La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2010 | FRANCE | N°337855

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 mai 2010, 337855


Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hameed A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 7 octobre 2008 de l'ambassadeur de France au Pakistan, refusant un visa de long séjour à son épo

use et à ses enfants en qualité de membres de la famille d'un réfugié st...

Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hameed A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 7 octobre 2008 de l'ambassadeur de France au Pakistan, refusant un visa de long séjour à son épouse et à ses enfants en qualité de membres de la famille d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen des demandes de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est satisfaite compte tenu de la durée de l'éloignement de son épouse et de ses trois enfants et de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve sa famille ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'elle est insuffisamment motivée ; que, pour refuser la délivrance des visas sollicités, les services consulaires n'apportent pas la preuve de l'inauthenticité des documents d'état civil produits ; que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il a fait état du lien matrimonial, de manière constante, dès son entrée en France et justifie de la sincérité de son union et du maintien des relations avec sa famille ; qu'il justifie avoir produit des pièces nombreuses et concordantes corroborant l'authenticité des actes de naissance et le lien de filiation ; que la décision contestée méconnaît tant les stipulations de l'article 3 de la de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elle porte une atteinte manifeste au principe de l'unité de la famille et au droit au respect de la vie privée et familiale ;

Vu la copie du recours reçu le 20 novembre 2008 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée pour M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que si le requérant a obtenu, en 1998, le statut de réfugié, ce n'est qu'en 2003 qu'il a entrepris les démarches pour faire entrer en France les personnes qu'il présente comme étant son épouse et ses enfants ; que dès lors, la condition d'urgence n'est pas établie ; que le requérant ne justifie pas avoir demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet ; que les documents d'état civil produits, à l'appui des demandes de visas, ne sont pas authentiques et ne permettent pas d'établir l'identité de son épouse Mme Bibi et de ses enfants ; que ces documents ont été signés par des autorités incompétentes ; qu'une enquête diligentée par l'Ambassade de France au Pakistan remet en cause les liens entre le requérant et son épouse et ses enfants allégués ainsi que leur véritable nationalité ; que les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 7 mai 2010 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. A

- la représentante de M. A ;

- le représentant du ministère de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, de nationalité indienne et de confession musulmane, est originaire du Cachemire ; qu'il a gagné le Pakistan puis la France en 1997 où il s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision en date du 27 février 1998 de la commission des recours des réfugiés ; que la commission des recours, après avoir relevé qu'il avait fui son village en 1993 lors d'une opération de l'armée indienne et qu'il avait vécu clandestinement entre 1993 et 1997 dans le district d'Uri - proche de la ligne démarquant les zones du Cachemire contrôlées respectivement par l'Inde et le Pakistan - a jugé qu'il devait être regardé comme craignant avec raison des persécutions en cas de retour en Inde ;

Considérant qu'après avoir repris contact avec son épouse, Mme Salamat Bibi, M. A a demandé en 2003 à ce qu'elle puisse venir le rejoindre en France avec leurs enfants Quadir, né en 1988, Nawed, né en 1990, et Naila, née en 1992 ; que l'instruction des demandes de visa de long séjour permettant leur entrée en France a été confiée aux services consulaires au Pakistan, pays dans lequel Mme Bibi et les enfants ont trouvé refuge ; que les visas sollicités ont toutefois été refusés par les autorités consulaires à Islamabad le 7 octobre 2008, au motif que les pièces d'état-civil présentées n'étaient pas conformes à la législation en vigueur au Pakistan faute d'être certifiés par les autorités compétentes ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement confirmé le refus de délivrance des visas sollicités ;

Considérant, d'une part, qu'eu égard à la durée de la séparation et au délai qui s'est écoulé depuis que M. A a demandé à ce que son épouse et ses enfants puissent le rejoindre en France, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A a indiqué dès le 19 août 1997, dans la notice renseignée dans le cadre de l'instruction de sa demande d'admission au statut de réfugié, être marié avec Mme Salamat Bibi et avoir eu avec elle trois enfants Quadar, né en 1988, Naweed, né en 1990 et Nayla, né en 1992 ; que ces indications sont concordantes avec celles que M. A a donné ultérieurement et qui figurent, notamment, sur la fiche familiale de référence destinée au dossier tenu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que dans les circonstances de l'espèce, s'agissant de ressortissants indiens originaires du Cachemire ayant gagné le Pakistan, la circonstance, alléguée en défense par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, que les actes d'état-civil produits dans le cadre de l'instruction des demandes de visa ont été établis au Pakistan et ne pourraient en conséquence authentifier des événements qui se sont produits en Inde n'apparaît pas déterminante, non plus que la circonstance que le Pakistan a délivré à Mme Bibi et aux enfants des passeports portant mention d'une nationalité pakistanaise ; qu'au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier et indiqués au cours de l'audience de référé, le moyen tiré de ce que c'est à tort que l'autorité administrative a estimé que les liens matrimoniaux et les liens de filiation n'étaient pas établis apparaît de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer les demandes de visa présentées pour Mme Bibi et les trois enfants Quadir, Nawed et Naila dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'exécution de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de M. A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa présentée pour Mme Salamat Bibi et les trois enfants Quadir, Nawed et Naila A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Hameed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 337855
Date de la décision : 10/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2010, n° 337855
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stahl
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:337855.20100510
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award