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07/04/2010 | FRANCE | N°319840

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 07 avril 2010, 319840


Vu 1°), sous le n° 319840, le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 14 août 2008, 17 novembre 2008 et 10 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Allan B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 2 novembre 2007 par laquelle la Commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2005 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetant sa demande d'admission au statut de réfugié

;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 2 500 euros au titre ...

Vu 1°), sous le n° 319840, le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 14 août 2008, 17 novembre 2008 et 10 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Allan B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 2 novembre 2007 par laquelle la Commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2005 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetant sa demande d'admission au statut de réfugié ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 327959, le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés le 13 mai et le 16 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE FRANCAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES (OFPRA), dont le siège est 201, rue Carnot à Fontenay-sous-Bois Cedex (94136) ; l'OFFICE FRANCAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 625849 du 23 février 2009 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile, statuant sur le recours de M. Allan A, a, d'une part, annulé la décision du 14 mars 2008 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'admission au statut de réfugié et, d'autre part, reconnu le bénéfice de la protection subsidiaire à l'intéressé ;

2°) de renvoyer l'affaire devant ladite cour ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment le Préambule et l'article 53-1 ;

Vu la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, notamment son article 1er F b) ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Berriat, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. B et de Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard, avocat de M. B et à Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Considérant que M. B, de nationalité irakienne, a demandé à bénéficier de l'asile politique en se prévalant d'une part de son militantisme au sein du parti politique dénommé PKK , qu'il a quitté et qui le recherche, et d'autre part de sa participation à un meurtre d'honneur s'inscrivant dans un conflit entre familles qui l'expose à des risques de vengeance, sans qu'il puisse à aucun de ces deux titres se prévaloir de la protection des autorités irakiennes ; que, par une première décision, la Commission des recours des réfugiés lui a refusé le bénéfice de la protection conventionnelle en raison de sa participation à un crime grave de droit commun, par application du b) de l'article 1.F de la convention du 28 juillet 1951 ; que par une seconde décision, procédant au réexamen de son cas, la Cour nationale du droit d'asile lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire régie par l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. B se pourvoit en cassation contre la décision de la Commission de recours des réfugiés et de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et contre celle de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il y a lieu de joindre ces deux pourvois, qui sont relatifs à la demande d'asile présentée par M. B ;

Sur la décision de la Commission de recours des réfugiés en date du 2 novembre 2007 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1.F de la convention du 28 juillet 1951 Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiées ; ;

Considérant qu'après avoir jugé que M. B relevait de cette clause d'exclusion, en raison de sa participation à un crime de droit commun, la commission a relevé qu'il pouvait avoir agi sous la contrainte, mais que sa minorité à l'époque des faits ne permettait pas de l'exonérer de sa responsabilité ; que la contradiction de ces motifs, ainsi que l'erreur de droit résultant de ce que la commission a estimé que la responsabilité de l'intéressé était entière sans rechercher si, d'une part, la contrainte familiale avait pu réduire son libre arbitre, ni, d'autre part, si sa minorité avait pu le rendre plus accessible à cette contrainte, entachent sa décision d'irrégularité ; que M. B est donc fondé à demander l'annulation de la décision attaquée de la Commission des recours des réfugiés ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond par application de l'article L. 821-2 du code de la justice administrative ;

Considérant qu'il résulte des déclarations de l'intéressé qu'il a participé, alors qu'il était âgé de quinze ans, à la recherche d'un membre d'une famille envers laquelle la sienne entretenait un conflit d'honneur ; qu'il était présent lors de l'assassinat d'un membre de cette famille par son propre frère, depuis condamné à la prison à la perpétuité pour ce crime ; qu'après ces faits, comme le reconnaît l'OFPRA, il est établi qu'il a rejoint le PKK au sein duquel il a eu diverses activités durant huit ans ; qu'il a quitté l'Irak pour échapper aux conditions de vie très difficiles que son appartenance au PKK lui imposait ; qu'il s'expose, en cas de retour en Irak, à être recherché par le PKK en raison de son abandon du parti, et que sa sécurité dans le nord de l'Irak ne peut être assurée par les autorités irakiennes ; qu'il est bien fondé, dans ces circonstances, à se réclamer de stipulations du 2°) de l'article 1 A de la convention du 28 juillet 1951 ;

