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18/05/2010 | FRANCE | N°335786

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 18 mai 2010, 335786


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Steeve C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2009 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il rejette les conclusions de sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 28 juin et 5 juillet 2009 dans la commune d'Hénin-Beaumont et à l'annulation de l'élection de M. Daniel B en qualité de conseiller municipal ;

2°) d'annuler les opérations électorale

s qui se sont déroulées les 28 juin et 5 juillet 2009 dans la commune d'Hénin-...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Steeve C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2009 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il rejette les conclusions de sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 28 juin et 5 juillet 2009 dans la commune d'Hénin-Beaumont et à l'annulation de l'élection de M. Daniel B en qualité de conseiller municipal ;

2°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 28 juin et 5 juillet 2009 dans la commune d'Hénin-Beaumont ;

3°) d'annuler l'élection de M. Daniel B en qualité de conseiller municipal de cette commune ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam, Auditeur,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. Daniel B,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. Daniel B ;

Considérant qu'au second tour des élections municipales qui se sont déroulées à Hénin-Beaumont le 5 juillet 2009, la liste Pour Hénin-Beaumont, l'Alliance Républicaine conduite par M. B a obtenu 6 054 voix et la liste Hénin-Beaumont Renouveau ! conduite par M. C, 5 504 voix ; que M. C fait appel du jugement du 17 décembre 2009 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il rejette les conclusions de sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales et à l'annulation de l'élection de M. B en qualité de conseiller municipal ;

Sur le grief relatif à la liste électorale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 17 du code électoral : (...) Une liste électorale est dressée pour chaque bureau de vote par une commission administrative constituée pour chacun de ces bureaux et composée du maire ou de son représentant, du délégué de l'administration désigné par le préfet ou le sous-préfet, et d'un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance. / Dans les villes et communes comprenant plus de 10 000 habitants, le délégué de l'administration est choisi par le préfet en dehors des membres du conseil municipal de la collectivité intéressée. (...) / En outre, une liste générale des électeurs de la commune est dressée, d'après les listes spéciales à chaque bureau de vote, par une commission administrative composée du maire, d'un délégué de l'administration désigné par le préfet ou le sous-préfet, et d'un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance. ;

Considérant que, si M. C soutient que 664 électeurs ont été radiés de la liste électorale par des commissions administratives de révision irrégulièrement composées, dès lors que les représentants de l'administration en leur sein auraient été désignés par le maire d'Hénin-Beaumont, il résulte de l'instruction que les trois représentants de l'administration au sein de ces commissions ont été désignés par arrêtés de l'autorité préfectorale ; que ce grief manque donc en fait ;

Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :

Considérant, en premier lieu, que s'il résulte de l'instruction que M. B a, dans un entretien paru le 29 juin 2009 au journal 20 Minutes , soutenu que la commune ne bénéficierait plus, en cas de victoire de la liste conduite par M. C, de subventions du conseil général et du conseil régional, de tels propos, tenus six jours avant le second tour de scrutin et reprenant un thème de propagande développé à plusieurs reprises pendant la campagne électorale, auxquels M. C a en outre répondu dans un entretien télévisé diffusé le 2 juillet 2009 et dans une lettre du même jour aux habitants de la commune, ne peuvent être regardés en l'espèce comme ayant constitué une pression sur les électeurs susceptible d'altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. (...) ;

Considérant que les propos tenus par certains élus lors d'une conférence de presse donnée le 30 juin 2009 dans ses locaux ne sauraient être regardés comme un soutien officiel apporté par la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin à la liste conduite par M. B ; que si M. C soutient que l'utilisation à cette occasion des locaux de la communauté d'agglomération a permis à la liste Pour Hénin-Beaumont, l'Alliance Républicaine de bénéficier, en violation des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, d'un avantage qui a porté atteinte à l'égalité entre les candidats, il n'établit ni même n'allègue qu'il aurait demandé à utiliser ces locaux dans des conditions identiques et qu'il se serait vu opposer un refus ; qu'il a répliqué aux déclarations des participants à cette conférence de presse par un communiqué de presse dont a fait état, comme de la conférence elle-même, la presse locale ; qu'ainsi, cette conférence n'a pas constitué une manoeuvre de nature à fausser les résultats du scrutin ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les manifestations qui se sont déroulées les 3 et 4 juillet 2009 à Hénin-Beaumont n'ont pas été accompagnées de violences constitutives d'actes de pression à l'égard du corps électoral et que M. C a été en mesure de répondre aux propos tenus par les manifestants, ainsi qu'il l'a d'ailleurs fait par un communiqué de presse du 4 juillet 2009 ;

Considérant, en dernier lieu, que la seule mention, au demeurant conforme à la réalité, de son grade de directeur territorial au sein des services du conseil régional par M. B dans des tracts et dans une lettre ouverte au personnel communal , qui ne comporte aucune promesse ni aucune menace à l'égard des agents de la commune, ainsi que sur les bulletins de vote de la liste Pour Hénin-Beaumont, l'Alliance Républicaine , ne révèle pas, par elle-même, l'existence d'une pression exercée sur les électeurs, de nature à altérer la sincérité des résultats du scrutin ;

