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12/05/2010 | FRANCE | N°326871

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 12 mai 2010, 326871


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 6 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS, dont le siège est 4 rue de La Vrillière à Paris (75001), représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-152 du 10 février 2009 relatif à l'information sur les tarifs d'honoraires pratiqués par les professionnels de santé ;

2) de mett

re à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'a...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 6 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS, dont le siège est 4 rue de La Vrillière à Paris (75001), représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-152 du 10 février 2009 relatif à l'information sur les tarifs d'honoraires pratiqués par les professionnels de santé ;

2) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS ;

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 1111-3 introduit dans le code de la santé publique par l'article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 du 19 décembre 2007 : Le professionnel de santé doit en outre afficher de façon visible et lisible dans sa salle d'attente ou à défaut dans son lieu d'exercice les informations relatives à ses honoraires, y compris les dépassements qu'il facture. Les infractions aux dispositions du présent alinéa sont recherchées et constatées dans les conditions prévues et par les agents mentionnés à l'article L. 4163-1. Les conditions d'application du présent alinéa et les sanctions sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; que, pour l'application de ces dispositions, le décret n° 2009-152 du 10 février 2009 a introduit dans le code de la santé publique les articles R. 1111-21 à R. 1111-25 regroupés au sein d'une nouvelle section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie de ce code intitulée Obligation d'affichage du professionnel de santé ; que le SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret en ce qu'il définit les obligations d'affichage des chirurgiens-dentistes et prévoit une procédure de sanction des infractions à ces obligations ;

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article D. 511-3 du code de la consommation : Les pouvoirs publics consultent, en tant que de besoin, le conseil national de la consommation sur les grandes orientations de leur politique qui concernent les consommateurs et les usagers et, en particulier, à l'occasion des discussions communautaires ayant une incidence sur le droit français de la consommation (...) ; que ces dispositions n'imposaient pas au pouvoir réglementaire de consulter le conseil national de la consommation préalablement à l'adoption du décret attaqué ; que, d'autre part, l'article L. 4122-1 du code de la santé publique prévoit que l'ordre national des chirurgiens-dentistes veille notamment à l'observation, par tous les membres de l'ordre, des devoirs professionnels et des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1 et qu'il étudie les questions ou projets qui lui sont soumis par le ministre chargé de la santé ; que ces dispositions n'imposaient pas davantage la consultation du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en faisant porter l'obligation d'affichage sur le montant des tarifs des honoraires ou fourchettes de tarifs des honoraires et non sur les modalités générales de délivrance des informations tarifaires aux patients, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les termes ni altéré la portée du troisième alinéa de l'article L. 1111-3 du code de la santé publique issu de l'article 39 de la loi du 19 décembre 2007, confortée - contrairement à ce que soutient le syndicat requérant - par les travaux parlementaires qui ont précédé son adoption ; que l'obligation d'affichage prévue au dernier alinéa de l'article L. 1111-3 du code de la santé publique vise essentiellement à informer les patients sur le niveau des tarifs des honoraires du professionnels de santé et sur le différentiel existant par rapport aux tarifs de remboursement par l'assurance maladie ; que, dès lors, le choix du pouvoir réglementaire d'ouvrir aux praticiens la faculté d'afficher des fourchettes de tarifs d'honoraires n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que cette obligation d'affichage ne se substitue notamment pas aux obligations d'information individualisée du patient fixées par les deux premiers alinéas de ce même article ; que le moyen tiré de ce que l'affichage des tarifs des honoraires ou de fourchettes tarifaires ne permettrait pas d'assurer une information adéquate du patient ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1er paragraphe de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ; que le syndicat requérant ne saurait utilement exciper de ce que les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1111-3 du code de la santé publique, considérées indépendamment des dispositions du décret attaqué, sont incompatibles avec le principe de légalité des délits et des peines tel qu'il résulte des stipulations précitées, dès lors que ces stipulations s'appliquent sans préjudice de la répartition des compétences normatives dans l'ordre juridique interne ; que, par ailleurs, la loi précitée a dûment habilité le pouvoir réglementaire à fixer les sanctions attachées à la méconnaissance de l'obligation d'affichage des honoraires des chirurgiens-dentistes ; qu'enfin, en prévoyant au 2° de l'article R. 1111-21 du code de la santé publique que les chirurgiens-dentistes doivent afficher, outre le tarif des honoraires dus pour la consultation, le tarif des honoraires correspondant à au moins cinq des prestations de soins conservateurs, chirurgicaux et de prévention les plus pratiqués et au moins cinq des traitements prothétiques et d'orthopédie dento-faciale les plus pratiqués , le pouvoir réglementaire a entendu laisser à chaque praticien une marge d'appréciation pour sélectionner les tarifs d'honoraires correspondant à un certain nombre de prestations parmi celles qu'il réalise lui-même le plus couramment, sans donner pour autant une définition insuffisamment claire et précise de l'obligation d'affichage de nature à méconnaître le principe de légalité des délits et des peines ;

Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions du décret attaqué ne méconnaissent ni le principe de sécurité juridique, ni le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme ;

Considérant, en cinquième lieu, que si l'article L. 1111-3 prévoit que les manquements à l'obligation d'affichage sont recherchés et constatés selon les procédures et par les agents désignés à l'article L. 4163-1, cette disposition n'a ni pour objet, ni pour effet, de porter atteinte au secret médical ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites, et le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ; qu'en vertu de l'article R. 1111-25 du code de la santé publique, les agents habilités notifient au professionnel de santé un rappel de la réglementation en cas de première constatation d'un manquement aux obligations d'affichage ; que, si un second manquement est constaté après l'expiration d'un délai de quinze jours, le représentant de l'Etat dans le département adresse une nouvelle notification indiquant les manquements reprochés et le montant de l'amende envisagée, afin que le professionnel puisse présenter ses observations écrites ou orales, assisté de la personne de son choix, dans un délai de quinze jours ; qu'au terme de cette procédure, une amende de 3 000 euros maximum peut être prononcée ; que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, le rappel de la réglementation notifié au praticien après la constatation d'un premier manquement ne constitue pas une décision infligeant une sanction et ne correspond par ailleurs à aucune des autres catégories de décisions individuelles soumises à une obligation de motivation en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le décret pouvait légalement s'abstenir de prévoir qu'un tel acte devait être précédé d'une procédure contradictoire ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du principe général des droits de la défense doit, dès lors, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; que les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES CHIRURGIENS-DENTISTES DE PARIS, au Premier ministre, à la ministre de la santé et des sports et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326871
Date de la décision : 12/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES (ART - 7 CONV - EDH) - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - OBLIGATION D'AFFICHAGE DES TARIFS DES CHIRURGIENS-DENTISTES - MARGE D'APPRÉCIATION LAISSÉE À CES DERNIERS QUANT AU CONTENU DE L'AFFICHAGE - DÉFINITION SUFFISAMMENT CLAIRE ET PRÉCISE DE L'OBLIGATION.

26-055-01 En prévoyant l'obligation pour les chirurgiens-dentistes d'afficher les tarifs de certaines prestations qu'ils choisissent parmi celles qu'ils pratiquent le plus couramment, le décret n° 2009-152 du 10 février 2009, bien qu'il laisse aux praticiens une marge d'appréciation, n'a pas donné une définition insuffisamment précise et claire de l'obligation d'affichage qui pèse sur eux et n'a donc pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines protégé notamment par l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - LÉGALITÉ INTERNE - PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - OBLIGATION D'AFFICHAGE DES TARIFS DES CHIRURGIENS-DENTISTES - MARGE D'APPRÉCIATION LAISSÉE À CES DERNIERS QUANT AU CONTENU DE L'AFFICHAGE - DÉFINITION SUFFISAMMENT CLAIRE ET PRÉCISE DE L'OBLIGATION.

59-02-02-03 En prévoyant l'obligation pour les chirurgiens-dentistes d'afficher les tarifs de certaines prestations qu'ils choisissent parmi celles qu'ils pratiquent le plus couramment, le décret n° 2009-152 du 10 février 2009, bien qu'il laisse aux praticiens une marge d'appréciation, n'a pas donné une définition insuffisamment précise et claire de l'obligation d'affichage qui pèse sur eux et n'a donc pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines protégé notamment par l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SANTÉ PUBLIQUE - PROFESSIONS MÉDICALES ET AUXILIAIRES MÉDICAUX - OBLIGATION D'AFFICHAGE DES TARIFS DES CHIRURGIENS-DENTISTES - MARGE D'APPRÉCIATION LAISSÉE À CES DERNIERS QUANT AU CONTENU DE L'AFFICHAGE - DÉFINITION SUFFISAMMENT CLAIRE ET PRÉCISE DE L'OBLIGATION - PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE.

61-035 En prévoyant l'obligation pour les chirurgiens-dentistes d'afficher les tarifs de certaines prestations qu'ils choisissent parmi celles qu'ils pratiquent le plus couramment, le décret n° 2009-152 du 10 février 2009, bien qu'il laisse aux praticiens une marge d'appréciation, n'a pas donné une définition insuffisamment précise et claire de l'obligation d'affichage qui pèse sur eux et n'a donc pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines protégé notamment par l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2010, n° 326871
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean Lessi
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:326871.20100512
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