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07/05/2010 | FRANCE | N°338847

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 mai 2010, 338847


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Francis A, ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution :

1°) de l'arrêté du 18 décembre 2009 du garde des sceaux, ministre de la justice qui l'a admis à la retraite et maintenu en activité en surnombre dans la magistrature ;

2°) du décret du 2 avril 2010 qui le charge des fonctions de substitut du procureur de la République prè

s le tribunal de grande instance de Montauban, du 8 avril 2010 au 7 avril 2013...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Francis A, ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution :

1°) de l'arrêté du 18 décembre 2009 du garde des sceaux, ministre de la justice qui l'a admis à la retraite et maintenu en activité en surnombre dans la magistrature ;

2°) du décret du 2 avril 2010 qui le charge des fonctions de substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montauban, du 8 avril 2010 au 7 avril 2013 ;

il soutient que l'urgence est caractérisée dès lors que les décisions contestées le contraignent à rejoindre, en deux jours, le poste sur lequel il a été nommé à Montauban ; qu'il ne peut répondre à une telle obligation et risque en conséquence de se trouver en situation d'abandon de poste et d'encourir une sanction disciplinaire ; que les décisions contestées le privent, en outre, de son traitement et de son logement ; que leur exécution aurait des conséquences difficilement réversibles ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de ces décisions ; qu'en effet, elles ne sont fondées sur aucun motif de fait ou de droit sérieux ; qu'il est en droit de renoncer à son maintien en activité ; que le caractère tardif de la demande qu'il a formée à cette fin est imputable à la Chancellerie qui ne lui a notifié son décret de nomination que deux jours avant sa date d'effet ; qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations devant le Conseil supérieur de la magistrature au sujet de sa demande de prolongation d'activité ; que le décret du 2 avril 2010 est sans fondement dès lors qu'il a renoncé à son maintien en activité ; que les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article 65 de la Constitution, garantissant l'inamovibilité des magistrats ; qu'elles sont entachées d'un détournement de pouvoir en ce qu'elles ont été prises dans le but de l'évincer de certains dossiers sensibles ;

Vu les décisions dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2010, présenté par le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. A n'ayant pas intérêt à agir en annulation à l'encontre des décisions contestées qui ont été prises à sa demande, l'irrecevabilité entachant son recours au fond fait obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de suspension ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que le requérant est lui-même à l'origine des décisions contestées ; qu'il n'y a aucune volonté de l'administration de lui nuire ou de lui porter préjudice ; qu'en outre, il peut lui-même mettre fin à cette situation en demandant l'abrogation du décret du 2 avril 2010 et son admission à la retraite ; que la perte de son logement n'est qu'une conséquence de son maintien en activité ; qu'il n'apporte pas, de surcroît, la preuve d'un préjudice financier important résultant de la privation de son traitement ; qu'enfin, il a lui-même tardé à saisir le juge des référés ; qu'il n'existe pas de moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; qu'en effet, le garde des sceaux n'est aucunement tenu de faire droit à sa demande de retrait des décisions attaquées ; que ces décisions ne sont pas entachées de détournement de pouvoir puisque l'administration a traité sa demande de prolongation d'activité conformément à l'article 76 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée et de l'article 1er de la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 modifiée ; que la violation des dispositions de l'article 65 de la Constitution n'est pas établie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment l'article 65 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du mardi 4 mai 2010 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que M. Francis A, président du tribunal de première instance de Mata-Utu, qui a atteint l'âge de soixante-cinq ans le 7 avril 2010, a été, conformément à sa demande, admis à faire valoir ses droits à la retraite et maintenu en activité en surnombre, pour trois ans, par un arrêté du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés du 18 décembre 2009 ; qu'un décret du Président de la République en date du 2 avril 2010 l'a affecté, pendant cette période de trois ans, aux fonctions de substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montauban ; que M. A demande la suspension de l'exécution de cet arrêté et de ce décret ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi organique du 7 janvier 1988 : Les magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge fixée par le premier alinéa de l'article 76 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, sont, sur leur demande, ... maintenus en activité pour une période non renouvelable de trois ans, pour exercer, selon le cas, des fonctions de conseiller, de substitut général, de juge ou de substitut ; que cet article précise que les magistrats qui demandent à bénéficier de ses dispositions font connaître au garde des sceaux l'affectation qu'ils souhaiteraient recevoir pendant la période au cours de laquelle ils seront maintenus en activité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A a demandé à être maintenu en activité en application de ces dispositions et a indiqué les affectations qu'il souhaitait recevoir ; qu'au nombre de ces affectations figuraient les postes correspondant à son grade dans le ressort de la cour d'appel de Toulouse ;

Considérant que le décret et l'arrêté dont la suspension est demandée sont intervenus, à la suite de demandes de M. A, dans le cadre défini par l'article 1er de la loi organique du 7 janvier 1988, dont les dispositions impliquaient que son maintien en activité s'accompagnât d'une nouvelle affectation ; que le requérant ne soutient d'ailleurs pas que les décisions contestées auraient méconnu les dispositions de la loi organique du 7 janvier 1988 ; que les moyens tirés de ce que la décision de l'affecter au tribunal de grande instance de Montauban, d'une part, méconnaîtrait les garanties attachées à l'inamovibilité des magistrats du siège, d'autre part, serait entachée de détournement de pouvoir ne sont pas de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret et de l'arrêté dont la suspension est demandée ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt de M. A à demander l'annulation de ce décret et de cet arrêté, sa requête ne peut, en l'absence de moyen de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions dont il demande la suspension, qu'être rejetée ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Francis A et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 338847
Date de la décision : 07/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2010, n° 338847
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:338847.20100507
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