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17/03/2010 | FRANCE | N°315713

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 17 mars 2010, 315713


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril et 28 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA RECYDEM, dont le siège social est situé CD 249, Le Pont Tournant, à Lourches (59156) ; la SA RECYDEM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 février 2008 par lequel la cour administrative de Douai a, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une part, annulé le jugement du 25 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge

des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril et 28 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA RECYDEM, dont le siège social est situé CD 249, Le Pont Tournant, à Lourches (59156) ; la SA RECYDEM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 février 2008 par lequel la cour administrative de Douai a, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une part, annulé le jugement du 25 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 juillet 2004, ainsi que des pénalités correspondantes, et d'autre part, remis à sa charge l'intégralité des impositions et pénalités en litige ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Bouthors, avocat de la SA RECYDEM,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Bouthors, avocat de la SA RECYDEM ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA RECYDEM exerce une activité de transformation de mâchefers bruts, issus de l'incinération de déchets ménagers, en mâchefers purifiés, commercialisés sous le nom de recygrave et utilisés, compte tenu de leurs propriétés de stabilité, dans le remblayage des routes ; que, dans le cadre de ce processus de transformation, cette société extrait des mâchefers bruts les métaux ferreux et non ferreux qui s'y trouvent, et qui sont ensuite vendus ; qu'elle a estimé pouvoir effectuer ces ventes, s'agissant des métaux non ferreux, sous le régime d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée alors prévu par le 2° du 3 de l'article 261 du code général des impôts pour les déchets neufs d'industrie et les matières de récupération ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause le droit de la société à bénéficier de cette exonération et a, en conséquence, mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier 2002 au 30 juin 2004 ; que la SA RECYDEM se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir annulé le jugement rendu le 25 janvier 2007 par le tribunal administratif de Lille, a remis à sa charge ces rappels de taxe et les pénalités correspondantes dont le tribunal l'avait déchargée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur pour la période d'imposition en litige : Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 3. (...) / 2° les livraisons de déchets neufs d'industrie et de matières de récupération effectuées : (...) / b. par les entreprises qui, disposant d'une installation permanente, ont réalisé au cours de l'année précédente un montant de chiffre d'affaires portant sur ces produits inférieur à 910 000 euros (...) ; que, pour juger que les métaux non ferreux extraits par la SA RECYDEM dans le cadre de son activité de transformation de mâchefers bruts n'avaient pas le caractère de déchets neufs d'industrie, la cour s'est notamment fondée sur le motif que les mâchefers bruts procèdent eux-mêmes d'une transformation de déchets et sont issus d'un précédent cycle de production ; qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle circonstance est sans incidence sur la qualification de déchet neuf d'industrie, la cour a commis une erreur de droit au regard des dispositions précitées du 2° du 3 de l'article 261 du code général des impôts ; que par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la SA RECYDEM est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les métaux non ferreux extraits par la SA RECYDEM dans le cadre de son activité de transformation des mâchefers bruts, s'ils ne sont pas directement utilisables en l'état où ils se trouvent, ne sont pas d'une composition similaire à celle des mâchefers purifiés qui constituent, en l'espèce, le produit final du cycle de transformation ; qu'il suit de là que ces métaux non ferreux ne peuvent être regardés comme des déchets neufs d'industrie au sens des dispositions précitées du 3° du 2 de l'article 261 du code général des impôts, mais doivent être qualifiés de sous-produits du cycle de transformation en cause ; qu'ainsi, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a accordé à la SA RECYDEM la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, pour la période courant du 1er janvier 2002 au 30 juin 2004, à raison de la livraison des métaux non ferreux qu'elle extrait des mâchefers bruts en vue de produire des mâchefers purifiés ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA RECYDEM devant le tribunal administratif de Lille ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les métaux non ferreux sont extraits par la SA RECYDEM des mâchefers bruts dont elle assure la transformation par un procédé de nature industrielle ; que cette circonstance exclut que ces métaux non ferreux puissent être regardés comme des matières de récupération au sens des dispositions précitées du 2° du 3 de l'article 261 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que si les paragraphes 4 et 5 de la documentation administrative 3 A-123 prévoient notamment que les déchets neufs d'industrie sont (...) en règle générale, les chutes de fabrication inutilisables en l'état (...), ces énonciations ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont la présente décision fait application ; que la SA RECYDEM ne peut davantage se prévaloir des énonciations des paragraphes 6 à 9 de cette documentation, qui concernent des situations différentes de la sienne, et de la réponse ministérielle du 11 mars 2004 à M. Krattinger, sénateur, qui est relative aux livraisons de matières de récupération issues d'un centre de tri ou d'une déchetterie effectuées avant toute opération de recyclage, et dans les prévisions de laquelle elle n'entre donc pas ; qu'il suit de là que la SA RECYDEM n'est pas fondée à se prévaloir de cette documentation administrative et de cette réponse ministérielle sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a accordé à la SA RECYDEM la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SA RECYDEM tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel et le tribunal administratif au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 26 février 2008 et le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 25 janvier 2007 sont annulés.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels a été assujettie la SA RECYDEM au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 30 juin 2004 et les pénalités correspondantes sont remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de la SA RECYDEM tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel de Douai et le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA RECYDEM et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. EXEMPTIONS ET EXONÉRATIONS. - EXONÉRATION DES VENTES DE DÉCHETS NEUFS D'INDUSTRIE (ART. 261, 3, 2° DU CGI, DANS SA RÉDACTION ANTÉRIEURE À LA LOI DU 25 DÉCEMBRE 2007) - NOTION - PRODUITS INSUSCEPTIBLES D'ÊTRE UTILISÉS DIRECTEMENT EN L'ÉTAT PAR DES ACHETEURS ET DONT LA COMPOSITION EST SIMILAIRE AUX PRODUITS FINAUX DU CYCLE DE TRANSFORMATION DONT ILS SONT ISSUS [RJ1].

19-06-02-02 Les métaux non ferreux extraits dans le cadre d'une activité de transformation des mâchefers bruts, s'ils ne sont pas directement utilisables en l'état où ils se trouvent, ne sont pas d'une composition similaire à celle des mâchefers purifiés qui constituent, en l'espèce, le produit final du cycle de transformation. Il suit de là que ces métaux non ferreux ne peuvent être regardés comme des déchets neufs d'industrie au sens des dispositions précitées du 3° du 2 de l'article 261 du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007. Ils doivent au contraire être qualifiés de sous-produits du cycle de transformation en cause.


Références :

[RJ1]

Cf., sur le premier de ces critères, 26 octobre 1962, Sté Rougier et Cie, n° 54341, p. 578 ;

6 mars 1970, Sté Quinery, n° 71945, T. p. 1044.


Publications
Proposition de citation: CE, 17 mar. 2010, n° 315713
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : BOUTHORS

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 17/03/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 315713
Numéro NOR : CETATEXT000021996068 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-03-17;315713 ?
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