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21/05/2010 | FRANCE | N°334845

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 21 mai 2010, 334845


Vu le pourvoi, enregistré le 21 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE BORDEAUX, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BORDEAUX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 1er décembre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de délégation de service public portant sur la conception, la réalisation et le financement des travaux d'amélioration et de restructuratio

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Vu le pourvoi, enregistré le 21 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE BORDEAUX, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BORDEAUX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 1er décembre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de délégation de service public portant sur la conception, la réalisation et le financement des travaux d'amélioration et de restructuration des installations golfiques et sur la gestion et l'exploitation du golf de Bordeaux Lac, a ordonné à la COMMUNE DE BORDEAUX de reprendre intégralement cette procédure et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société les Nouveaux Golfs de France ;

3°) de mettre à la charge de la société les Nouveaux Golfs de France le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boulloche, avocat de la COMMUNE DE BORDEAUX et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la société Les Nouveaux Golfs de France,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boulloche, avocat de la COMMUNE DE BORDEAUX et à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la société Les Nouveaux Golfs de France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la COMMUNE DE BORDEAUX a envoyé, le 31 mars 2009, en vue de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne, au bulletin officiel des annonces des marchés publics et dans deux revues spécialisées, un avis d'appel public à la concurrence préalable à la conclusion d'une délégation de service public pour la réalisation d'investissements, la gestion et l'animation du golf de Bordeaux-Lac à compter du 1er janvier 2010 ; que la société Les Nouveaux Golfs de France, fermière dans la précédente convention, a présenté sa candidature et a été admise à négocier ; qu'informée du rejet de son offre, elle a saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Bordeaux, le 18 novembre 2009, d'une demande tendant à l'annulation de la procédure ; qu'après avoir suspendu la signature du contrat, ce magistrat a, par l'ordonnance attaquée du 1er décembre 2009, annulé la procédure de dévolution de la délégation de service public ;

Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a estimé qu'une incertitude sur la durée de la délégation empêchant les candidats de présenter utilement leurs offres résultait de ce que la délégation était prévue pour une durée maximale de quinze ans ; que toutefois, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier soumis à ce juge, d'une part que le montant des investissements à réaliser et à amortir contraignait les sociétés candidates dans le choix d'une durée à proposer, d'autre part que les deux entreprises candidates ont établi leurs offres, compte tenu de l'ensemble des informations qui leur ont été fournies, sur la base d'une durée de 15 ans sans la moindre variante ni interrogation sur une durée éventuellement réduite, le juge des référés a, en relevant que l'incertitude était telle qu'elle constituait, pour la collectivité, un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, de léser la société Les Nouveaux Golfs de France en l'empêchant de présenter utilement son offre, inexactement qualifié les faits ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu de juger l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que la société Les Nouveaux Golfs de France a été informée, notamment par un courrier du 20 juin 2009, de ce que la durée de la délégation était de 15 ans ferme ; qu'elle a présenté une offre en se fondant exclusivement sur une telle durée ; qu'ainsi, elle ne peut soutenir que les différences de rédaction entre les mentions relatives à la durée portées au règlement de consultation et à l'avis d'appel public à concurrence, auraient été susceptibles de l'avoir lésée ;

Considérant en deuxième lieu que le manquement invoqué par la société Les Nouveaux Golfs de France tiré de ce que la sélection des candidatures n'aurait pas été faite au regard des critères de la capacité à assurer la continuité du service public et de l'égalité des usagers devant le service public, posés à l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, à le supposer établi, n'est pas de nature, en l'espèce, à avoir lésé la société dont la candidature a été admise ; que de même, si elle soutient que les critères utilisés pour l'examen des candidatures auraient été à nouveau pris en compte au stade de la sélection des offres, elle n'indique pas en quoi le manquement allégué l'aurait lésée ou aurait été susceptible de la léser ;

Considérant en troisième lieu qu'aucune règle ni aucun principe n'impose à l'autorité délégante d'informer les candidats des modalités de mise en oeuvre des critères de sélection des offres ; qu'ainsi la société Les Nouveaux Golfs de France n'est pas fondée à soutenir que l'absence d'une telle information serait constitutive d'un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ;

Considérant en quatrième lieu qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales (...) les offres (...) sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire ; qu'aux termes de l'article L. 1411-5 du même code : (...) l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre ; qu'il suit de là qu'aucune règle n'encadre les modalités de l'organisation des négociations par la personne publique ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction que la négociation s'est concrétisée par la tenue de deux réunions ainsi que par plusieurs échanges de courriels ; qu'ainsi, le moyen tiré par la société Les Nouveaux Golfs de France que la collectivité, en se bornant à lui transmettre une liste de demandes de précisions, aurait méconnu ses obligations de transparence et de mise en concurrence, manque en fait ;

Considérant enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en avertissant la société Les Nouveaux Golfs de France, ainsi que la société concurrente, le 5 novembre 2009 vers 10 heures, de la clôture des négociations le même jour à midi, la collectivité aurait méconnu le principe d'égalité entre les candidats et conduit la VILLE DE BORDEAUX à méconnaître en l'espèce ses obligations de mise en concurrence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société Les Nouveaux Golfs de France tendant à l'annulation de la procédure de passation d'une délégation de service public lancée par la commune de Bordeaux ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société Les Nouveaux Golfs de France soit mise à la charge de la COMMUNE DE BORDEAUX qui n'est pas, dans la présente espèce, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Les Nouveaux Golfs de France une somme de 4 000 euros qui sera versée à la COMMUNE DE BORDEAUX ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 1er décembre 2009 est annulée.

