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07/05/2010 | FRANCE | N°323155

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 07 mai 2010, 323155


Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Mireille A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, une somme au moins égale à 33 973,23 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de l'illégalité du décret en date du 31 juillet 2000, par lequel le Président de la République l'a nommée sous-préfète de 1ère classe, sous-préfète de Rochechouart, ainsi que de l'arrêté en date du 19 octobre 2000, par lequel le ministre de l'inté

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Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Mireille A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, une somme au moins égale à 33 973,23 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de l'illégalité du décret en date du 31 juillet 2000, par lequel le Président de la République l'a nommée sous-préfète de 1ère classe, sous-préfète de Rochechouart, ainsi que de l'arrêté en date du 19 octobre 2000, par lequel le ministre de l'intérieur l'a classée au 5ème échelon (IB 966 - IM 782) de ce grade avec une ancienneté de 5 mois et 15 jours à compter du 1er septembre 2000, avec intérêts de droit à compter du 25 octobre 2004 et capitalisation de ces intérêts et, d'autre part, une somme au moins égale à 10 000 euros, en réparation du préjudice moral subi du fait de l'illégalité de ces mêmes décisions, avec intérêts de droit à compter du 25 octobre 2004 et capitalisation de ces intérêts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 64-260 du 14 mars 1964 ;

Vu le décret n° 98-1167 du 21 décembre 1998 ;

Vu le décret du 31 juillet 2000 portant nomination de Mme A en qualité de sous-préfète ;

Vu l'arrêté du 14 novembre 1997 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'arrêté du 7 janvier 2000 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux sous-préfets ;

Vu l'arrêté du 19 octobre 2000 portant classement de Mme A en tant que sous-préfète ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de Mme A ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, premier conseiller du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a été détachée dans le corps des sous-préfets et nommée sous-préfète de Rochechouart par décret du président de la République en date du 31 juillet 2000, puis reclassée au 5eme échelon de la 1ère classe dans le corps des sous-préfets par un arrêté du ministre de l'intérieur, en date du 19 octobre 2000 ; qu'elle a saisi le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales, par une lettre du 23 octobre 2004, reçue le 25 octobre, à laquelle elle n'a pas reçu de réponse, d'une demande indemnitaire tendant au versement d'une somme de 33 700 euros au titre du préjudice financier et d'une somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral, toutes deux majorées des intérêts légaux, en réparation des conséquences dommageables de l'illégalité de l'arrêté du 19 octobre 2000 du ministre de l'intérieur ; que Mme A demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté sa demande ;

Sur la légalité de l'arrêté du 19 octobre 2000 du ministre de l'intérieur :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'illégalité du décret du 31 juillet 2000 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 14 mars 1964 portant statut des sous-préfets applicable à la date des décisions litigieuses : Les sous-préfets sont recrutés parmi les administrateurs civils. Ils peuvent l'être également parmi les fonctionnaires des autres corps dont le recrutement est normalement assuré par l'Ecole nationale d'administration. ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : Les administrateurs civils sont reclassés comme sous-préfets conformément au tableau d'équivalence annexé au présent décret. / Les fonctionnaires des autres corps ou cadre d'emplois sont reclassés à l'échelon de la carrière de sous-préfets qui comporte un indice égal ou à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine. Ils sont réputés détenir dans la carrière de sous-préfet l'ancienneté exigée pour parvenir à cet échelon, augmentée de l'ancienneté qu'ils avaient acquise dans l'échelon quitté de leur corps ou cadre d'emplois d'origine. / Les intéressés sont détachés dans la classe de sous-préfet dont l'indice terminal est au moins égal à l'indice terminal de leur grade ou classe d'origine, sous réserve, en ce qui concerne le détachement dans la hors classe de sous-préfet, que les intéressés soient parvenus dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine à un échelon comportant un indice au moins égal à celui du 1er échelon de la hors classe de sous-préfet et qu'ils aient accompli huit années de services effectifs depuis leur nomination dans un des corps ou cadre d'emplois mentionnés à l'article 6 bis. ; qu'en vertu de l'arrêté du 14 novembre 1997 alors applicable, l'échelonnement indiciaire pour le grade de premier conseiller des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel se poursuit hors échelle au-delà du 4ème échelon ; qu'en vertu de l'article 1er de l'arrêté du 7 janvier 2000 alors applicable, le 5ème échelon de la première classe du corps des sous-préfets correspondait à l'indice brut 966, et les 1er, 4ème et 5ème et dernier échelon de la hors classe respectivement à l'indice brut 901, au groupe hors échelle A et au groupe hors échelle B ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A avait atteint, à la date de son détachement, le 5ème échelon du grade de premier conseiller du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et était classée au 2ème chevron du groupe hors échelle A ; qu'en application de l'article 7 du décret du 14 mars 1964 précité, elle devait être détachée à la hors classe des sous-préfets, dès lors que l'indice brut terminal de cette classe correspondait à celui de son grade dans son corps d'origine et que son échelon dans ce corps comportait un indice brut supérieur au 1er échelon de cette classe et, au sein de cette classe, au 4ème échelon, dont l'indice brut correspondait à celui qu'elle détenait dans son corps d'origine ; que par suite, Mme A est fondée à soutenir que l'arrêté du 19 octobre 2000 du ministre de l'intérieur, en tant qu'il procède à son reclassement comme sous-préfète de 1ère classe, est illégal ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que l'illégalité dont est entaché l'arrêté du 19 octobre 2000 du ministre de l'intérieur constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que Mme A est fondée à demander à l'Etat la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de cette illégalité ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme A la somme correspondant à la différence entre le traitement, exprimé en valeur nette des prélèvements sociaux obligatoires, qu'elle aurait dû percevoir pendant la période comprise entre le 1er septembre 2000 et le 31 août 2003 si elle avait été, à compter du 1er septembre 2000, classée au 4ème échelon de la hors classe avec une ancienneté de 5 mois et 15 jours, en tenant compte des avancements d'échelon et de chevron qui lui auraient été attribués de manière certaine en application des dispositions statutaires alors en vigueur, et le traitement qui lui a été effectivement versé, augmentée du supplément d'indemnité forfaitaire de représentation qui aurait dû lui être versé pendant cette période à raison de son classement en hors classe ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 25 000 euros ;

Considérant, en revanche, que la requérante n'est pas fondée à demander la prise en compte, pour la détermination du préjudice matériel, du supplément d'indemnité de responsabilité dont elle soutient ne pas avoir pu bénéficier du fait de l'illégalité des décisions litigieuses, dès lors que le bénéfice de cette indemnité, dont le montant est déterminé en fonction du classement du poste territorial occupé, en application de l'article 2 du décret du 21 décembre 1998, est subordonnée à l'exercice effectif des fonctions correspondantes ;

Considérant, enfin, que Mme A n'établit pas la réalité du préjudice moral qu'elle aurait subi à raison des modalités irrégulières de son reclassement en tant que sous-préfète de 1ère classe ; que, par suite, sa demande de réparation de ce chef de préjudice doit être rejetée ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme A a droit aux intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité qui lui est due à compter du 25 octobre 2004, date de réception par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales de sa demande préalable ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée la première fois dans la présente requête enregistrée le 11 décembre 2008 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts échus à la date du 11 décembre 2008 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A une somme de 25 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2004. Les intérêts échus à la date du 11 décembre 2008 et du 11 décembre 2009 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Mireille A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 323155
Date de la décision : 07/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2010, n° 323155
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bachelier
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:323155.20100507
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