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02/04/2010 | FRANCE | N°319912

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 02 avril 2010, 319912


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août 2008 et 19 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Brahim A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 19 septembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2007 par lequel le préfet de police a retiré la carte de r

ésident dont il était titulaire, d'autre part, à l'annulation de cet ar...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août 2008 et 19 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Brahim A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 19 septembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2007 par lequel le préfet de police a retiré la carte de résident dont il était titulaire, d'autre part, à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui remettre la carte de résident dont il était titulaire dans le délai de huit jours ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Constance Rivière, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public,

- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration : La carte de résident peut être accordée : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; qu'aux termes de l'article L. 314-5-1 du même code : Le retrait, motivé par la rupture de la vie commune, de la carte de résident délivrée sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 ne peut intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage (...) ; que cette possibilité de retrait, introduite par la loi du 24 juillet 2006 afin de permettre le retrait de la carte de résident accordée aux étrangers conjoints de Français ayant rompu la vie commune dans l'année suivant la délivrance de cette carte, n'est pas applicable aux cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié dès lors que l'article L. 314-5-1 renvoie explicitement aux seules cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article L. 314-9 dont le régime ne peut être assimilé à celui des cartes de résident délivrées de plein droit aux conjoints tunisiens de ressortissants français mariés depuis au moins un an sur le fondement du a) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien ; que la circonstance que l'article 11 du l'accord franco-tunisien prévoit que ses stipulations ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points qu'il ne traite pas est donc, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, qu'en jugeant que le préfet de police pouvait retirer sa carte de résident à M. A, ressortissant tunisien, sur le fondement de l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que cette carte lui avait été délivrée sur le fondement de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que M. A est, par conséquent, fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel s'est fondé le préfet de police pour retirer à M. A la carte de résident dont il était titulaire n'était pas applicable en l'espèce ; qu'ainsi, l'arrêté du préfet de police est entaché d'erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 3 avril 2007 lui retirant sa carte de résident ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique la restitution à M. A de sa carte de résident ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de remettre à M. A la carte de résident dont il était titulaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 19 juin 2008 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 19 septembre 2007 est annulé.

Article 3 : L'arrêté du préfet de police en date du 3 avril 2007 est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de police de restituer à M. A la carte de résident dont il était titulaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Brahim A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 319912
Date de la décision : 02/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - TEXTES APPLICABLES - CONVENTIONS INTERNATIONALES - ACCORD FRANCO-TUNISIEN DU 17 MARS 1988 - CARTES DE RÉSIDENT DÉLIVRÉES AUX TUNISIENS CONJOINTS DE FRANÇAIS SUR LE FONDEMENT DE SON ARTICLE 10 - POSSIBILITÉ DE RETRAIT SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 314-5-1 DU CESEDA - ABSENCE.

335-01-01-02 La possibilité, prévue par l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) introduit par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, de retrait de la carte de résident accordée aux étrangers conjoints de français ayant rompu la vie commune dans l'année suivant la délivrance de cette carte n'est pas applicable aux cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié. En effet, l'article L. 314-5-1 renvoie explicitement aux seules cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article L. 314-9 dont le régime ne peut être assimilé à celui des cartes de résident délivrées de plein droit aux conjoints tunisiens de ressortissants français mariés depuis au moins un an sur le fondement du a) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien.

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - AUTORISATION DE SÉJOUR - CARTES DE RÉSIDENT DÉLIVRÉES AUX TUNISIENS CONJOINTS DE FRANÇAIS SUR LE FONDEMENT DE SON ARTICLE 10 DE LA CONVENTION DU 17 MARS 1988 - POSSIBILITÉ DE RETRAIT SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 314-5-1 DU CESEDA - ABSENCE.

335-01-02 La possibilité, prévue par l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) introduit par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, de retrait de la carte de résident accordée aux étrangers conjoints de français ayant rompu la vie commune dans l'année suivant la délivrance de cette carte n'est pas applicable aux cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié. En effet, l'article L. 314-5-1 renvoie explicitement aux seules cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article L. 314-9 dont le régime ne peut être assimilé à celui des cartes de résident délivrées de plein droit aux conjoints tunisiens de ressortissants français mariés depuis au moins un an sur le fondement du a) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2010, n° 319912
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Constance Rivière
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:319912.20100402
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