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16/04/2010 | FRANCE | N°336854

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 avril 2010, 336854


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 2010, présentée par M. Ngoy A élisant domicile ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 15 décembre 2008 du consul général de France à Douala (Cameroun), refusant un visa de l

ong séjour au profit de son fils Dieudonné B en qualité d'enfant d'un réfug...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 2010, présentée par M. Ngoy A élisant domicile ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 15 décembre 2008 du consul général de France à Douala (Cameroun), refusant un visa de long séjour au profit de son fils Dieudonné B en qualité d'enfant d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie en raison de la durée de la séparation d'avec son enfant ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle est entachée d'un défaut de motivation ; qu'en outre, de nombreux documents produits établissent le lien de filiation entre M. A et son fils et attestent qu'il prend en charge l'entretien et l'éducation de son enfant ; qu'enfin, la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de mener une vie familiale normale ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'existe aucun doute sérieux sur la légalité de la décision contestée puisque, d'une part, elle est suffisamment motivée et, d'autre part, il est établi que l'acte de naissance de l'enfant est apocryphe ; qu'en outre, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la filiation n'est pas établie ; que la condition d'urgence n'est pas remplie ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 avril 2010, présenté par M. A, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; il soutient en outre que l'administration se fonde sur une levée d'acte du 31 mars 2010 pour justifier la décision antérieure de refus de visa du 15 décembre 2008 du consul général de France à Douala ; qu'en tout état de cause, les nombreux documents produits attestent de la prise en charge par M. A de son fils ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 avril 2010 à 15 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Uzan-Sarano , avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- le représentant de M. A ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;

Considérant que M. A, ressortissant congolais, né en 1965, est entré en France en 1999 et a obtenu le statut de réfugié à la suite d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prise en mars 2003 ; qu'il conteste le refus de visa opposé à sa demande tendant à faire venir en France son fils ;

Considérant que, pour refuser de délivrer à M. Dieudonné B un visa d'entrée en France au titre du regroupement familial, les autorités consulaires se fondent sur le caractère apocryphe de l'acte de naissance versé au dossier ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A a mentionné l'existence de son fils lors de sa demande d'admission au statut de réfugié, même s'il a alors commis une erreur sur sa date de naissance ; que, dans sa déclaration en vue de l'obtention de l'autorisation de regroupement familial, il mentionne la date exacte ; qu'en outre trois actes de délégation d'autorité parentale ont été produits, qui font état du lien de filiation entre le requérant et son fils ; qu'enfin le requérant justifie de l'envoi régulier de sommes d'argent pour subvenir aux besoins du jeune Dieudonné et que les débats au cours de l'audience publique ont confirmé l'existence de liens entre le requérant et cet enfant ; qu'ainsi, compte tenu de ce faisceau d'indices concordants, et en dépit du caractère incertain de l'acte de naissance et de l'erreur commise dans la demande d'admission au statut de réfugié sur la date de naissance de l'enfant, le moyen tiré du caractère erroné du motif tiré de l'absence de filiation entre le requérant et l'enfant Dieudonné est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant qu'eu égard à la durée de la séparation entre le requérant et son fils, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision refusant un visa de long séjour à son fils Dieudonné B ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sa demande de visa dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France rejetant le recours de M. A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, au regard des motifs de celle-ci, les demandes de visa présentées par M. A pour l'enfant Dieudonné.

Article 3 : L'Etat versera à M. Ngoy A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Ngoy A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 336854
Date de la décision : 16/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2010, n° 336854
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:336854.20100416
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