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21/05/2010 | FRANCE | N°333737

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 21 mai 2010, 333737


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 25 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'AJACCIO, représentée par son maire en exercice, domicilié en l'Hôtel de ville BP 412, à Ajaccio cedex (20304) ; la COMMUNE D'AJACCIO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 octobre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a annulé la procédure de passation du marché de services juridiques ayant pour objet des prestations de conseil et la représentat

ion en justice et a enjoint à la commune de reprendre toute la procédure...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 25 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'AJACCIO, représentée par son maire en exercice, domicilié en l'Hôtel de ville BP 412, à Ajaccio cedex (20304) ; la COMMUNE D'AJACCIO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 octobre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a annulé la procédure de passation du marché de services juridiques ayant pour objet des prestations de conseil et la représentation en justice et a enjoint à la commune de reprendre toute la procédure si elle entendait poursuivre son projet de marché ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de rejeter la requête de la SCP Morelli-Maurel-Santelli-Pinna et Recchi ;

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la SCP Morelli-Maurel-Santelli-Pinna et Recchi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE D'AJACCIO et de Me Spinosi, avocat de la Scp Morelli Maurel Santélli-Pinna et Recchi Diamant III,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE D'AJACCIO et à Me Spinosi, avocat de la Scp Morelli Maurel Santélli-Pinna et Recchi Diamant III ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (..). Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (..). Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. (..) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis publié le 9 janvier 2009, la COMMUNE D'AJACCIO a engagé une procédure pour la passation d'un marché de service juridique ayant pour objet des prestations de conseil juridique (lot n°1) et de représentation en justice (lot n°2) ; que, par une ordonnance du 26 octobre 2009 contre laquelle la COMMUNE D'AJACCIO se pourvoit en cassation, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Bastia a, à la demande de la SCP Morelli-Maurel-Santelli-Pinna et Recchi, concurrent évincé, annulé cette procédure en se fondant sur une méconnaissance de l'article 10 du code des marchés publics, sur l'absence d'information des candidats sur la méthode d'évaluation des offres au regard d'un des critères de sélection et sur l'absence de précision d'un des sous critères de sélection des offres ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés (..). A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (..) Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. ; que s'il appartient au juge des référés précontractuels de relever un manquement aux obligations de mise en concurrence résultant d'une méconnaissance de ces dispositions, s'agissant de la définition du nombre et de la consistance des lots, un tel manquement ne peut résulter que d'une erreur manifeste du pouvoir adjudicateur, compte tenu de la liberté de choix qui lui est reconnue à ce titre ; que le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, en relevant l'existence d'une méconnaissance de l'article 10 du code des marchés publics au motif que les deux lots retenus par la COMMUNE D'AJACCIO, comprenant des prestations dans les domaines du droit public, du droit privé ou du droit pénal, par l'ampleur et l'hétérogénéité des matières qu'ils regroupent présentent en réalité les caractéristiques d'un marché global, sans limiter son contrôle à l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans la détermination du nombre et de la consistance des lots eu égard à la nature des prestations et à l'objet du marché, a commis une erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu'il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné ; qu'aucun principe ni texte n'impose au pouvoir adjudicateur d'informer en outre les candidats de la méthode de notation envisagée pour évaluer les offres au regard des critères de sélection ; que, dès lors, le juge des référés a commis une erreur de droit en retenant que la COMMUNE D'AJACCIO était tenue de porter à la connaissance des candidats, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, la méthode de la notation permettant d'apprécier le critère de sélection des offres relatif aux délais de réponse aux demandes, quels qu'aient pu être les effets de cette méthode sur la notation des offres ;

