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16/04/2010 | FRANCE | N°313456

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 16 avril 2010, 313456


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 6 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 29 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 328 546 F (507 434 euros) procédant du commandement de payer notif

ié le 5 septembre 1999 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire dro...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 6 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 29 décembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 328 546 F (507 434 euros) procédant du commandement de payer notifié le 5 septembre 1999 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1763 A du code général des impôts, aujourd'hui repris à l'article 1759 et au 3 du V de l'article 1754 : Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de la pénalité est ramené à 75 %. Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter, ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de cette pénalité qui est établie et recouvrée comme en matière d'impôt sur le revenu. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de contrôles, la SARL Compagnie Commerciale Européenne, qui a pour activité le commerce de produits pharmaceutiques et cosmétiques, a été assujettie, au titre des années 1993 à 1995, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à l'amende prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ; que M. A, en sa qualité de gérant solidaire de cette société, a été recherché en paiement de cette amende fiscale ; que, par l'arrêt attaqué du 28 novembre 2007, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 décembre 2005 qui avait refusé de le décharger de l'obligation de payer la somme de 3 328 546 F (507 434 euros) procédant du commandement de payer notifié le 5 septembre 1999 en vue du recouvrement de cette amende ;

Sur le bien-fondé de l'amende fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables du Trésor ou de la direction générale des impôts doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour contester l'obligation qui lui a été faite, sur le fondement des dispositions de l'article 1763 A précitées, en sa qualité de gérant statutaire de la Compagnie Commerciale Européenne, de payer l'amende fiscale mise à la charge de la société, M. A a soutenu, d'une part, que l'existence de revenus distribués par cette société n'était pas établie et, d'autre part, que l'amende pour le paiement de laquelle il a été recherché aurait été infligée en violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette contestation se rattache au contentieux de l'assiette et ne pouvait, par suite, pas être présentée dans un contentieux de recouvrement ; qu'il s'ensuit que c'est sans erreur de droit ni contradiction de motifs que la cour, qui n'a pas dénaturé les écritures du dossier, a écarté pour ce motif ces deux moyens ;

Sur la majoration de 10 % :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales : Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyées de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef de service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite ; qu'aux termes de l'article R. 281-2 du même livre : La demande prévue par l'article R. 281-1 doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif ; qu'aux termes de l'article R. 281-5 du même livre : Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires... ; qu'enfin, aux termes de l'article 1761 du code général des impôts, désormais repris à l'article 1730 : Une majoration de 10 % est appliquée au montant des cotisations ou fractions de cotisations soumises aux conditions d'exigibilité prévues par l'article 1663 qui n'ont pas été réglées le 15 du deuxième mois suivant celui de la mise en recouvrement du rôle... ;

Considérant que ni les dispositions de l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales, ni celles de l'article R. 281-5 du même livre, ne font obstacle à ce que le contribuable soulève devant le tribunal administratif ou devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction, des moyens de droit nouveaux, n'impliquant pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu'il lui eût appartenu de produire ou d'exposer dans sa demande au trésorier-payeur général ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui avait contesté dans sa réclamation au comptable la majoration prévue à l'article 1761 du code, a soulevé devant la cour le moyen de pur droit tiré du défaut de base légale de cette majoration ; que, par suite, en rejetant comme irrecevables ses conclusions en décharge de l'obligation de payer cette somme au motif que M. A contestait pour la première fois devant le juge cette majoration, la cour a commis une erreur de droit ; que M. A est, dans cette mesure, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler sur ce point l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1761 du code général des impôts relatives à la majoration de 10 %, lesquelles, s'agissant d'une sanction, sont d'interprétation stricte, qu'elle s'applique au montant des cotisations ou fractions de cotisations soumises aux conditions d'exigibilité prévues par l'article 1663 du même code ; qu'aucun de ces deux articles ne mentionne la pénalité prévue à l'article 1763 A du code, laquelle n'est pas une imposition ; qu'ainsi l'administration ne pouvait assortir cette pénalité de la majoration de 10 % pour paiement tardif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la majoration de 10 % pour paiement tardif ; qu'il y a lieu de le décharger de l'obligation de payer cette somme ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 28 novembre 2007 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé, en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête de M. A tendant à la décharge de l'obligation de payer la majoration de 10 % prévue à l'article 1761 du code général des impôts.

Article 2: M. A est déchargé de l'obligation de payer la majoration de 10 % procédant du commandement de payer qui lui a été notifié le 5 septembre 1999.

Article 3: Le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 décembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Claude A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 313456
Date de la décision : 16/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - MAJORATION DE 10% POUR PAIEMENT TARDIF (ANCIEN ART - 1761 DU CGI - REPRIS À L'ART - 1730) - CHAMP D'APPLICATION - RETARD DE PAIEMENT DE LA PÉNALITÉ POUR DISTRIBUTION OCCULTE DE REVENUS (ANCIEN ART - 1763 A DU CGI - REPRIS À L'ART - 1759) - EXCLUSION.

19-01-04 Il résulte des dispositions de l'ancien article 1761 du code général des impôts (CGI) relatives à la majoration de 10 % pour paiement tardif, lesquelles, s'agissant d'une sanction, sont d'interprétation stricte, qu'elle s'applique au montant des cotisations ou fractions de cotisations soumises aux conditions d'exigibilité prévues par l'article 1663 du même code. Aucun de ces deux articles ne mentionne la pénalité alors prévue à l'article 1763 A du CGI, laquelle n'est pas une imposition. Ainsi l'administration ne pouvait assortir cette pénalité de la majoration de 10 % pour paiement tardif.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RECOUVREMENT - PAIEMENT DE L'IMPÔT - MAJORATION DE 10% POUR PAIEMENT TARDIF (ANCIEN ART - 1761 DU CGI - REPRIS À L'ART - 1730) - CHAMP D'APPLICATION - RETARD DE PAIEMENT DE LA PÉNALITÉ POUR DISTRIBUTION OCCULTE DE REVENUS (ANCIEN ART - 1763 A DU CGI - REPRIS À L'ART - 1759) - EXCLUSION.

19-01-05-02 Il résulte des dispositions de l'ancien article 1761 du code général des impôts (CGI) relatives à la majoration de 10 % pour paiement tardif, lesquelles, s'agissant d'une sanction, sont d'interprétation stricte, qu'elle s'applique au montant des cotisations ou fractions de cotisations soumises aux conditions d'exigibilité prévues par l'article 1663 du même code. Aucun de ces deux articles ne mentionne la pénalité alors prévue à l'article 1763 A du CGI, laquelle n'est pas une imposition. Ainsi l'administration ne pouvait assortir cette pénalité de la majoration de 10 % pour paiement tardif.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2010, n° 313456
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:313456.20100416
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