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12/05/2010 | FRANCE | N°332838

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 12 mai 2010, 332838


Vu, 1° sous le n° 332838, la requête, enregistrée le 30 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE COSNE-COURS-SUR-LOIRE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE COSNE-COURS-SUR-LOIRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1152 du 29 septembre 2009 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance, des greffes détachés et des juridictions de proximité, en tant qu'il avance du 1er janvier 2010 au 1er octobre 2009 la date de la suppression du tribunal d'instance de Cosne-

Cours-sur-Loire ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de rectifier le...

Vu, 1° sous le n° 332838, la requête, enregistrée le 30 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE COSNE-COURS-SUR-LOIRE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE COSNE-COURS-SUR-LOIRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1152 du 29 septembre 2009 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance, des greffes détachés et des juridictions de proximité, en tant qu'il avance du 1er janvier 2010 au 1er octobre 2009 la date de la suppression du tribunal d'instance de Cosne-Cours-sur-Loire ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de rectifier le tableau IV annexé au code de l'organisation judiciaire afin de rétablir la situation issue du décret n° 2008-522 du 2 juin 2008, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 334199, la requête, enregistrée le 30 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE CASTELNAUDARY, représentée par son maire ; la COMMUNE DE CASTELNAUDARY demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1152 du 29 septembre 2009 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance, des greffes détachés et des juridictions de proximité, en tant qu'il avance du 1er janvier 2010 au 1er octobre 2009 la date de la suppression du tribunal d'instance de Castelnaudary ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de rectifier le tableau IV annexé au code de l'organisation judiciaire afin de rétablir la situation issue du décret n° 2008-522 du 2 juin 2008, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu, 3° sous le n° 334200, la requête, enregistrée le 21 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE, dont le siège est 42, boulevard Raspail à Paris (75007) ; l'ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1152 du 29 septembre 2009 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance, des greffes détachés et des juridictions de proximité ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de rectifier le tableau IV annexé au code de l'organisation judiciaire afin de rétablir la situation issue du décret n° 2008-522 du 2 juin 2008, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'organisation judiciaire ;

Vu la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;

Vu la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 ;

Vu l'ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 ;

Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;

Vu le décret n° 91-282 du 15 mars 1991 ;

Vu le décret n° 2008-145 du 15 février 2008 ;

Vu le décret n° 2008-522 du 2 juin 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1110 du 30 octobre 2008 ;

Vu l'arrêté du 21 octobre 1999 modifiant l'arrêté du 25 mars 1993 portant création d'un comité technique paritaire local auprès de chaque premier président de cour d'appel, ainsi que cet arrêté ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNE DE COSNE-COURS-SUR-LOIRE, de la COMMUNE DE CASTELNAUDARY et de l'ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNE DE COSNE-COURS-SUR-LOIRE, de la COMMUNE DE CASTELNAUDARY et de l'ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE ;

Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même décret n° 2009-1152 du 29 septembre 2009 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance, des greffes détachés et des juridictions de proximité ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 du décret du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires : Les comités techniques paritaires connaissent dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 13 et 14 du présent décret des questions et des projets de textes relatifs : / 1° Aux problèmes généraux d'organisation des administrations, établissements ou services ; / 2° Aux conditions générales de fonctionnement des administrations et services (...) ; qu'en vertu de l'article 3 du même décret, sont créés, par arrêté du ministre, des comités techniques centraux auprès de chaque directeur responsable de services centraux et de services déconcentrés ; que les dispositions du décret attaqué entraient, du fait des conséquences qu'elles emportent sur l'organisation et le fonctionnement des services des tribunaux supprimés, dans le champ de compétence du comité technique paritaire central placé auprès du directeur des services judiciaires, constitué en vertu de cet article et exerçant ainsi sa compétence tant pour les services déconcentrés que pour les services centraux ; que si ont été également créés des comités techniques paritaires régionaux auprès de chaque premier président de cour d'appel par arrêté du 25 mars 1993 modifié par arrêté du 21 octobre 1999, la consultation de ces comités n'était pas requise préalablement à l'édiction du décret attaqué, eu égard au caractère général des orientations ayant présidé à l'anticipation de la fermeture de certaines juridictions qu'il opère, y compris quant à sa mise en oeuvre territoriale ; que les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'absence de consultation des comités techniques paritaires régionaux entacherait d'irrégularité le décret qu'ils attaquent ;

Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité technique paritaire central placé auprès du directeur des services judiciaires du 14 septembre 2009 n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien fondé ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué a procédé à l'anticipation de la suppression de cinq tribunaux d'instance et juridictions de proximité et d'un greffe détaché, déjà prévue par le décret du 30 octobre 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance, des greffes détachés, des juridictions de proximité et des tribunaux de grande instance ; qu'il n'a pas pour objet de supprimer des juridictions mais seulement d'avancer la date d'entrée en vigueur de dispositions du décret du 30 octobre 2008 cité ci-dessus ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'inexactitude matérielle entachant les motifs tirés de l'isolement du juge d'instance et de l'absence de continuité du service public de la justice, de l'erreur d'appréciation entachant le motif tenant à la nécessaire spécialisation des magistrats, de la méconnaissance du principe d'égalité des citoyens devant le service public de la justice, de la méconnaissance du droit à un procès équitable, de la méconnaissance de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la suppression des tribunaux d'instance de Castelnaudary et de Cosne-Cours-sur-Loire sont inopérants à l'encontre du décret attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, que la seule circonstance que cinq tribunaux d'instance et un greffe détaché soient supprimés dès le 1er octobre 2009 alors que les autres juridictions comparables ne le sont qu'à compter du 1er janvier 2010 ne méconnaît pas le principe d'égalité des citoyens devant le service public de la justice ;

Considérant, en troisième lieu, que s'il est soutenu que le décret du 29 septembre 2009 a méconnu les conditions fixées pour la fermeture anticipée de juridictions par la circulaire du garde des sceaux du 3 avril 2008 relative à la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire, le pouvoir réglementaire n'était pas tenu par les prescriptions d'une telle circulaire ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que s'il est soutenu que l'anticipation de la suppression des juridictions concernées par le décret attaqué vise à faire obstacle au caractère effectif de l'annulation par le Conseil d'Etat du décret du 30 octobre 2008 cité ci-dessus et méconnaît par suite le droit à un procès équitable garanti les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'avancement de la date d'entrée en vigueur de dispositions d'un décret ayant prévu une entrée en vigueur différée de ces dispositions ne saurait faire obstacle au caractère effectif d'une annulation de ce décret prononcée par le Conseil d'Etat statuant au contentieux ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;

Considérant que le décret attaqué, publié au Journal officiel de la République française le 30 septembre 2009, avance au 1er octobre 2009 la suppression de cinq tribunaux d'instance et juridictions de proximité et d'un greffe détaché ; qu'il est soutenu que l'anticipation de ces suppressions opérée par le décret au lendemain de sa publication méconnaît le principe de sécurité juridique ; que toutefois la suppression de ces juridictions a été décidée par le décret du 30 octobre 2008 ; que l'anticipation de la suppression de ces juridictions, dont la fermeture était décidée et connue depuis plusieurs mois, ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts des communes, des justiciables, des fonctionnaires, des magistrats et des professionnels du droit, au regard des considérations d'intérêt général qui la motivent tenant aux difficultés de fonctionnement de ces juridictions ; que, par suite, le décret attaqué ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes n°s 332838, 334199 et 334200 sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE COSNE-COURS-SUR-LOIRE, à la COMMUNE DE CASTELNAUDARY, à l'ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE, à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 332838
Date de la décision : 12/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2010, n° 332838
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Raphaël Chambon
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:332838.20100512
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