La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2010 | FRANCE | N°337843

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 03 mai 2010, 337843


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 2010, présentée par M. Salih A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 2 novembre 2009 par laquelle l'ambassadeur de France en Turquie a refusé de délivrer des visas de l

ong séjour à sa compagne Mlle Songul C et aux cinq enfants Ismaïl, Ibra...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 mars 2010, présentée par M. Salih A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 2 novembre 2009 par laquelle l'ambassadeur de France en Turquie a refusé de délivrer des visas de long séjour à sa compagne Mlle Songul C et aux cinq enfants Ismaïl, Ibrahim, Yusuf, Salim et Nesligul C ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer les demandes de visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il soutient que la décision dont il demande la suspension de l'exécution crée une situation d'urgence du fait de sa séparation d'avec sa compagne et ses enfants, dont l'intégrité physique et morale est au surplus menacée ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 2 novembre 2009 de l'ambassadeur de France en Turquie ; qu'en effet cette décision ne comporte pas de motivation suffisante ; que, de plus, l'ambassadeur n'a pas respecté la procédure prévue à l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'autorité administrative a commis une erreur de droit et méconnu l'article 47 du code civil en indiquant que la filiation n'était pas établie sans en apporter la preuve ; que le refus de visa est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une inexactitude matérielle ; que la décision de refus de visa méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de visa ;

Vu le recours reçu le 11 janvier 2010 par la commission de recours contre les décisions de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la requête à fin d'annulation présentée par M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa ne saurait être entachée d'un défaut de motivation ; qu'il a légalement été procédé à une vérification de l'authenticité des actes d'état civil des demandeurs de visa conformément à l'article 47 du code civil ; que la décision dont la suspension de l'exécution est demandée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que les actes de naissance produits pour les cinq enfants font apparaître que les déclarations ont toutes été faites en 2002, longtemps après les naissances déclarées ; que les enfants ont été reconnus par M. A à une date à laquelle il était en France ; que les enfants portent le nom de leur mère alors qu'ils devraient porter celui de leur père en vertu de la loi turque ; que le refus de visa ne méconnaît, dans les circonstances de l'espèce, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que la condition d'urgence n'est pas remplie ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 avril 2010, présenté par M. A ; il tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il fait valoir, en outre, que la loi turque invoquée par le ministre a été abrogée ; que le code civil turc prévoit que la reconnaissance des enfants peut être effectuée par le père par écrit ; qu'en vertu de la loi turque, les enfants nés hors mariage portent le nom de leur mère ; qu'aucune disposition de la législation turque n'interdit la reconnaissance passé un certain délai ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à l'audience publique du 28 avril 2010 à 11 heures, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 28 avril 2010 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, entré en France en 2000, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision de la commission des recours des réfugiés en date du 26 juillet 2007 ; qu'il a ensuite demandé à ce que puissent le rejoindre en France sa compagne, Mlle Songul C, ainsi que les cinq enfants Ismaïl, Ibrahim, Yusuf, Salim et Nesligul ; que les visas sollicités par Mlle C pour elle-même et pour les cinq enfants ont été refusés par décision de l'ambassadeur de France en Turquie en date du 2 novembre 2009 ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement confirmé le refus de délivrance des visas sollicités ; que cette dernière décision s'est substituée à la décision initiale prise par l'ambassadeur de France en Turquie ; que les conclusions de la demande en référé doivent être regardées comme dirigées contre cette dernière décision ;

Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution de la décision attaquée, M. A fait valoir que la décision de l'ambassadeur ne serait pas suffisamment motivée et serait intervenue sans respecter la procédure prévue par l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'autorité administrative aurait méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil ; qu'en estimant que les actes d'état-civil produits par M. A n'établissaient pas les liens de filiation entre lui et les cinq enfants, l'autorité administrative s'est fondée sur des faits matériellement inexacts et a commis une erreur d'appréciation ; que les refus de visa portent une atteinte excessive au droit au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée méconnaît l'intérêt supérieur des enfants de M. A garanti par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des refus de visa sur la situation personnelle des demandeurs ;

Considérant qu'aucun de ces moyens ne paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions à fin de suspension présenté par M. A ne peuvent être accueillies ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Salih A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 337843
Date de la décision : 03/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mai. 2010, n° 337843
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stahl
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:337843.20100503
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award