la profession ;

Considérant par ailleurs que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en ne déduisant pas de l'extinction de l'action publique concernant les sanctions pénales auxquelles ont donné lieu les faits reprochés à M. A, constatée par un arrêt du 20 décembre 2002 de la cour d'appel d'Angers au motif que les faits étaient amnistiés, que la sanction disciplinaire prononcée à l'égard de ce dernier aurait également bénéficié de l'amnistie ;

Considérant, dès lors, que la cour administrative d'appel de Nantes a pu, sans erreur de droit, juger que, dans les circonstances de l'espèce, l'exercice d'une activité privée lucrative par M. A était exclu du champ d'application de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré par M. A de ce que le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de le mettre à la retraite d'office est nouveau en cassation et, dès lors, irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Rémy A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 317639
Date de la décision : 12/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2010, n° 317639
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Christine Allais
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:317639.20100312
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award