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16/04/2010 | FRANCE | N°318067

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 16 avril 2010, 318067


Vu l'ordonnance du 30 juin 2008, enregistrée le 4 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Claude A et l'ASSOCIATION RABODEAU ENVIRONNEMENT ;

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2008 au greffe du tribunal administratif de Nancy, présentée par M. Claude A demeurant ... et l'ASSOCIATION RABODEAU ENVIRONNEMENT dont le siège est à la même adresse, et qui

demandent au juge administratif :

1°) d'annuler pour excès de pou...

Vu l'ordonnance du 30 juin 2008, enregistrée le 4 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Claude A et l'ASSOCIATION RABODEAU ENVIRONNEMENT ;

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2008 au greffe du tribunal administratif de Nancy, présentée par M. Claude A demeurant ... et l'ASSOCIATION RABODEAU ENVIRONNEMENT dont le siège est à la même adresse, et qui demandent au juge administratif :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 février 2008 par lequel le préfet des Vosges et le préfet du Bas-Rhin ont créé une zone de développement de l'éolien sur les communes de La Grande Fosse, Chatas, Grandrupt, Saint-Stail (Vosges) et Saales (Bas-Rhin), ainsi que de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 8 avril 2008 à l'encontre de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 avril 2010, présentée par les communes de La Grande Fosse, Chatas et Grandrupt ;

Vu la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d'Etat ;

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant que les communes de Saales, La Grande Fosse, Chatas et Grandrupt ont intérêt au maintien de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi leurs interventions en défense sont recevables ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité : Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal et dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par : (...) 3° Les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d'une zone de développement de l'éolien, définie selon les modalités fixées à l'article 10-1 ; (...) ; qu'aux termes de l'article 10-1 de la même loi : Les zones de développement de l'éolien sont définies par le préfet du département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. Elles sont proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve de l'accord de la ou des communes membres dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé. / La proposition de zones de développement de l'éolien en précise le périmètre et définit la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent pouvant bénéficier, dans ce périmètre, des dispositions de l'article 10. Elle est accompagnée d'éléments facilitant l'appréciation de l'intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. / La décision du préfet du département intervient sur la base de la proposition dans un délai maximal de six mois à compter de la réception de celle-ci, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites (...) Le préfet veille à la cohérence départementale des zones de développement de l'éolien et au regroupement des installations afin de protéger les paysages. ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé de l'écologie et par les communes intervenantes :

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un arrêté portant création d'une zone de développement de l'éolien a pour objet la définition d'un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l'implantation des éoliennes ; qu'il repose sur une appréciation comparative et globale, à l'échelle d'une vaste territoire, des regroupements qu'il convient de favoriser dans le but notamment de respecter les paysages et les sites remarquables et protégés ; qu'au regard de cet objet, l'ASSOCIATION RABODEAU ENVIRONNEMENT, dont les statuts lui donnent pour mission la protection de l'environnement dans les alentours de la zone concernée et qui dispose de la capacité à agir en justice, ainsi que M. A, qui réside dans une commune limitrophe de la zone, justifient d'un intérêt suffisant pour agir contre l'arrêté interdépartemental du 12 février 2008 par lequel le préfet des Vosges et le préfet du Bas-Rhin ont créé une zone de développement de l'éolien sur les communes de La Grande Fosse, Chatas, Grandrupt, Saint-Stail et Saales ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé de l'écologie et par les communes intervenantes doit être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, que si, aux termes d'un arrêté préfectoral du 18 janvier 2007 portant modification des statuts de la communauté de communes de la Vallée du Hure, la commune de Chatas a délégué sa compétence à la communauté de communes en matière de politique paysagère environnementale et d'énergies renouvelables dans des domaines limitativement énumérés, ce transfert ne concerne pas la création et la délimitation d'une zone de développement de l'éolien ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune aurait, par un autre acte, totalement transféré sa compétence en matière d'énergie renouvelable à la communauté de communes de la Vallée du Hure ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la commune de Chatas n'était plus compétente pour formuler la proposition de création d'une zone de développement de l'éolien ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si, en vertu du dernier alinéa de l'article 10-1 cité ci-dessus, le préfet statue dans un délai de six mois à compter de la réception de la proposition de création d'une zone de développement de l'éolien, il ressort des pièces du dossier que la préfecture des Vosges n'a reçu un dossier de proposition complet que le 21 août 2007 ; que, dès lors, et en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris tardivement ;

Considérant, en troisième lieu, que le 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement consacre Le principe de participation, selon lequel (...) le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. ; qu'il ressort des pièces du dossier que, préalablement à son édiction, la décision attaquée a fait l'objet d'une concertation avec le public, comportant l'organisation de réunions et de débats publics, ainsi que la tenue d'un comité de pilotage regroupant notamment des élus et des associations de protection de l'environnement ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le principe de participation n'a pas été méconnu ; qu'ils ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 124-5 du code de l'environnement, qui se borne à prévoir la liste des informations relatives à l'environnement qui doivent faire, d'une façon générale, l'objet d'une diffusion publique, en dehors de toute procédure d'élaboration d'une décision ; qu'enfin, la décision attaquée ne relève pas du champ d'application de l'article 6 de la convention de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998, dès lors qu'elle n'est pas au nombre des activités particulières mentionnées à l'annexe 1 de cette convention ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté attaqué n'entre dans aucune des catégories d'actes qui doivent être obligatoirement motivés ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué ne peut, en conséquence, être accueilli ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n'ait pas été en mesure d'apprécier l'impact du projet au regard de l'intérêt paysager, en dépit de mauvaises conditions météorologiques lors de sa visite effectuée le 14 novembre 2007 sur les lieux de la zone de développement de l'éolien ;