Sur le grief relatif au déroulement des opérations électorales :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 49 du code électoral : Il est interdit de distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents. / A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le jour du second tour de scrutin, des messages de sympathisants de la liste de M. B, mais aussi d'opposants à cette liste, ont été déposés sur le blog de M. Alain Alpern, conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais, et que ce dernier a lui-même mis en ligne, une heure avant la clôture des bureaux de vote, un message en faveur de la liste Pour Hénin-Beaumont, l'Alliance Républicaine critiquant la gestion des villes par le parti de M. C ; que toutefois la diffusion de ces messages, qui n'ont apporté aucun élément au débat électoral, n'a pas été de nature à altérer la sincérité des résultats du scrutin ;

Sur le grief tiré de l'inéligibilité de M. B à la date de l'élection :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 231 du code électoral, ne sont pas éligibles au conseil municipal, dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois, ... 8° Les directeurs de cabinet du président du conseil général et du président du conseil régional, les directeurs généraux, les directeurs, les directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de conseil général et de conseil régional... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B, qui est titulaire du grade de directeur territorial, a été affecté à compter du 25 novembre 2008, par arrêté du président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais du 19 janvier 2009, sur un poste de chargé de mission au sein de la mission développement international de la direction de l'action économique du conseil régional ; que, dans ce cadre, il est non seulement chargé de contribuer à l'élaboration, à la gestion, à la mise en oeuvre, à l'animation et au suivi des politiques régionales en matière de développement du tourisme et des loisirs, mais aussi d'instruire et de suivre les dossiers de demandes de subventions relevant de ces politiques, ainsi que d'assurer la coordination et la concertation auprès des acteurs locaux privés ou publics du tourisme, y compris des élus, avec lesquels le conseil régional agit en partenariat ; que, dès lors, M. B doit être regardé, alors même qu'il est placé sous l'autorité d'un chef de service, qu'il ne dispose pas de délégation de signature et qu'il n'assure pas d'activités d'encadrement, comme exerçant des fonctions au moins équivalentes à celles d'un chef de bureau de conseil régional ; qu'ainsi, il était atteint par l'inéligibilité édictée par les dispositions de l'article L. 231 du code électoral ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 décembre 2009, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa protestation tendant à l'annulation de l'ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune d'Hénin-Beaumont les 28 juin et 5 juillet 2009 ; qu'il est, en revanche, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa protestation dirigées contre l'élection de M. B en qualité de conseiller municipal de cette commune à l'issue de ces opérations ; que cette élection doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu'en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 270 du code électoral, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de proclamer élue Mme Cécile , inscrite sur la liste où figurait M. B immédiatement après le dernier élu de cette liste ;

Sur les conclusions de M. B tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 décembre 2009 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la protestation de M. C dirigées contre l'élection de M. B en qualité de conseiller municipal.

Article 2 : L'élection de M. B en qualité de conseiller municipal de la commune d'Hénin-Beaumont à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées dans cette commune le 5 juillet 2009 est annulée.

Article 3 : Mme est proclamée élue en qualité de conseillère municipale de la commune d'Hénin-Beaumont.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de M. B tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Steeve C et à M. Daniel B.

Une copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales et à Mme Cécile .


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 335786
Date de la décision : 18/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-04-02-02-065 ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM. ÉLECTIONS MUNICIPALES. ÉLIGIBILITÉ. INÉLIGIBILITÉS. AGENTS DU CONSEIL GÉNÉRAL ET DU CONSEIL RÉGIONAL. - INCLUSION - CHARGÉ DE MISSION - ASSIMILATION, EU ÉGARD À L'IMPORTANCE DE SES ATTRIBUTIONS, À UN CHEF DE BUREAU [RJ1].

28-04-02-02-065 Chargé de mission de la direction de l'action économique du conseil régional, chargé de contribuer à l'élaboration, à la gestion, à la mise en oeuvre, à l'animation et au suivi des politiques régionales en matière de développement du tourisme et des loisirs, d'instruire et de suivre les dossiers de demandes de subventions relevant de ces politiques, ainsi que d'assurer la coordination et la concertation auprès des acteurs locaux privés ou publics du tourisme, y compris des élus, avec lesquels le conseil régional agit en partenariat. Cet agent doit être regardé comme exerçant des fonctions au moins équivalentes à celles d'un chef de bureau du conseil régional, alors même qu'il est placé sous l'autorité d'un chef de service, ne dispose pas de délégation de signature et n'assure pas d'activités d'encadrement. Il est par suite, en application des dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral, inéligible comme conseiller municipal dans les communes incluses dans le ressort de ces fonctions.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour un autre cas d'inéligibilité d'un chargé de mission, 4 février 1991, Elections municipales de Dunkerque, n° 118584, p. 35.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 mai. 2010, n° 335786
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Emilie Bokdam
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:335786.20100518
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