La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2010 | FRANCE | N°329021

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 05 mai 2010, 329021


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 21 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 20 mai 2009 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à être autorisé à exercer, au nom du département du Loiret, une action en nullité du contrat de vente d'un immeuble industriel situé 71, avenue Victor Hugo à Fleury-les-Aubrais (45), conclu les 23 mars et 11 avril 2005 entre ce département et l

a société Deret ;

2°) de l'autoriser à engager cette action en nullité...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 21 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 20 mai 2009 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à être autorisé à exercer, au nom du département du Loiret, une action en nullité du contrat de vente d'un immeuble industriel situé 71, avenue Victor Hugo à Fleury-les-Aubrais (45), conclu les 23 mars et 11 avril 2005 entre ce département et la société Deret ;

2°) de l'autoriser à engager cette action en nullité au nom du département du Loiret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du département du Loiret le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat de M. A et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du département du Loiret,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de M. A et à la SCP Peignot, Garreau, avocat du département du Loiret ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3133-1 du code général des collectivités territoriales : Tout contribuable inscrit au rôle du département a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir au département et que celui-ci, préalablement appelé à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer (...) ; qu'il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat, saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour le département et qu'elle a une chance de succès ;

Considérant que M. A a demandé au tribunal administratif d'Orléans de l'autoriser à exercer pour le compte du département du Loiret une action en nullité du contrat de vente d'un ensemble immobilier conclu les 23 mars et 11 avril 2005 entre cette collectivité et la société Deret au prix de 50 000 euros ; que, par la décision attaquée, le tribunal a rejeté cette demande au motif qu'une telle action ne présentait pas un intérêt matériel suffisant pour le département ;

Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'il se prononce sur une demande d'autorisation d'agir en justice présentée par un contribuable sur le fondement des dispositions précitées, le tribunal administratif statue en la forme administrative et non juridictionnelle ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposait au tribunal administratif, avant de statuer sur la demande présentée par M. A, de lui communiquer le mémoire présenté par le département du Loiret et enregistré le 18 mai 2009 ; que, pour les mêmes raisons, le tribunal n'était pas tenu de lui transmettre la lettre du 7 mai 2009 par laquelle le président du conseil général s'est borné à informer le tribunal administratif de l'inscription à l'ordre du jour de l'examen de la demande présentée par M. A tendant à ce que la collectivité engage l'action en nullité mentionnée précédemment, ni d'ailleurs la délibération du 15 mai 2009 par laquelle la commission permanente du conseil général du Loiret a rejeté cette demande ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que la demande dont M. A a saisi le président du conseil général du Loiret ainsi que le mémoire qu'il a présenté devant le tribunal administratif d'Orléans tendaient à l'exercice d'une action en nullité du contrat de vente conclu entre le département du Loiret et la société Deret ; que, nonobstant la circonstance que M. A indique, pour la première fois devant le Conseil d'Etat, son intention de porter cette action devant le juge administratif, un tel litige vise à remettre en cause un contrat qui, eu égard à son objet et à l'absence de toute clause exorbitante du droit commun, doit être regardé comme présentant le caractère de contrat de droit privé ; qu'ainsi, ce litige relève nécessairement de la compétence du juge civil, alors même que serait par la suite invoquée devant ce juge l'appartenance du bien au domaine public de la collectivité ; que si M. A soutient que cette vente est entachée de nullité au motif qu'elle aurait été consentie à vil prix, une telle action en nullité, fondée sur l'article 1591 du code civil, n'est susceptible de prospérer devant le juge civil que dans l'hypothèse d'un prix inexistant ou dérisoire ; que l'avis du service des domaines transmis le 6 janvier 2004 au département estimait la valeur des seules parcelles en terrain nu entre 70 000 et 90 000 euros, en excluant toutefois de ce montant les coûts de démolition du bâtiment industriel ; que le prix de vente de 50 000 euros ne saurait, par suite, être regardé comme inexistant ou dérisoire ; qu'au demeurant, le département ne serait pas recevable à introduire une action en rescision pour lésion, prévue par l'article 1674 du même code, dès lors qu'une telle action ne peut être exercée que dans un délai de deux ans à compter de la vente ;

Considérant, d'autre part, que M. A soutient que la transaction serait entachée de nullité en ce qu'elle porterait sur une dépendance du domaine public ; que, toutefois, à supposer même que les locaux aliénés aient effectivement servi de dépôt de matériel aux services de la direction départementale de l'équipement implantés sur la parcelle contiguë, cette seule circonstance ne saurait suffire à les regarder comme affectés à un service public ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que le lieu n'a fait l'objet d'aucun aménagement spécial visant à l'adapter à cette éventuelle affectation sur la période concernée ; que, si le requérant soutient que le bien était soumis par anticipation aux principes gouvernant la domanialité publique en raison de son affectation certaine à l'accueil de services du conseil général du Loiret, il résulte en tout état de cause de l'instruction que ce projet a été abandonné dès 2001 et que l'aménagement des locaux à cette fin n'a jamais été entrepris ; qu'il suit de là que le bien cédé ne saurait être regardé comme constituant, à la date de la vente, une dépendance du domaine public départemental ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, à supposer même que l'action envisagée présente un intérêt suffisant pour le département, elle doit être regardée comme dépourvue de toute chance de succès ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le département du Loiret, la requête de M. A doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Loiret, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'aucune somme n'est par ailleurs susceptible d'être mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie dans cette instance ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement d'une somme de 1 500 euros au département du Loiret à ce même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera au département du Loiret une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du département du Loiret est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe A et au département du Loiret.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 329021
Date de la décision : 05/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mai. 2010, n° 329021
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean Lessi
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:329021.20100505
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award