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05/05/2010 | FRANCE | N°301426

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 05 mai 2010, 301426


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 9 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Denis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 8 juin 2004 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan tendant à ce qu'il soit condamné à lui verser la somme de 217,51 euros co

rrespondant à la taxe foncière sur les propriétés bâties due pour les ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 9 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Denis A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 8 juin 2004 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan tendant à ce qu'il soit condamné à lui verser la somme de 217,51 euros correspondant à la taxe foncière sur les propriétés bâties due pour les années 1996 et 1997 à raison de l'occupation du plan d'eau au droit de sa marina à Port-Camargue dans la commune du Grau-du-Roi, l'a condamné à verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 1998 et a rejeté ses conclusions incidentes ;

2°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 91-739 du 18 juillet 1991 relatif aux chambres de commerce et d'industrie, aux chambres régionales de commerce et d'industrie, à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et aux groupements interconsulaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, chargé des fonctions de maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. A et de la SCP Monod, Colin, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. A et à la SCP Monod, Colin, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le port de plaisance de Port-Camargue, qui se compose d'une partie ouverte au public ainsi que d'une partie comportant des postes d'amarrage attenant à des propriétés privées appelées marinas, a été concédé pour une durée de cinquante ans par l'Etat à la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan, par arrêté interministériel du 4 juin 1969 ; qu'aux termes de l'article 42 du cahier annexé à cet arrêté, le concessionnaire supporte seul la charge de tous les impôts auxquels sont ou pourraient être assujetties la concession et sa dépendance ; que par arrêté préfectoral du 4 janvier 1984, le port a été mis à disposition de la commune du Grau-du-Roi, les droits du concessionnaire étant toutefois maintenus jusqu'à l'expiration du contrat de concession ; que par un contrat conclu le 10 mai 1991 avec M. A, la chambre de commerce et d'industrie a autorisé ce dernier à occuper une parcelle du plan d'eau du port située au droit de sa marina selon des conditions fixées par les stipulations du contrat et du cahier annexé à ce contrat ; que par un avis à payer en date du 18 septembre 1997, la chambre de commerce et d'industrie a mis à la charge de M. A la somme de 217,51 euros correspondant à une fraction de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les années 1996 et 1997 établie au titre des installations du port de plaisance de Port-Camargue, déterminée au prorata du nombre de postes d'amarrage dans les ports public et privé et, au sein du port privé, au prorata de la largeur de chaque poste d'amarrage ; que devant le refus de M. A de s'acquitter de cette somme, la chambre de commerce et d'industrie a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à ce qu'il soit condamné au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 1998, que le tribunal a rejeté par un jugement du 8 juin 2004 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et l'a condamné au paiement de cette somme ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article I du contrat d'occupation du plan d'eau conclu entre M. A et la chambre de commerce et d'industrie : Le permissionnaire est autorisé (...) - à réaliser, à la limite de sa propriété, sur le plan d'eau, les ouvrages suivants : Implantation de pieux et à occuper le plan d'eau au droit des ouvrages réalisés dans les limites ci-après (...) ; qu'aux termes de l'article 4 du cahier annexé à ce contrat portant conditions générales pour l'établissement, l'entretien des ouvrages d'accostage et l'occupation du plan d'eau : Le permissionnaire assurera à ses frais et sous sa responsabilité la construction et l'entretien des ouvrages réalisés sur le domaine public maritime tels qu'ils auront été autorisés par le contrat ; qu'aux termes de l'article 12 du même cahier : Le permissionnaire devra seul supporter la charge de tous les impôts auxquels sont ou pourraient être assujettis les aménagements et installations réalisés ;

