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26/03/2010 | FRANCE | N°328814

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 26 mars 2010, 328814


Vu le pourvoi, enregistré le 12 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 16 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Limoges, à la demande de M. Jean-Marie A, d'une part, a annulé les arrêtés du 31 janvier 2005 et du 29 août 2005 ainsi que la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, rejetant la demande de M. A du 6 février 2005 tendant à la révision de sa pension en tant

que lui est refusé le bénéfice de la bonification d'ancienne...

Vu le pourvoi, enregistré le 12 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 16 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Limoges, à la demande de M. Jean-Marie A, d'une part, a annulé les arrêtés du 31 janvier 2005 et du 29 août 2005 ainsi que la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, rejetant la demande de M. A du 6 février 2005 tendant à la révision de sa pension en tant que lui est refusé le bénéfice de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'autre part, a enjoint au ministre de modifier, dans les deux mois suivant la notification du jugement, les conditions dans lesquelles la pension de M. A lui a été concédée, de revaloriser rétroactivement cette pension et de lui verser le montant cumulé des sommes correspondant à l'augmentation des arrérages échus de la pension, résultant de cette revalorisation entre sa date de prise d'effet et celle à laquelle il aura arrêté cette revalorisation, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 85-1403 du 30 décembre 1985 ;

Vu le décret n° 93-1114 du 21 septembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, fonctionnaire de l'administration pénitentiaire, a sollicité, le 11 septembre 2002, son admission à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension ; que cette demande a été implicitement rejetée par une décision du Garde des Sceaux, ministre de la Justice ; qu'à la suite du jugement du 15 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision, M. A a été admis à la retraite, à compter du 2 juin 2003, par un arrêté du 31 janvier 2005, modifié le 29 août 2005, procédant à la liquidation de sa pension ; qu'après avoir, par un courrier adressé à l'administration le 6 avril 2005, contesté sans succès cet arrêté au motif qu'il ne le faisait bénéficier ni de la bonification pour enfant mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003, ni de la majoration résultant de la prise en compte de la prime de sujétions spéciales pénitentiaires, M. A a saisi le tribunal administratif de Limoges le 25 mai 2005 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre le jugement en date du 16 avril 2009 de ce tribunal, en tant qu'il a fait droit aux conclusions de M. A relatives à la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, par la voie du pourvoi incident, M. A demande l'annulation de ce même jugement en tant qu'il a refusé de lui reconnaître le droit à la majoration résultant de la prise en compte de la prime de sujétions spéciales pénitentiaires ;

Sur le pourvoi du ministre :

Considérant que si, par son jugement en date du 15 septembre 2004, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. A le 8 février 2003 d'une demande dirigée contre le refus implicite que le Garde des Sceaux, ministre de la justice, avait opposé à sa demande tendant à ce qu'il soit admis à la retraite avec jouissance immédiate sur le fondement de l'article L. 24-I du code des pensions civiles et militaires de retraite et à ce qu'il lui soit reconnu le droit à la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du même code, a annulé cette décision de refus, aucun des motifs de son jugement ne statue sur le droit éventuel de l'intéressé à cette bonification ; que, statuant sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A, le tribunal a rejeté celles de ces conclusions relatives à cette bonification au motif de leur caractère prématuré ; qu'en estimant, par le jugement attaqué, que le jugement du 15 septembre 2004 faisait, compte tenu de ses motifs, obligation à l'administration de reconnaître à l'intéressé le droit à cette bonification, le tribunal administratif de Limoges en a donc dénaturé les termes ; que, dès lors, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à demander l'annulation des articles 1 à 3 de ce jugement ;

Sur le pourvoi incident de M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article 76 de la loi du 30 décembre 1985 : A compter du 1er janvier 1986, le calcul de la pension de retraite ainsi que les retenues pour pension des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire placés sous statut spécial et chargés de suivre dans un service pénitentiaire l'exécution des peines dans des fonctions de direction, de surveillance, de formation professionnelle ainsi que d'encadrement technique et socio-éducatif sont déterminés, par dérogation aux articles L. 15 et L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans des conditions fixées par décret. / (...) / La jouissance de la majoration de pension résultant de l'intégration de cette prime est différée jusqu'à l'âge de soixante ans ou, si les emplois sont rangés dans la catégorie B, jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans, sauf pour les fonctionnaires qui sont radiés des cadres ou mis à la retraite pour invalidité et pour les ayants cause de ces fonctionnaires décédés avant leur admission à la retraite ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 21 septembre 1993 : Le personnel d'insertion et de probation régi par le présent décret comprend les corps suivants : a) Le corps des conseillers d'insertion et de probation, régi par le décret n° 94-1016 du 18 novembre 1994 fixant les dispositions statutaires communes applicables à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B et dont le statut est fixé par le titre Ier ci-après (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'emploi de conseiller d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire qu'occupait M. A est un emploi de catégorie B ; que, dès lors, en retenant, pour rejeter sa demande tendant au bénéfice de la jouissance de la majoration de pension résultant de la prise en compte de la prime de sujétions spéciales pénitentiaires, que M. A occupait un emploi de catégorie A et devait, dès lors, être âgé d'au moins soixante ans à la date à laquelle à laquelle il avait été admis à la retraite pour prétendre au bénéfice de cette majoration, le tribunal administratif de Limoges a dénaturé les pièces du dossier et les faits de l'espèce; que M. A est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions relatives à la prise en compte de la bonification pour enfant :

Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions du I s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 ; que les dispositions de cet article dans leur version antérieure à cette loi ne sont applicables qu'aux requérants qui, d'une part, ont présenté avant le 28 mai 2003 une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de leur pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant et qui, d'autre part, à la date de publication de la loi, soit le 22 août 2003, ont, à la suite d'une décision leur refusant le bénéfice du régime antérieurement applicable, engagé une action contentieuse en vue de contester la légalité de cette décision ;

Considérant, d'une part, ainsi qu'il a été dit, que si le tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. A le 8 février 2003, a, par son jugement du 15 septembre 2004, annulé la décision par laquelle avait été refusée à M. A le bénéfice futur de cette bonification, aucun des motifs de ce jugement ne statue sur le droit éventuel de l'intéressé à cette bonification ; que, d'autre part, M. A ne peut plus être regardé, dans le cadre du présent litige, comme ayant engagé une action contentieuse antérieurement à la publication de la loi ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser de lui accorder le bénéfice du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doit être écarté ; que, dès lors, les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans leur rédaction issue de la loi du 21 août 2003 et du décret du 26 décembre 2003 et qui prévoient une période d'interruption de l'activité professionnelle d'une durée de deux mois pour prétendre au bénéfice de la bonification d'ancienneté d'une année par enfant, sont applicables à sa situation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A a satisfait à cette condition d'interruption d'activité ;

Considérant, il est vrai, que le droit à l'allocation d'une pension constitue, pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont se prévaut M. A, et qui stipule que : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que, toutefois, si le II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 prive de façon rétroactive de cette créance, certaine dans son principe et son montant, les fonctionnaires dont la pension a été liquidée après le 28 mai 2003 du bénéfice de la bonification prévue par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à l'intervention de cette loi, cette rétroactivité d'une durée inférieure à trois mois, qui prend pour point de départ la date à laquelle le projet de loi comportant les nouvelles dispositions du b) de l'article L. 12 a été rendu public à la suite de son adoption en conseil des ministres, porte à ce bien une atteinte justifiée, dans l'intention du législateur, par des considérations d'utilité publique tenant au souci d'éviter que l'annonce du dépôt du projet de loi ne se traduise par une multiplication des contentieux ; que cette atteinte, qui ne porte pas sur la substance du droit à pension mais seulement sur un des éléments de son calcul, est proportionnée à l'objectif ainsi poursuivi ; que, dès lors, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander que lui soit accordé le bénéfice de la bonification pour enfant ;

Sur les conclusions relatives à la prise en compte de la prime de sujétions spéciales pénitentiaires :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que M. A, qui était âgé de cinquante-sept ans lorsqu'il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, occupait un emploi de catégorie B ; qu'ainsi, il était éligible au bénéfice de la prime de sujétions spéciales prévue pour les personnels de l'administration pénitentiaire en application des dispositions précitées de l'article 76 de la loi du 30 décembre 1985 ; que, dès lors, il est fondé à demander l'annulation des arrêtés du 31 janvier 2005 et du 29 août 2005 lui concédant sa pension, et de la décision implicite rejetant sa demande de révision de cette pension, en tant que ces décisions n'intègrent pas le bénéfice de la majoration résultant de la prise en compte de cette prime ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à l'administration de procéder à la revalorisation de la pension de M. A en y intégrant la prise en compte de la prime de sujétions spéciales prévue pour les personnels de l'administration pénitentiaire et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 avril 2009 est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 31 janvier 2005 et du 29 août 2005, ensemble la décision rejetant la demande de M. A de révision de sa pension, sont annulés en tant qu'ils ne prennent pas en compte la majoration au titre de la prime de sujétions spéciales des personnels de l'administration pénitentiaire.

Article 3 : Il est enjoint au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT de procéder à la revalorisation rétroactive de la pension de M. A en prenant en compte la majoration au titre de la prime pour sujétions spéciales des personnels de l'administration pénitentiaire.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Limoges, et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Jean-Marie A.

Copie en sera adressée pour information à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 328814
Date de la décision : 26/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mar. 2010, n° 328814
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur ?: M. Alain Boulanger
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:328814.20100326
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