La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2010 | FRANCE | N°312409

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 24 mars 2010, 312409


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 21 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, réformé le jugement du 22 juin 2004 du tribunal administratif de Pau en condamnant l'Etat à verser à M. A une indemnité de 2 308,97 euros en réparation du préjudice subi du fait des cotisations sociales perçues sur les indemnités et intérêt

s de retard payés en exécution des jugements du 24 juin 1986 et a, d'aut...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 21 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, réformé le jugement du 22 juin 2004 du tribunal administratif de Pau en condamnant l'Etat à verser à M. A une indemnité de 2 308,97 euros en réparation du préjudice subi du fait des cotisations sociales perçues sur les indemnités et intérêts de retard payés en exécution des jugements du 24 juin 1986 et a, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 11 500 euros au titre des frais exposés devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel et devant le Conseil d'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son premier protocole ;

Vu la loi n° 83-481 du 11 juin 1983 ;

Vu la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 62-379 du 3 avril 1962 ;

Vu le décret n° 80-897 du 18 novembre 1980 ;

Vu le décret n° 83-684 du 25 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 84-179 du 15 mars 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Rossi, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, maître-auxiliaire recruté en 1977 dans le ressort de l'académie de Bordeaux, sans affectation à la rentrée de septembre 1983, a assuré un remplacement dans cette académie du 5 décembre 1983 au 28 juin 1984, puis n'a plus reçu aucune affectation ; que l'intéressé a contesté les conditions dans lesquelles il a été mis fin à son emploi de maître-auxiliaire ; que le tribunal administratif de Pau, a, le 24 juin 1986, annulé les décisions du 19 octobre 1984 et du 21 février 1985 par lesquelles le recteur de l'académie de Bordeaux a refusé à M. A, d'une part, le bénéfice de l'allocation pour perte d'emploi au titre de la période comprise entre le 5 septembre et le 5 décembre 1983 et, d'autre part, le maintien, à compter du 5 décembre 1983, de l'indice de traitement et de l'ancienneté dans le deuxième échelon de maître-auxiliaire dont il bénéficiait antérieurement ainsi qu'une affectation sur un poste de maître-auxiliaire dès la rentrée de l'année scolaire 1984-1985 ; que ce jugement a été confirmé par le Conseil d'Etat en appel par une décision en date du 29 décembre 1997 ; que M. A, estimant insuffisante la somme que l'administration lui a versée au titre des régularisations effectuées en application du jugement du 24 juin 1986, a saisi le tribunal administratif de Pau qui, par jugement du 22 juin 2004, a accordé au requérant le versement de sommes complémentaires relatives au remplacement du 5 décembre 1983 au 28 juin 1984 et à la période comprise entre le 1er septembre 1984 et le 31 août 1985, et rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de la période postérieure au 1er septembre 1985 ; que, par un arrêt du 15 novembre 2007 contre lequel M. A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. A une indemnité de 2 308,97 euros en réparation du préjudice subi du fait des cotisations sociales perçues sur les indemnités et intérêts de retard payés en exécution du jugement du 24 juin 1986 et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel ;

Sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt en tant qu'il se prononce sur les droits à pension de M. A pour la période antérieure au 1er septembre 1985 et sa demande de rectification de son bulletin de salaires :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossiers soumis aux juges du fond que ces derniers aient dénaturé les faits en considérant, au vu des documents produits par l'administration, que cette dernière avait procédé à la régularisation intégrale des droits à pension de l'intéressé pour la période antérieure au 1er septembre 1985 ; qu'ils n'ont pas inexactement analysé les conclusions de la demande de M. A devant le tribunal administratif de Pau en estimant que les premiers juges n'avaient été saisis d'aucune demande relative à une rectification de son bulletin de salaire pour le mois de janvier 2001 et que les conclusions d'appel sur ce point étaient nouvelles et par suite irrecevables ;

Considérant qu'il s'ensuit que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a statué sur cette partie de ses conclusions ;

Sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation du préjudice pour la période postérieure au 1er septembre 1985 :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 11 juin 1983 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, définissant les conditions dans lesquelles doivent être pourvus les emplois civils permanents de l'Etat et de ses établissement publics et autorisant l'intégration des agents non titulaires occupant de tels emplois : Les agents non titulaires (...) ont vocation à être titularisés, sur leur demande (...). ; qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : Par dérogation à l'article 18 de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 précitée, des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés aux articles 8, 9 et 11 ci-dessus l'accès aux différents corps de fonctionnaires ; qu'aux termes de l'article 15 de la même loi : Les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article 14 ci-dessus fixent : (...) 2° Pour chaque corps, les modalités d'accès à ce corps, le délai dont les agents non titulaires disposent pour présenter leur candidature, les conditions de classement des intéressés dans le corps d'accueil, le délai dont ces derniers disposent, après avoir reçu notification de leur classement, pour accepter leur intégration ; ce délai ne peut être inférieur à six mois ; qu'aux termes de l'article 17 de la même loi : Les agents non titulaires qui peuvent se prévaloir des dispositions de la présente loi ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire, jusqu'à l'expiration des délais d'option qui leur sont ouverts par les décrets prévus à l'article 15. Les agents non titulaires, qui ne demandent pas leur titularisation ou dont la titularisation n'a pas été prononcée, continuent à être employés dans les conditions prévues par la réglementation qui leur est applicable ou suivant les stipulations du contrat qu'ils ont souscrit ;

