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19/03/2010 | FRANCE | N°326717

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 19 mars 2010, 326717


Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurizio A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 2 mars 2009 accordant son extradition aux autorités italiennes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la con

vention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de...

Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurizio A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 2 mars 2009 accordant son extradition aux autorités italiennes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Spinosi, avocat de M. A ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué figurant au dossier et certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice ; que l'ampliation notifiée à M. A n'avait pas à être revêtue de ces signatures ;

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 : Il sera produit à l'appui de la requête : (...) ; / b) un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée. Le temps et le lieu de leur perpétration, leur qualification légale et les références aux dispositions légales qui leur sont applicables seront indiquées le plus exactement possible ; / c) une copie des dispositions légales applicables ou, si cela n'est pas possible, une déclaration sur le droit applicable, ainsi que le signalement aussi précis que possible de l'individu réclamé ou tous autres renseignements de nature à déterminer son identité et sa nationalité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. A, la demande de son extradition comportait un exposé, produit par le parquet général de la cour d'appel de Milan, des faits ayant motivé la condamnation pour l'exécution de laquelle sa remise aux autorités italiennes était requise et était accompagnée du texte des articles du code pénal italien applicables aux faits de la cause et à la procédure suivie ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées du 2 de l'article 12 de la convention européenne d'extradition ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant que M. A a fait l'objet successivement, pour les faits ayant motivé la demande de son extradition, d'un arrêt d'acquittement de la cour d'assises de Savone en date du 22 octobre 1999, à l'encontre duquel le ministère public a interjeté appel, d'un arrêt de condamnation à une peine de 21 années et 6 mois de réclusion rendu par la cour d'assises d'appel de Gênes le 20 septembre 2000, qui a été partiellement cassé par la cour de cassation le 16 juillet 2001 et, sur renvoi, de l'arrêt de la cour d'assises d'appel de Milan du 22 mai 2003 confirmant la peine précédemment prononcée et sur le fondement duquel a été formée la demande d'extradition ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'il a bénéficié, pour les faits objets de l'extradition, d'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction de Savone du 3 juillet 1992 puis d'un arrêt d'acquittement de la cour d'assises de Savone du 22 octobre 1989, ces décisions ont été suivies, après réformation, de deux arrêts de condamnation rendus respectivement les 20 septembre 2000 et 22 mai 2003 par la cour d'assises d'appel de Gênes et, après cassation partielle, par celle de Milan le condamnant à une peine de 21 années et 6 mois de réclusion ; que cette condamnation est devenue définitive ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 2 de la convention européenne d'extradition, relatives à l'exigence d'une condamnation à une peine d'une durée d'au moins quatre mois, ne peut qu'être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de la prescription des faits est inopérant dès lors que l'extradition de M. A est demandée pour l'exécution de la peine de 21 années et 6 mois de réclusion prononcée à l'encontre de l'intéressé par arrêt de la deuxième cour d'assises d'appel de Milan le 22 mai 2003 devenu définitif ;

Considérant que si M. A soutient n'avoir pas bénéficié, devant la cour d'assises d'appel de Gênes, des garanties fondamentales d'un procès équitable et d'une procédure respectueuse des droits de la défense, dès lors que la juridiction n'a pas organisé d'instruction orale et a fondé sa décision sur les seules déclarations de collaborateurs de justice qui se sont bornés à relater des faits à eux rapportés, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressé était assisté par l'avocat de son choix qui a été mis en mesure de faire valoir ses observations devant la cour et, d'autre part, que la condamnation prononcée repose sur des témoignages directs et précis ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation des articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er des réserves émises par la France à la convention européenne d'extradition ne peut qu'être écarté ;

Considérant que la circonstance que le droit pénal français n'ouvrait pas la voie de l'appel à l'encontre des décisions de cours d'assises à l'époque où M. A a bénéficié de l'acquittement dont le ministère public a obtenu l'infirmation en faisant usage de la faculté d'appel ouverte par le code pénal italien, y compris en matière criminelle, n'est pas de nature à faire regarder la condamnation de l'intéressé pour l'exécution de laquelle l'extradition a été sollicitée comme contraire à l'ordre public français ; que ne sont davantage contraires à l'ordre public français ni la circonstance que les juridictions italiennes ont pris en considération des déclarations de collaborateurs de justice ni l'absence d'instruction orale en cause d'appel devant la cour d'assises de Milan après cassation partielle, alors que, comme il a été dit, M. A y était représenté par l'avocat de son choix qui a pu faire valoir ses observations ;

Considérant que si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au droit au respect de la vie familiale, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 2 mars 2009 accordant son extradition aux autorités italiennes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Maurizio A et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326717
Date de la décision : 19/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mar. 2010, n° 326717
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:326717.20100319
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