Considérant, toutefois, que le bénéfice de cette convention doit, aux termes de l'article 1.F, être refusé aux personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles se sont rendues coupables d'un crime grave de droit commun ; que cette cause d'exclusion s'applique à l'auteur comme au complice d'un tel crime qui, sans commettre lui même les actes criminels, a participé à leur préparation et a assisté à leur exécution sans chercher à aucun moment à les prévenir ou à s'en dissocier ;

Considérant qu'en l'espèce, M. B a, muni d'une arme, accompagné son frère dans la recherche d'un membre de la famille adverse afin de l'assassiner, et a assisté à l'assassinat ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait cherché à se soustraire à cette complicité ; que, toutefois, il n'est pas contesté qu'il s'y est livré en raison de pressions de toute nature auxquelles, eu égard à son jeune âge lors des faits, il ne pouvait se soustraire et qui excluent toute action délibérée de sa part ; qu'ainsi les circonstances de l'espèce ne font pas apparaître de raison sérieuse de penser qu'il s'est personnellement rendu coupable ni qu'il peut être regardé comme complice d'un crime grave au sens et pour l'application des dispositions du b) de l'article 1.F de la convention du 28 juillet 1951 ; que M. B ne peut donc être exclu de statut de réfugié pour un tel motif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le statut de réfugié doit être accordé à M. B ;

Sur la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 février 2009 :

Considérant que la présente décision accorde à titre définitif le bénéfice du statut de réfugié à M. B par application de la convention du 28 juillet 1951 ; que les conclusions de l'OFPRA tendant à l'annulation de la décision par laquelle la cour a accordé à l'intéressé le bénéfice du statut de réfugié au titre de la protection subsidiaire régie par l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, en conséquence, devenues sans objet ;

Sur l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros au bénéfice de M. B au titre des frais engagés tant devant la Commission de recours des réfugiés et la Cour nationale du droit d'asile que devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision de la Commission des recours des réfugiés du 2 novembre 2007 est annulée.

Article 2 : La décision de l'OFFICE FRANCAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES en date du 25 mai 2005 est annulée.

Article 3 : La qualité de réfugié est reconnue à M. B.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi de l'OFFICE FRANCAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES dirigé contre la décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 23 février 2009.

Article 5 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera à M. B une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés tant devant la Commission de recours des réfugiés et la Cour nationale du droit d'asile que devant le Conseil d'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Allan B et à l'OFFICE FRANCAIS DE PROTECTION DES REFUGIES ET APATRIDES.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 319840
Date de la décision : 07/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-05 ÉTRANGERS. RÉFUGIÉS ET APATRIDES. - EXCLUSION DU BÉNÉFICE DU STATUT DE RÉFUGIÉ EN CAS DE COMMISSION D'UN CRIME GRAVE DE DROIT COMMUN (ART. 1.F DE LA CONVENTION DE GENÈVE DU 28 JUILLET 1951) - 1) CHAMP D'APPLICATION - COMPLICE D'UN TEL CRIME - INCLUSION - 2) ABSENCE DE COMPLICITÉ EN L'ESPÈCE - JEUNESSE DE L'INTÉRESSÉ AU MOMENT DES FAITS ET SOUMISSION À DES PRESSIONS DE TOUTES NATURES.

335-05 1) Le bénéfice du droit d'asile doit, aux termes de l'article 1.F de la convention de Genève du 28 juillet 1951, être refusé aux personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles se sont rendues coupables d'un crime grave de droit commun. Cette cause d'exclusion s'applique à l'auteur comme au complice d'un tel crime qui, sans commettre lui même les actes criminels, a participé à leur préparation et a assisté à leur exécution sans chercher à aucun moment à les prévenir ou à s'en dissocier.... ...2) En l'espèce, le demandeur d'asile a, muni d'une arme, accompagné son frère dans la recherche d'un membre d'une famille adverse afin de l'assassiner, et a assisté à l'assassinat. S'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait cherché à se soustraire à cette complicité, il n'est toutefois pas contesté qu'il s'y est livré en raison de pressions de toute nature auxquelles, eu égard à son jeune âge lors des faits, il ne pouvait se soustraire et qui excluent toute action délibérée de sa part. Ainsi les circonstances de l'espèce ne font pas apparaître de raison sérieuse de penser qu'il s'est personnellement rendu coupable ni qu'il peut être regardé comme complice d'un crime grave au sens et pour l'application des dispositions du b) de l'article 1.F de la convention du 28 juillet 1951. Il ne peut donc être exclu du statut de réfugié pour un tel motif.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 2010, n° 319840
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Anne Berriat
Rapporteur public ?: Mme Burguburu Julie
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:319840.20100407
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