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31/03/2010 | FRANCE | N°333970

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 31 mars 2010, 333970


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre et 4 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON, dont le siège est 31 avenue de l'Océan, à Plouharnel (56340), représenté par son président ; le syndicat mixte demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 novembre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a annulé la procédure de passation du marché ayant pour objet la gestion et l'exploitation des déche

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre et 4 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON, dont le siège est 31 avenue de l'Océan, à Plouharnel (56340), représenté par son président ; le syndicat mixte demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 novembre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a annulé la procédure de passation du marché ayant pour objet la gestion et l'exploitation des déchetteries de Belz, Carnac, Crach, Quiberon et Sainte Anne d'Auray et a enjoint à la commune de reprendre la procédure à compter de la publication de l'avis d'appel public à la concurrence ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la société Geode Environnement devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de la société Geode Environnement le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat du SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat du SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON,

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...) Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON, après avoir déclaré sans suite la première procédure de passation du marché ayant pour objet la gestion et l'exploitation des déchetteries situées sur le territoire des communes de Belz, Carnac, Crach, Quiberon et Sainte-Anne-d'Auray, a engagé une seconde procédure de passation pour le même marché par un avis d'appel public à la concurrence publié le 19 août 2009 ; que la société Geode Environnement, qui avait déposé une offre déclarée irrégulière lors de la première procédure, a demandé au juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement des dispositions précitées, d'annuler la seconde procédure de passation du marché ainsi que la décision du syndicat de déclarer son offre irrégulière ; que, le juge des référés, par une ordonnance du 3 novembre 2009, a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de cette décision et a annulé la seconde procédure de passation ; que le SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON se pourvoit en cassation contre cette ordonnance en tant qu'elle prononce cette annulation ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;

Considérant que, pour annuler la seconde procédure de passation du marché litigieux, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a relevé que les conditions prévues dans le cahier des clauses techniques particulières du marché tenant à ce que les entreprises soumissionnaires aient à mettre à disposition du concédant cinquante-cinq bennes neuves, de couleur blanche ou gris clair et dont l'utilisation serait à 100 % dédiée à ce marché avaient pour objet de limiter la concurrence en restreignant le nombre des candidats possibles, sans répondre explicitement à l'argumentation qui lui était soumise en défense, selon laquelle, eu égard à l'objet du marché, et en particulier au nombre de sites à desservir, ces exigences étaient objectivement rendues nécessaires par la nature des prestations à réaliser ; qu'ainsi, il a insuffisamment motivé sa décision ; que, par suite, le SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, en tant qu'elle a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la seconde procédure de passation du marché litigieux ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, dans la mesure de l'annulation prononcée ci-dessus ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON ;

Considérant, en premier lieu, que si la société Geode Environnement soutient que les documents de consultation ont été modifiés, entre la première et la seconde procédure de passation, dans le seul but de la désavantager par rapport aux autres candidats, et que, dans cette intention, les exigences relatives au terminal de saisie des dépôts des professionnels, aux normes imposées aux véhicules, au modalités de compactage des déchets, à la maintenance et l'entretien général, aux toits des bennes affectées au dépôt des ferrailles, au système de positionnement satellitaire des véhicules, au nombre minimum d'agents de conduite et au dispositif de contrôle de l'exécution du service ainsi que la pondération, parmi les critères d'attribution des offres, du critère technique et de ses sous-critères, ont été renforcées, elle n'assortit ces allégations d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ; que la société Geode Environnement n'établit pas en quoi le manquement, à le supposer établi, tiré de ce que la mention, dans les documents de consultation, qu'en cas de résiliation unilatérale du marché pour un motif d'intérêt général, l'indemnité accordée à l'attributaire du marché serait forfaitaire, l'aurait lésée ou risquerait de la léser ; que ce moyen doit dès lors être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le marché litigieux comporte la fourniture de bennes destinées à collecter les déchets apportés et triés par les usagers dans les cinq déchetteries exploitées par le syndicat pour y être ensuite traités ; que le nombre d'emplacements réservés aux bennes sur les quais des cinq déchetteries est de trente-huit ; que, pour assurer la continuité de la collecte des déchets et de leur traitement, le SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON a exigé des candidats la fourniture d'un nombre minimal de bennes de cinquante-cinq pour les cinq sites, correspondant à trente-huit bennes constamment mises à la disposition du public pour la collecte des déchets aux heures d'ouverture des déchetteries et dix-sept bennes relais pour assurer le transport des déchets en vue de leur traitement ; que le syndicat requérant a en outre exigé des candidats qu'à l'entrée du contrat prévu pour quatre ans, les bennes soient neuves, de couleur blanche ou gris clair, à des fins d'identification par les usagers, et qu'elles soient totalement dédiées à ce marché ; que de telles conditions, eu égard au nombre de déchetteries à fournir en bennes, à la durée du contrat et à l'exigence de qualité du matériel tenant à la nécessaire continuité du service public de collecte et de traitement des déchets, sont objectivement rendues nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser ; que la circonstance que ces exigences n'ont été précisées que dans le cahier des clauses techniques particulières fourni aux candidats lors de la seconde procédure de passation du marché ne suffit pas à établir que ces conditions n'auraient eu d'autre objet que d'écarter la société Geode Environnement de la procédure ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON aurait manqué à ses obligations de mise en concurrence en fixant ces exigences doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du code des marchés publics, dans sa version applicable à l'espèce : I. - La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. II. - Le pouvoir adjudicateur détermine le niveau auquel les besoins sont évalués. Ce choix ne doit pas avoir pour effet de soustraire des marchés aux règles qui leur sont normalement applicables en vertu du présent code. ; qu'aux termes de l'article 50 du même code : I. - Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, il peut autoriser les candidats à présenter des variantes. Le pouvoir adjudicateur indique dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation s'il autorise ou non les variantes ; à défaut d'indication, les variantes ne sont pas admises. ; que, contrairement à ce que soutient la société Geode Environnement, il ne résulte pas de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur soit tenu d'autoriser les candidats à présenter des variantes dans le but de prendre en compte les objectifs de développement durable ; que ce moyen doit être écarté ;

Considérant en cinquième lieu que, contrairement à ce que la société Geode Environnement soutient, la fixation de la date de fin des visites du site à quinze jours avant la clôture des offres n'est pas de nature à la léser ou à risquer de la léser, dés lors qu'il n'est pas allégué que la période au cours de laquelle les visites étaient possibles était insuffisante pour élaborer les offres ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Geode Environnement tendant à l'annulation de la procédure de passation litigieuse doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions de cette société tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros à verser ce titre au SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 3 novembre 2009 du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Rennes est annulée, en tant qu'elle a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la procédure de passation, engagée par l'avis d'appel public à la concurrence publié le 19 août 2009.

Article 2 : La demande de la société Geode Environnement présentée sur ce point devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : La société Geode Environnement versera au SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT MIXTE DE LA REGION D'AURAY BELZ QUIBERON et à la société Geode Environnement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 mar. 2010, n° 333970
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 31/03/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 333970
Numéro NOR : CETATEXT000022057648 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-03-31;333970 ?
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