Considérant, enfin, que si les requérants entendent remettre en cause l'appréciation portée par les auteurs de l'arrêté attaqué quant à la détermination du périmètre de la zone de développement de l'éolien, leur moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ; qu'il ne peut dès lors qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A et l'ASSOCIATION RABODEAU ENVIRONNEMENT ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions attaquées ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il en va de même des conclusions présentées au même titre par les communes intervenantes, dès lors qu'elles n'ont pas la qualité de partie ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions des communes de Saales, La Grande Fosse, Chatas et Grandrupt sont admises.

Article 2 : La requête de M. A et de l'ASSOCIATION RABODEAU ENVIRONNEMENT est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les communes de Saales, La Grande Fosse, Chatas et Grandrup au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Claude A, à l'ASSOCIATION RABODEAU ENVIRONNEMENT, aux communes de Saales, La Grande Fosse, Chatas et Grandrup et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 318067
Date de la décision : 16/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - NOTATION ET AVANCEMENT - AVANCEMENT - AVANCEMENT DE GRADE - PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ - ENERGIE ÉOLIENNE - ARRÊTÉ PORTANT CRÉATION D'UNE ZONE DE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉOLIEN (ART - DE LA LOI DU 10 FÉVRIER 2000) - INTÉRÊT POUR AGIR CONTRE CET ACTE - ASSOCIATION DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LES ALENTOURS DE LA ZONE CONCERNÉE - PARTICULIER RÉSIDANT DANS UNE COMMUNE LIMITROPHE - EXISTENCE [RJ1].

29 Il résulte des dispositions des articles 10 et 10-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 qu'un arrêté portant création d'une zone de développement de l'éolien a pour objet la définition d'un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l'implantation des éoliennes. Il repose sur une appréciation comparative et globale, à l'échelle d'un vaste territoire, des regroupements qu'il convient de favoriser dans le but notamment de respecter les paysages et les sites remarquables et protégés. Au regard de cet objet, une association dont les statuts lui donnent pour mission la protection de l'environnement dans les alentours de la zone concernée et qui dispose de la capacité à agir en justice, ainsi qu'un particulier qui réside dans une commune limitrophe de la zone, justifient d'un intérêt suffisant pour agir contre un tel arrêté.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTÉRÊT - INTÉRÊT LIÉ À UNE QUALITÉ PARTICULIÈRE - ARRÊTÉ PORTANT CRÉATION D'UNE ZONE DE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉOLIEN (ART - 10-1 DE LA LOI DU 10 FÉVRIER 2000) - QUALITÉ DE RÉSIDENT D'UNE COMMUNE LIMITROPHE DE LA ZONE CONCERNÉE [RJ1].

54-01-04-02-01 Il résulte des dispositions des articles 10 et 10-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 qu'un arrêté portant création d'une zone de développement de l'éolien a pour objet la définition d'un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l'implantation des éoliennes. Il repose sur une appréciation comparative et globale, à l'échelle d'un vaste territoire, des regroupements qu'il convient de favoriser dans le but notamment de respecter les paysages et les sites remarquables et protégés. Au regard de cet objet, un particulier qui réside dans une commune limitrophe de la zone justifie d'un intérêt suffisant pour agir contre un tel arrêté.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTÉRÊT - SYNDICATS - GROUPEMENTS ET ASSOCIATIONS - ARRÊTÉ PORTANT CRÉATION D'UNE ZONE DE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉOLIEN (ART - 10-1 DE LA LOI DU 10 FÉVRIER 2000) - ASSOCIATION DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LES ALENTOURS DE LA ZONE CONCERNÉE [RJ1].

54-01-04-02-02 Il résulte des dispositions des articles 10 et 10-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 qu'un arrêté portant création d'une zone de développement de l'éolien a pour objet la définition d'un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l'implantation des éoliennes. Il repose sur une appréciation comparative et globale, à l'échelle d'un vaste territoire, des regroupements qu'il convient de favoriser dans le but notamment de respecter les paysages et les sites remarquables et protégés. Au regard de cet objet, une association dont les statuts lui donnent pour mission la protection de l'environnement dans les alentours de la zone concernée et qui dispose de la capacité à agir en justice justifie d'un intérêt suffisant pour agir contre un tel arrêté.


Références :

[RJ1]

Comp. 6 octobre 1978, Association de quartier la Corvée-la Roche des fées, n° 9419, T. p. 908 ;

17 décembre 2008, Société d'exploitation du casino de Fouras, n° 294597, T. p. 846.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2010, n° 318067
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Michel Thenault
Rapporteur public ?: M. Roger-Lacan Cyril

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:318067.20100416
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