Considérant qu'il ressort de la décision du Conseil d'Etat du 29 décembre 1997 susmentionnée que le licenciement de M. A, à la rentrée de 1983, motivé par la circonstance que l'intéressé auquel il avait été proposé à l'été 1983, afin d'être titularisé en application des dispositions de la loi du 11 juin 1983, un poste d'adjoint d'enseignement stagiaire dans l'académie de Paris, avait refusé d'être titularisé, était intervenu en violation de la loi du 11 juin 1983 et était illégal ; que cette décision qui confirmait un jugement prononçant l'annulation de la décision ayant refusé l'affectation de M. A sur un emploi de maître auxiliaire pour l'année scolaire 1984-1985 ne portait pas sur la période postérieure au 31 août 1985 ; qu'elle n'impliquait pas, par suite, ainsi que l'a relevé la décision du Conseil d'Etat du 3 juillet 2002 statuant sur une demande d'exécution de l'arrêt du 29 décembre 1997, l'obligation pour l'administration de conserver à M. A un emploi de maître auxiliaire au-delà du 31 août 1985 ; que celui-ci, dont la titularisation n'avait pas été prononcée à la suite de son refus de donner suite à la proposition d'intégrer le corps des adjoints d'enseignement qui lui avait été faite à l'été 1983, continuait à être employé dans les conditions prévues par le décret du 3 avril 1962 fixant les dispositions applicables aux maîtres auxiliaires dont l'article 10 autorisait le recteur à mettre fin, à toute époque de l'année et sans préavis, aux fonctions d'un maître auxiliaire ; que, par suite, en jugeant que M. A ne tenait ni de l'article 17 de la loi du 11 juin 1983, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, le droit à être renouvelé dans de telles fonctions au-delà du 31 août 1985, la cour administrative d'appel de Bordeaux, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a ni méconnu l'autorité de la chose jugée par la décision du 29 décembre 1997, ni le principe de sécurité juridique et n'a pas commis d'erreur de droit ; que si M. A soutient que la proposition de titularisation de l'été 1983 ne lui aurait pas été faite dans des conditions légales, de telle sorte que l'article 17 de la loi du 11 juin 1983 lui aurait conféré le droit au renouvellement de son contrat jusqu'à l'expiration des délais ouverts pour être titularisé fixés par les décrets visés à l'article 15 de la même loi, ce moyen est nouveau en cassation et par suite irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il se prononce sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de son licenciement au 1er septembre 1985 ;

Sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de chance de M. A d'être titularisé dans le corps des professeurs d'enseignement général de collège :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa requête d'appel, M. A a repris ses conclusions présentées devant le tribunal administratif tendant à être indemnisé de la perte de chance d'être titularisé comme professeur d'enseignement général de collège, sur le fondement du décret du 25 juillet 1983 fixant des conditions exceptionnelles d'accès aux corps des professeurs d'enseignement général des collèges ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a omis de statuer sur ces conclusions ; qu'il y a lieu par suite et dans cette mesure d'annuler son arrêt ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

Considérant que l'illégalité commise par l'administration en n'affectant pas M. A sur un emploi de maître auxiliaire pour l'année scolaire 1984-1985, dont il n'est pas contesté qu'il remplissait les conditions fixées par le décret du 25 juillet 1983 pour être titularisé dans le corps des professeurs d'enseignement général de collège, lui a fait perdre une chance sérieuse d'être titularisé dans ce corps ; que M. A est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces conclusions ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi de ce chef par M. A en lui allouant une indemnité de 30 000 euros tous intérêts compris à la date de la présente décision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 500 euros au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 15 novembre 2007 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de chance de M. A d'être titularisé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A une somme de 30 000 euros tous intérêts compris à la date de la présente décision.

Article 3 : Le jugement du 22 juin 2004 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Robert A et au ministre de l'éducation nationale.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 mar. 2010, n° 312409
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Rossi
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 24/03/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 312409
Numéro NOR : CETATEXT000022024060 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-03-24;312409 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award