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16/04/2010 | FRANCE | N°322260

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 16 avril 2010, 322260


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 7 novembre 2008 et le 6 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC LES TROIS SALAZES, dont le siège est 80, avenue Leconte de Lisle à Saint-Denis de La Réunion (97490) ; la SNC LES TROIS SALAZES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 septembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 15 novembre 2006 du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion rejetant sa demand

e d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 18 novembre 20...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 7 novembre 2008 et le 6 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC LES TROIS SALAZES, dont le siège est 80, avenue Leconte de Lisle à Saint-Denis de La Réunion (97490) ; la SNC LES TROIS SALAZES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 septembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 15 novembre 2006 du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion rejetant sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 18 novembre 2003 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie retirant les agréments fiscaux qui lui avaient été accordés le 15 avril 1998 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SNC LES TROIS SALAZES,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SNC LES TROIS SALAZES ;

Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat (...) / III ter. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés à compter du 1er juillet 1993 dans les secteurs des transports (...) doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre du budget. / L'agrément peut être accordé, après qu'a été demandé l'avis du ministre des départements et territoires d'outre-mer, si l'investissement présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé, s'il s'intègre dans la politique d'aménagement du territoire et de l'environnement et s'il garantit la protection des investisseurs et des tiers. (...) ; / III quater. (...) Si l'investissement ou la souscription n'excède pas trois millions de francs, l'agrément est tacite à l'expiration d'un délai de deux mois ; qu'aux termes de l'article 1756 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date d'octroi de l'agrément : 1. Lorsque les engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ne sont pas exécutés ou lorsque les conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné ne sont pas remplies, cette inexécution entraîne le retrait de l'agrément et les personnes physiques ou morales à qui des avantages fiscaux ont été accordés, du fait de l'agrément, sont déchues du bénéfice desdits avantages. Les impôts dont elles ont été dispensées deviennent immédiatement exigibles, nonobstant toutes dispositions contraires, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1734 et compté de la date à laquelle ils auraient dû être acquittés. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par décision du 15 avril 1998, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a accordé à la SNC LES TROIS SALAZES les agréments prévus par les dispositions citées plus haut de l'article 238 bis HA du code général des impôts, pour un projet d'investissement consistant en l'acquisition auprès de la société Automobiles Réunion, pour un montant de 12 150 000 F, de dix autocars, qui devaient être loués pour une durée de cinq ans à la société Carpaye Frères, laquelle s'engageait à acquérir pour un franc les parts sociales de cette société en nom collectif, à l'issue de la période de location ; que l'article 8 de l'agrément, après avoir rappelé qu'en application de l'article 1756 du code général des impôts, la SNC et ses associés pourraient être déchus des régimes fiscaux particuliers attachés à cet agrément en cas d'inexécution de leurs obligations et des engagements pris, spécifiait qu'il en serait de même au cas où des renseignements inexacts auraient été fournis à l'administration ; que l'administration a constaté que les montants figurant sur les factures d'achat des véhicules comptabilisées par la SNC LES TROIS SALAZES ne correspondaient pas à ceux portés sur les factures enregistrées chez le fournisseur et que la différence, qui s'élevait à 590 000 F, avait été versée aux associés de la SNC et dirigeants de la SARL Carpaye Frères ; que, par décision du 18 novembre 2003, le ministre a en conséquence retiré les agréments qui avaient été accordés à la SNC LES TROIS SALAZES ; que cette dernière se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 septembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision de retrait d'agrément ;

Considérant en premier lieu que, contrairement à ce qu'elle soutient, la SNC LES TROIS SALAZES n'a pas soulevé devant les juges du fond le moyen tiré de ce qu'il résulterait de l'ordonnance de non-lieu rendue à l'issue de la procédure pénale engagée contre ses associés qu'elle n'avait pu fournir des renseignements délibérément inexacts à l'administration fiscale ; qu'en jugeant que le ministre n'avait pas commis d'erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que les renseignements portant sur le montant de l'investissement étaient délibérément inexacts, la cour a implicitement mais nécessairement répondu, d'une part au moyen tiré de ce que l'obligation de fourniture de renseignements exacts posée par l'article 8 de l'agrément du 15 avril 1998 serait limitée aux seuls renseignements sur lesquels l'administration pouvait exercer son pouvoir d'appréciation et, d'autre part, au moyen tiré de ce que la société remplissait toutes les conditions posées par les dispositions du 1 de l'article 1756 du code général des impôts et de l'article 238 bis HA du même code ; que par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de son arrêt doivent être écartés ;