Considérant, en troisième lieu, que, si la COMMUNE D'AJACCIO avait annoncé dans les documents de consultation que la note méthodologique des candidats serait appréciée en fonction de dix sous-critères, chacun noté sur 1, et que le dixième sous-critère, qui a un lien direct avec l'objet du marché, était dénommé tout autre élément justifiant de la meilleure exécution possible des prestations demandées , il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés, notamment des rapports d'analyse des offres des deux lots du marché, qu'aucune note n'a été attribuée aux candidats au titre de ce sous-critère ; que, dès lors, en retenant que le manquement, à le supposer établi, tiré de ce que la COMMUNE D'AJACCIO n'aurait pas précisément défini ce sous-critère dans les documents de consultation, était de nature à léser la SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi, le juge des référés a inexactement qualifié les faits ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la COMMUNE D'AJACCIO est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la COMMUNE D'AJACCIO ;

Considérant, en premier lieu, que la SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi soutient que la COMMUNE D'AJACCIO a méconnu l'article 10 du code des marchés publics, les deux lots du marché litigieux étant en fait chacun des marchés globaux ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la division du marché de services juridiques de la COMMUNE D'AJACCIO en un lot conseils juridiques et un lot représentation en justice , compte tenu de la nature des prestations et de l'objet du marché, soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, que, d'une part, le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation de leurs offres au regard des critères de sélection retenus et, d'autre part, que le manquement, à le supposer établi, tiré de ce que la COMMUNE D'AJACCIO n'aurait pas précisément défini le sous-critère relatif à la meilleure exécution possible des prestations demandées dans les documents de consultation, n'était pas de nature à léser la SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi, dès lors qu'aucune note n'a été attribuée aux candidats à ce titre ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'analyse des offres pour le lot n°1, conseil juridique, que la COMMUNE D'AJACCIO a choisi d'évaluer les offres des candidats au titre du critère des délais d'exécution des prestations en établissant la moyenne arithmétique de deux notes, relatives aux consultations classiques et à celles demandées en urgence, chacune de ces deux notes étant déterminée au moyen d'une grille de correspondance entre les délais d'exécution proposés par les candidats et les notes attribuées ; que, contrairement à ce que soutient la SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi, l'application de cette méthode, à tous les candidats, n'a pas eu pour effet, nonobstant la construction de la grille de correspondance par intervalles de délais et de notes, d'introduire une rupture d'égalité entre les candidats ; que ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que des documents internes à la COMMUNE D'AJACCIO traduisent l'existence de débats entre les fonctionnaires sur l'évaluation de la valeur des offres n'établit pas l'existence d'un traitement discriminatoire des candidats ;

Considérant, enfin, qu'il appartient au juge des référés précontractuels de relever des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence mais non d'apprécier les mérites respectifs des offres ; que la requérante ne peut donc utilement invoquer l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la COMMUNE D'AJACCIO dans l'appréciation de la valeur de son offre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi d'annulation de la procédure litigieuse doit être rejetée ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent en conséquence être également rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi au titre des frais exposés par la COMMUNE D'AJACCIO et non compris dans les dépens pour la procédure suivie devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Bastia, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE D'AJACCIO, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme demandée au même titre par la SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 26 octobre 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia est annulée.

Article 2 : La demande de la SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SCP Morelli Maurel Santelli-Pinna et Recchi versera la somme de 5 000 euros à la COMMUNE D'AJACCIO en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'AJACCIO et à la SCP Morelli-Maurel-Santelli-Pinna et Recchi.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-03 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. MODE DE PASSATION DES CONTRATS. APPEL D'OFFRES. - DIVISION EN LOTS - ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION - ABSENCE.

39-02-02-03 Collectivité ayant engagé une procédure pour la passation d'un marché de services juridiques divisé en deux lots - l'un ayant pour objet des prestations de conseils juridiques, l'autre la représentation en justice. Elle n'a pas, ce faisant, méconnu l'article 10 du code des marchés publics, une telle division en deux lots n'étant pas, compte tenu de la nature des prestations et de l'objet du marché, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 mai. 2010, n° 333737
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SPINOSI

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 21/05/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 333737
Numéro NOR : CETATEXT000022330459 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-05-21;333737 ?
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