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16/04/2010 | FRANCE | N°312376

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 16 avril 2010, 312376


Vu le pourvoi, enregistré le 18 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 décembre 2004 et a déchargé la SARL JPG des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui avaient été mis à sa charge au titre de la période du 4 septembre 1994 au 30 juin 1997, ainsi que des pénalités correspondantes ;
>Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et ...

Vu le pourvoi, enregistré le 18 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 décembre 2004 et a déchargé la SARL JPG des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui avaient été mis à sa charge au titre de la période du 4 septembre 1994 au 30 juin 1997, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 portant loi de finances rectificative pour 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SARL JPG,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SARL JPG ;

Considérant qu'aux termes du B du II de l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 1999 : Sont réputés réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressement effectuées avant le 1er janvier 2000 en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressement ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure au décret du 20 avril 2000 : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent, lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement... ; qu'il résulte de ces dispositions que la validation législative prononcée par le B du II de l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 1999 ne s'applique qu'aux éléments mentionnés au 2° de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales et que les avis de mise en recouvrement auxquelles elles s'appliquent ne sont validés qu'en tant qu'ils se réfèrent pour ce qui est du montant des droits et pénalités à la seule notification de redressement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avis de mise en recouvrement du 31 août 1999 mettant à la charge de la SARL JPG, pour la période de mars 1994 à juin 1997, la somme de 87 116 F comportait, dans la colonne nature des droits, la mention Taxe sur la valeur ajoutée, taux normal à 20,6 % - CGI articles 256 et suivants ; Taxe sur la valeur ajoutée, taux normal à 18,6 % - CGI articles 256 et suivants ; que, par suite, en estimant que l'avis se bornait à renvoyer, s'agissant de l'identification et de l'origine de la créance, à la notification de redressement du 6 mars 1998 adressée à la société, alors qu'il comportait, ainsi qu'il a été dit, les éléments nécessaires à la connaissance des droits prévus au 1° de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, la cour a dénaturé l'avis de mise en recouvrement et, par suite, a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales et des dispositions du B du II de l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 1999 ; que, dans ces conditions, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de la SARL JPG et que la société ne démontre pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec elle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ; que la SARL JPG se borne à soutenir que la réponse de l'administration à ses observations n'était pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, sans assortir son moyen des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que ce moyen ne peut, par suite qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette commission, dans sa séance du 24 juin 1999, n'aurait pas examiné les justificatifs produits en séance par la SARL JPG, est, à supposer ce fait établi, inopérant à l'appui de la demande de décharge de l'imposition contestée ;

Sur l'avis de mise en recouvrement :

Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les mentions figurant sur l'avis de mise en recouvrement du 31 août 1999 comportaient les indications suffisantes à la connaissance des droits qui faisaient l'objet de cet avis, au regard des dispositions du 1° de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dès lors que, dans les circonstances de l'espèce, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée procédait d'une seule cause, aisément identifiable pour le contribuable ; que si la société soutient que l'avis est irrégulier en tant qu'il se réfère seulement à la notification de redressement, alors que les bases d'imposition ont ultérieurement été réduites avant l'émission de cet avis, le ministre est fondé à soutenir que les dispositions du B du II de l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 1999 font obstacle aux conséquences de l'irrégularité ainsi relevée ; que, par suite, le moyen présenté par la SARL JPG tiré de l'irrégularité de l'avis de mis en recouvrement ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que la SARL JPG n'a pas été en mesure de justifier du détail de ses recettes journalières pour les exercices faisant l'objet de la vérification de comptabilité ; que si la société requérante se prévaut d'un constat d'huissier du 8 septembre 1999, ce constat n'établit pas qu'elle a conservé, comme elle le soutient, les bandes de caisse enregistreuse journalières, dites tickets Z mais seulement les bandes retraçant un enregistrement mensuel de ses recettes, dites tickets ZZ ; que ces éléments ne permettaient pas de vérifier la concordance des ventes déclarées avec les achats comptabilisés ; que, dès lors, l'administration a pu regarder la comptabilité qui lui était présentée comme étant non probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société ; que, d'autre part, cette reconstitution a été effectuée à partir du dépouillement des factures d'achats pour déterminer les quantités achetées par produits et en déduire, après prise en compte des stocks, de pertes pour les différents produits et des consommations offertes, le nombre de consommations servies par produit ; que, pour contester la méthode de reconstitution de l'administration, la société se borne à soutenir qu'elle n'aurait pas tenu compte de l'utilisation des boissons non alcoolisées comme adjuvants, que la tequila, qui aurait dû selon elle être comptabilisée comme un vin et non comme un alcool, était vendue au prix de 10 F et non au prix de 20 F retenu par l'administration, que devait être appliqué un coefficient de marge brute de 3 sur les alcools et qu'enfin la consommation du personnel et des dirigeants, qui représenterait l'essentiel de la consommation de café, n'aurait pas été prise en compte ; que, ce faisant, la SARL JPG n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition à laquelle a abouti la reconstitution de ses recettes ;

Sur les pénalités pour mauvaise foi :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ; qu'après avoir relevé l'absence de caractère probant de la comptabilité de la SARL JPG, l'importance des minorations de recettes déclarées et le caractère répété de ces manquements, l'administration a pu déduire une intention délibérée de la part du contribuable de se soustraire à l'impôt et a ainsi établi son absence de bonne foi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL JPG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SARL JPG au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 27 novembre 2007 est annulé.

Article 2 : La requête de la SARL JPG et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la SARL JPG.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 312376
Date de la décision : 16/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2010, n° 312376
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:312376.20100416
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