La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2010 | FRANCE | N°320998

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 26 mars 2010, 320998


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 septembre et 22 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE FRANCE, représentée par son président, dont le siège est 66, rue de la Boétie à Paris (75008) ; l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2008-720 du 21 juillet 2008 relatif à l'exercice du droit de pêche des riverains d'un cours d'eau non domanial ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3

000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 septembre et 22 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE FRANCE, représentée par son président, dont le siège est 66, rue de la Boétie à Paris (75008) ; l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2008-720 du 21 juillet 2008 relatif à l'exercice du droit de pêche des riverains d'un cours d'eau non domanial ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code de l'environnement, modifié notamment par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugues Ghenassia de Ferran, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 215-14 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2006, (...) le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d'eau (...) ; que l'article L. 435-4 du code de l'environnement prévoit que dans les cours d'eau non domaniaux, les propriétaires riverains ont, chacun de leur côté, le droit de pêche jusqu'au milieu du cours d'eau ; qu'aux termes de l'article L. 435-5 du code de l'environnement : Lorsque l'entretien d'un cours d'eau non domanial est financé majoritairement par des fonds publics, le droit de pêche du propriétaire riverain est exercé, hors les cours attenantes aux habitations et les jardins, gratuitement, pour une durée de cinq ans, par l'association de pêche et de protection du milieu aquatique agréée pour cette section de cours d'eau ou, à défaut, par la fédération départementale ou interdépartementale des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique. / Pendant la période d'exercice gratuit du droit de pêche, le propriétaire conserve le droit d'exercer la pêche pour lui-même, son conjoint, ses ascendants et ses descendants. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ;

Considérant que le décret attaqué, en date du 21 juillet 2008, pris pour l'application de ces dispositions, a inséré dans le code de l'environnement une nouvelle section comportant les articles R. 435-34 à R. 435-39 ; qu'aux termes du I de l'article R. 435-34 : Lorsque l'entretien de tout ou partie d'un cours d'eau non domanial est financé majoritairement par des fonds publics, la personne qui en est responsable en informe le préfet au plus tard deux mois avant le début des opérations. (...) ; qu'aux termes de l'article R. 435-35 : S'il ressort des informations communiquées ou du dossier d'enquête que le droit de pêche des propriétaires riverains du cours d'eau ou de la section objet des travaux doit, par application de l'article L. 435-5, être exercé gratuitement par une association de pêche et de protection du milieu aquatique, le préfet en informe la ou les associations agréées pour ce cours d'eau ou pour la section de cours d'eau concernée. / Celle-ci, dans un délai de deux mois, lui fait savoir si elle entend bénéficier de l'exercice de ce droit et assumer les obligations de participation à la protection du patrimoine piscicole et des milieux aquatiques et de gestion des ressources piscicoles qui en sont la contrepartie. ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré du défaut de consultation du comité national de l'eau manque en fait ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) ; que le partage du droit de pêche mis en oeuvre par le décret attaqué ne prive pas les propriétaires riverains de leur propriété, mais apporte seulement à leur droit d'usage de celle-ci des limitations qui sont la contrepartie des aides financées majoritairement sur fonds publics dont ils bénéficient et qui trouvent leur source dans les dispositions de l'article L. 435-5 du code l'environnement, lesquelles ne sont pas disproportionnées par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que, pour les mêmes raisons, le décret litigieux n'a pas pour effet d'organiser l'exercice gratuit du droit de pêche par des tiers sans compensation ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que l'obligation de partager le droit de pêche imposée par l'article L. 435-5 du code l'environnement aux riverains qui bénéficient de subventions financées majoritairement sur des fonds publics n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer au détriment des propriétaires riverains de cours d'eau une discrimination liée à la fortune foncière en méconnaissance des stipulations précitées ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 435-38 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret litigieux : Un arrêté préfectoral qui reproduit les dispositions de l'article L. 435-5 : - identifie le cours d'eau ou la section de cours d'eau sur lequel s'exerce gratuitement le droit de pêche du propriétaire riverain (...) ; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaît les dispositions instituées par l'article L. 435-5 du code de l'environnement, en tant qu'il omet de définir précisément la notion de section de cours d'eau et n'opère pas de distinction entre les zones lentes et rapides des cours d'eau, n'est pas assorti des précisons permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'association requérante soutient que le décret est illégal en ce qu'il ne prévoirait pas de compensation pour les nuisances provoquées par le passage des tiers sur le fonds des riverains de cours d'eau ; que, toutefois, l'article L. 435-6 du code de l'environnement prévoit expressément que lorsqu'une association exerce gratuitement un droit de pêche, elle est tenue de réparer les dommages subis par le propriétaire riverain ; qu'en outre, en cas de survenance d'un dommage, le décret litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'application des règles normales de la responsabilité ; qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE FRANCE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DE FRANCE et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat et au secrétaire général du gouvernement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 mar. 2010, n° 320998
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Hugues Ghenassia de Ferran
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias

Origine de la décision
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 26/03/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 320998
Numéro NOR : CETATEXT000022024081 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-03-26;320998 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award