Considérant, en second lieu, que lorsque l'une des conditions mises à l'octroi d'un agrément n'est pas satisfaite, l'administration est fondée à procéder au retrait de cet agrément dont l'ensemble forme un tout indivisible ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a retiré les agréments accordés à la SNC LES TROIS SALAZES au motif que la société avait fourni des renseignements délibérément inexacts sur le montant de l'investissement projeté ; qu'en jugeant que la condition tenant à la fourniture de renseignements exacts, mentionnée à l'article 8 de la décision d'agrément, impliquait l'exactitude des renseignements portant sur le montant de l'investissement donnant lieu à agrément, la cour n'a pas inexactement interprété la portée de cette décision administrative ; qu'après avoir souverainement estimé que le ministre n'avait pas commis d'erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce en regardant cette condition comme non remplie, la cour en a légalement déduit que l'administration pouvait retirer les agréments en cause, alors même que les investissements en vue desquels ils avaient été délivrés avaient effectivement été réalisés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC LES TROIS SALAZES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SNC LES TROIS SALAZES est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SNC LES TROIS SALAZES et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 322260
Date de la décision : 16/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - CLASSIFICATION - ACTES INDIVIDUELS OU COLLECTIFS - AGRÉMENT DONT L'ENSEMBLE FORME UN TOUT INDIVISIBLE - NON-RESPECT D'UNE CONDITION MISE À SON OCTROI - CONSÉQUENCE - LÉGALITÉ DE SON RETRAIT EN TOTALITÉ.

01-01-06-02 Lorsque l'une des conditions mises à l'octroi d'un agrément n'est pas satisfaite, l'administration est fondée à procéder au retrait de la totalité de cet agrément dont l'ensemble forme un tout indivisible.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - DÉDUCTION DES INVESTISSEMENTS RÉALISÉS DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER (ANCIEN ART - 238 BIS HA DU CGI) - DÉDUCTION AU NOMBRE DE CELLES SOUMISES À AGRÉMENT MINISTÉRIEL - AGRÉMENT DONT L'ENSEMBLE FORME UN TOUT INDIVISIBLE - CONSÉQUENCE - NON-RESPECT D'UNE CONDITION MISE À SON OCTROI - LÉGALITÉ DE SON RETRAIT EN TOTALITÉ.

19-04-01-04-03 Investissement outre-mer soumis, pour obtenir le bénéfice de la déduction prévu à l'ancien article 238 bis HA du code général des impôts (CGI), à l'obtention d'un agrément ministériel. Agrément délivré au projet d'investissement, consistant en l'achat et l'exploitation de véhicules de transport, sous condition d'exactitude des renseignements fournis à l'administration. Révélation, postérieurement à la délivrance de l'agrément, d'une surfacturation frauduleuse des véhicules, ayant entraîné le retrait par l'administration de la totalité de l'agrément.... ...Lorsque l'une des conditions mises à l'octroi d'un agrément n'est pas satisfaite, l'administration est fondée à procéder au retrait de cet agrément dont l'ensemble forme un tout indivisible. En l'espèce, la condition relative à l'exactitude des renseignements portant sur le montant de l'investissement étant regardée comme non remplie, l'administration pouvait légalement retirer en totalité l'agrément en cause, alors même que l'investissements en vue duquel il avait été délivré avait effectivement été réalisé.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - INCITATIONS FISCALES À L'INVESTISSEMENT - DÉDUCTION DES INVESTISSEMENTS RÉALISÉS DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER (ANCIEN ART - 238 BIS HA DU CGI) - DÉDUCTION AU NOMBRE DE CELLES SOUMISES À AGRÉMENT MINISTÉRIEL - AGRÉMENT DONT L'ENSEMBLE FORME UN TOUT INDIVISIBLE - CONSÉQUENCE - NON-RESPECT D'UNE CONDITION MISE À SON OCTROI - LÉGALITÉ DE SON RETRAIT EN TOTALITÉ.

19-09 Investissement outre-mer soumis, pour obtenir le bénéfice de la déduction prévu à l'ancien article 238 bis HA du code général des impôts (CGI), à l'obtention d'un agrément ministériel. Agrément délivré au projet d'investissement, consistant en l'achat et l'exploitation de véhicules de transport, sous condition d'exactitude des renseignements fournis à l'administration. Révélation, postérieurement à la délivrance de l'agrément, d'une surfacturation frauduleuse des véhicules, ayant entraîné le retrait par l'administration de la totalité de l'agrément.... ...Lorsque l'une des conditions mises à l'octroi d'un agrément n'est pas satisfaite, l'administration est fondée à procéder au retrait de cet agrément dont l'ensemble forme un tout indivisible. En l'espèce, la condition relative à l'exactitude des renseignements portant sur le montant de l'investissement étant regardée comme non remplie, l'administration pouvait légalement retirer en totalité l'agrément en cause, alors même que l'investissements en vue duquel il avait été délivré avait effectivement été réalisé.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2010, n° 322260
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:322260.20100416
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