Considérant que ces stipulations autorisaient la chambre de commerce et d'industrie à mettre à la charge de M. A les seuls impôts auxquels étaient ou pouvaient être assujettis les pieux implantés dans la partie du plan d'eau qu'il était autorisé à occuper au droit de sa marina ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment des avis d'imposition que la taxe foncière sur les propriétés bâties dont la chambre de commerce et d'industrie a répercuté la charge sur les amodiataires a pour assiette l'ensemble des équipements du port de plaisance et non les ouvrages que chaque permissionnaire est autorisé à construire au droit de sa propriété et n'entre donc pas dans le champ des stipulations contractuelles de l'article 12 précité ; que, dès lors, en estimant que la chambre de commerce et d'industrie s'était bornée à répercuter sur les amodiataires en application de l'article 12 du cahier des conditions générales le montant de la taxe foncière relative à leurs installations, la cour a dénaturé les stipulations de cet article ; que M. A est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions de la requête de la chambre de commerce et d'industrie :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre à un moyen en ne faisant pas mention dans son jugement des principes généraux applicables au droit des concessions que la chambre de commerce et d'industrie invoquait en première instance comme simple argument pour justifier de la régularité des stipulations de l'article 12 du cahier annexé au contrat d'occupation du domaine public ; que la chambre de commerce et d'industrie n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;

En ce qui concerne le fond :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la chambre de commerce et d'industrie ne pouvait mettre à la charge de M. A la somme demandée sur le fondement des stipulations du contrat conclu à l'origine entre les parties ;

Considérant que, toutefois, il résulte de l'instruction que la modification unilatérale du contrat par la chambre de commerce et d'industrie fait suite à la réévaluation de la valeur locative du port par l'administration fiscale qui, à compter de 1996, a pris en compte pour déterminer cette valeur les postes d'amarrage attenant aux marinas, alors que ces derniers étaient auparavant pris en compte pour déterminer la valeur locative des marinas, au titre de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties acquittée par chacun des propriétaires ; qu'en se prévalant ainsi dans son courrier du 19 septembre 1997 d'un fait nouveau survenu postérieurement à la conclusion du contrat, la chambre de commerce et d'industrie était fondée à faire usage du pouvoir qu'elle tenait en tant que gestionnaire du domaine public de modifier les conditions pécuniaires auxquelles l'occupation du domaine était subordonnée et, par conséquent, à répercuter sur les amodiataires une partie de la cotisation de taxe foncière mise à sa charge par l'administration fiscale ;

Considérant que M. A ne peut utilement se prévaloir de ce que les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties dont le remboursement lui est demandé seraient dépourvues de base légale, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie a été rendue destinataire d'avis d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés au titre de ces deux années et qu'elle justifie dès lors d'une dette envers l'Etat ;

Considérant qu'il ressort des dispositions du décret du 18 juillet 1991, applicable en 1997, que les chambres de commerce et d'industrie étaient dotées d'une organisation comptable et financière particulière qui ne prévoyait pas l'intervention d'un comptable public ; que, par suite, M. A ne peut utilement faire valoir que l'avis de paiement qui lui a été adressé par la chambre de commerce et d'industrie, qui n'avait pas la nature d'un titre de perception rendu exécutoire, ne serait pas suffisamment motivé au regard des exigences du décret du 29 décembre 1962 ;

Considérant que si M. A soutient qu'en répartissant à raison du nombre de postes d'amarrage existant dans chaque zone la cotisation de taxe foncière entre les utilisateurs de la partie publique du port, d'une part, et les amodiataires de la partie privée, d'autre part, la chambre de commerce et d'industrie aurait désavantagé ces derniers en raison des spécificités de certains postes d'amarrage du port public et de la circonstance que la plupart des équipements profiteraient davantage aux utilisateurs du port public, il n'assortit pas ces affirmations d'éléments permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de condamner M. A à lui payer la somme de 217,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 1998 ;

Sur les conclusions d'appel incident de M. A :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. A tendant à l'annulation de l'avis de paiement en ce qu'il porte sur les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et à ce qu'il soit enjoint à la chambre de commerce et d'industrie de procéder au calcul de leur répercussion par référence à la valeur vénale des biens taxés ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées en appel par la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 décembre 2006 et le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juin 2004 sont annulés.

Article 2 : M. A est condamné à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan une somme de 217,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 1998.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. A sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan et par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Denis A et à la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes, Bagnols, Uzès, Le Vigan.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 mai. 2010, n° 301426
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 05/05/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 301426
Numéro NOR : CETATEXT000022233073 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-05-05;301426 ?
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