Article 2 : La demande de la société Les Nouveaux Golfs de France est rejetée.

Article 3 : La société Les Nouveaux Golfs de France versera à la COMMUNE DE BORDEAUX une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BORDEAUX et à la société Les Nouveaux Golfs de France.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - PROCÉDURES D'URGENCE - RÉFÉRÉS ADMINISTRATIFS PRÉCONTRACTUELS - JUGE TENU DE RECHERCHER SI L'ENTREPRISE QUI LE SAISIT SE PRÉVAUT DE MANQUEMENTS QUI SONT SUSCEPTIBLES DE L'AVOIR LÉSÉE OU RISQUENT DE LA LÉSER [RJ1] - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - CONTRÔLE DE L'ERREUR DE QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS.

39-08-015 Passation d'une délégation de service public. Le juge des référés précontractuels a estimé qu'une incertitude sur la durée de la délégation empêchant les candidats de présenter utilement leurs offres résultait de ce que la délégation était prévue pour une durée maximale de quinze ans. Toutefois, le montant des investissements à réaliser et à amortir contraignait les entreprises candidates dans le choix d'une durée à proposer et, de fait, les deux candidates ont établi leurs offres sur une durée de quinze ans, sans variante ni interrogation portant sur une durée plus réduite. Par suite, en jugeant que l'incertitude relevée était telle qu'elle constituait, pour la collectivité, un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, de léser le candidat évincé en l'empêchant de présenter utilement son offre, le juge des référés a inexactement qualifié les faits.

PROCÉDURE - PROCÉDURES D'URGENCE - PROCÉDURE PROPRE À LA PASSATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - JUGE TENU DE RECHERCHER SI L'ENTREPRISE QUI LE SAISIT SE PRÉVAUT DE MANQUEMENTS QUI SONT SUSCEPTIBLES DE L'AVOIR LÉSÉE OU RISQUENT DE LA LÉSER [RJ1] - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - CONTRÔLE DE L'ERREUR DE QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS.

54-03-05 Passation d'une délégation de service public. Le juge des référés précontractuels a estimé qu'une incertitude sur la durée de la délégation empêchant les candidats de présenter utilement leurs offres résultait de ce que la délégation était prévue pour une durée maximale de quinze ans. Toutefois, le montant des investissements à réaliser et à amortir contraignait les entreprises candidates dans le choix d'une durée à proposer et, de fait, les deux candidates ont établi leurs offres sur une durée de quinze ans, sans variante ni interrogation portant sur une durée plus réduite. Par suite, en jugeant que l'incertitude relevée était telle qu'elle constituait, pour la collectivité, un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, de léser le candidat évincé en l'empêchant de présenter utilement son offre, le juge des référés a inexactement qualifié les faits.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - RÉGULARITÉ INTERNE - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - OFFICE DU JUGE DES RÉFÉRÉS ADMINISTRATIFS PRÉCONTRACTUELS [RJ1] - NOTION DE MANQUEMENT AUX OBLIGATIONS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE QUI SONT SUSCEPTIBLES D'AVOIR LÉSÉ OU RISQUENT DE LÉSER L'ENTREPRISE QUI LE SAISIT.

54-08-02-02-01-02 Passation d'une délégation de service public. Le juge des référés précontractuels a estimé qu'une incertitude sur la durée de la délégation empêchant les candidats de présenter utilement leurs offres résultait de ce que la délégation était prévue pour une durée maximale de quinze ans. Toutefois, le montant des investissements à réaliser et à amortir contraignait les entreprises candidates dans le choix d'une durée à proposer et, de fait, les deux candidates ont établi leurs offres sur une durée de quinze ans, sans variante ni interrogation portant sur une durée plus réduite. Par suite, en jugeant que l'incertitude relevée était telle qu'elle constituait, pour la collectivité, un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, de léser le candidat évincé en l'empêchant de présenter utilement son offre, le juge des référés a inexactement qualifié les faits.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 3 octobre 2008, Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion pour l'élimination des ordures ménagères du secteur Est de la Sarthe (Smirgeomes), n° 305420, p. 324.


Publications
Proposition de citation: CE, 21 mai. 2010, n° 334845
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 21/05/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 334845
Numéro NOR : CETATEXT000022330462 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-05-21;334845 ?
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