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07/04/2010 | FRANCE | N°309546

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 07 avril 2010, 309546


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 13 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE INFOBAIL, dont le siège est ... ; la SOCIETE INFOBAIL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la délibération n° 2007-192 du 10 juillet 2007 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) lui refusant la mise en oeuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel intitulé fichier des locataires de confiance pour le recensement des locataires d'immeuble d'ha

bitation respectant leurs obligations de paiement ;

2°) d'enjoindre à l...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 13 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE INFOBAIL, dont le siège est ... ; la SOCIETE INFOBAIL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la délibération n° 2007-192 du 10 juillet 2007 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) lui refusant la mise en oeuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel intitulé fichier des locataires de confiance pour le recensement des locataires d'immeuble d'habitation respectant leurs obligations de paiement ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'autoriser la mise en oeuvre du traitement automatisé ou, subsidiairement, de réexaminer le dossier, dans un délai d'un mois sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution et notamment son Préambule ;

Vu le code de la construction et de l'habitation, notamment son article L. 300-1 ;

Vu la loi du n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée ;

Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la SOCIETE INFOBAIL,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la SOCIETE INFOBAIL.

Considérant que, par deux délibérations en date du 10 juillet 2007, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a refusé à la SOCIETE INFOBAIL l'autorisation de mettre en oeuvre les traitements informatisés intitulés fichier des locataires de confiance et fichier des impayés locatifs , ayant respectivement pour objet de recenser les locataires d'immeubles à usage d'habitation payant régulièrement leurs loyers et ceux n'étant pas à jour de leurs paiements ; que la SOCIETE INFOBAIL demande, par la présente requête, l'annulation de la délibération relative au premier de ces fichiers ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi 6 janvier 1978, modifiée : Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : (...) 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ; que la légitimité des finalités d'un traitement informatisé doit s'apprécier, notamment, au regard des principes posés par l'article 1er de la même loi, aux termes duquel : L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ;

Considérant que si la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a pu, sans erreur de droit, apprécier au regard de l'objectif à valeur constitutionnelle visant à permettre à toute personne de disposer d'un logement décent, tel qu'il est notamment mis en oeuvre par les lois du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, la légitimité des finalités du traitement informatisé soumis à son autorisation, elle ne pouvait légalement refuser celle-ci en se bornant à constater que la mise en oeuvre du traitement était susceptible de porter atteinte au droit au logement et qu'il n'appartenait en conséquence qu'au législateur de le créer, sans vérifier si les modalités de fonctionnement de ce fichier ne comportaient pas de garanties suffisantes pour assurer le respect des dispositions précitées de la loi du 6 janvier 1978 ; que la SOCIETE INFOBAIL est, par suite, fondée à demander l'annulation de la délibération par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a refusé la mise en oeuvre du fichier dit des locataires de confiance ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que l'exécution de la présente décision implique seulement que la demande d'autorisation de la SOCIETE INFOBAIL de mettre en oeuvre le fichier dit des locataires de confiance soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE INFOBAIL d'une somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 10 juillet 2007 relative au fichier dit des locataire de confiance est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de réexaminer la demande de la SOCIETE INFOBAIL dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE INFOBAIL une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE INFOBAIL et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. POUVOIRS ET OBLIGATIONS DU JUGE. POUVOIRS DU JUGE DU CONTRAT. - PROTECTION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL (LOI DU 6 JANVIER 1978) - DEMANDE D'AUTORISATION D'UN TRAITEMENT DE DONNÉES PRÉSENTÉE À LA CNIL - TRAITEMENT AYANT POUR OBJET DE RECENSER LES LOCATAIRES DE LOGEMENTS PAYANT RÉGULIÈREMENT LEURS LOYERS - POSSIBILITÉ D'APPRÉCIER LA LÉGITIMITÉ DES FINALITÉS DU TRAITEMENT AU REGARD DE L'OVC D'ACCÈS POUR TOUS À UN LOGEMENT DÉCENT [RJ1] - EXISTENCE - REFUS D'AUTORISATION FONDÉ SUR LE SEUL MOTIF DE L'ATTEINTE AU DROIT AU LOGEMENT - LÉGALITÉ - ABSENCE.

26 Demande d'annulation d'une décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) refusant d'autoriser un traitement de données à caractère personnel intitulé fichier des locataires de confiance ayant pour objet de recenser les locataires d'immeubles à usage d'habitation payant régulièrement leurs loyers. La CNIL a pu, sans erreur de droit, apprécier la légitimité des finalités du traitement au regard de l'objectif à valeur constitutionnelle (OVC) visant à permettre à toute personne de disposer d'un logement décent. Toutefois, elle ne pouvait légalement refuser son autorisation en se bornant à constater que la mise en oeuvre du traitement était susceptible de porter atteinte au droit au logement et qu'il n'appartenait en conséquence qu'au législateur de le créer ; il lui appartenait de vérifier si les modalités de fonctionnement de ce fichier comportaient des garanties suffisantes pour assurer le respect des dispositions des articles 1er et 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.


Références :

[RJ1]

Cf., sur l'existence de cet objectif, Cons. const., 19 janvier 1995, Loi relative à la diversité de l'habitat, n° 94-359 DC, Rec. p. 176.


Publications
Proposition de citation: CE, 07 avr. 2010, n° 309546
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Gilles Pellissier
Rapporteur public ?: Mme Burguburu Julie
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Date de la décision : 07/04/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 309546
Numéro NOR : CETATEXT000022106901 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-04-07;309546 ?
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