La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2010 | FRANCE | N°296808

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 26 mai 2010, 296808


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 22 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Johan A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 juillet 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 février 2002 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujett

i au titre des années 1992, 1993 et 1994 ;

2°) réglant l'affaire au fond, ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 22 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Johan A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 juillet 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 février 2002 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1992, 1993 et 1994 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale franco-suédoise du 27 novembre 1990 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'alors qu'elle procédait à la vérification de la comptabilité de la société B, C, D et E qui exploitait à Chamonix un commerce de bar et restaurant, l'administration fiscale a interrogé verbalement son associé gérant, M. A, de nationalité suédoise, sur sa situation fiscale personnelle et l'a mis en demeure le 5 octobre 1994 de déposer des déclarations de revenu global, ce que M. A a fait pour les années 1993 et 1994, déclarant n'avoir perçu aucun revenu ; que par notification de redressements en date du 18 mai 1995, l'administration a inclus dans les revenus imposables de M. A les revenus de capitaux mobiliers qu'il avait perçus en Suède en 1992, 1993 et 1994 ; que, par un arrêt en date du 7 juillet 2006 contre lequel M. A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté ses conclusions aux fins de décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de l'arrêt :

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M. A, la cour a expressément répondu au moyen tiré de ce que n'étant pas domicilié fiscalement en France, il n'était pas tenu de souscrire une déclaration de revenus en France ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour a jugé, s'agissant de l'imposition au titre de l'année 1992, que les moyens tirés de ce que les dispositions des articles L. 10 et L. 47 du livre des procédures fiscales avaient été méconnues étaient inopérants, la situation de taxation d'office de M. A n'ayant pas été révélée par un contrôle ou une vérification réalisé sur le fondement de ces dispositions ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'elle aurait omis de répondre à ces moyens ;

Considérant, en dernier lieu, que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, la cour a jugé que la procédure prévue par ces dispositions n'avait pas été mise en oeuvre par l'administration fiscale pour imposer M. A au titre des années 1993 et 1994 et que le moyen était, par voie de conséquence, inopérant ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'elle aurait omis de répondre à ce moyen ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt :

En ce qui concerne l'imposition au titre de l'année 1992 :

Considérant que M. A, qui n'avait pas déposé de déclaration de revenus au titre de l'année 1992 malgré la mise en demeure qui lui avait été adressée, a été imposé sur les revenus de cette année selon la procédure de taxation d'office ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire (...) ; qu'en jugeant que la circonstance que M. A ne percevait aucune rémunération directe en contrepartie de la gestion de la société dont il était associé ne faisait pas obstacle à ce que cette gestion soit regardée comme une activité professionnelle au sens des dispositions précitées de l'article 4 B du code général des impôts, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ; que c'est par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation qu'elle a jugé qu'il exerçait cette activité à titre principal et devait, par suite, être considéré comme ayant son domicile fiscal en France ;

Considérant, en second lieu, que, lorsque l'administration fiscale est en mesure d'établir, par d'autres moyens que les constatations qu'elle a effectuées au cours du contrôle fiscal d'un contribuable, que celui-ci encourait une imposition par voie de taxation d'office, en particulier pour ne pas avoir souscrit dans les délais impartis les déclarations auxquelles il était astreint, les irrégularités qui ont pu entacher la procédure de contrôle de sa situation fiscale demeurent sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition alors même que l'administration, pour déterminer les bases d'imposition, a utilisé des éléments recueillis au cours de ce contrôle ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le vérificateur ne s'est pas fondé sur les éléments que lui avait transmis M. A à la suite de sa demande verbale pour estimer qu'il avait son domicile fiscal en France ; que, par suite, en écartant comme inopérants les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de contrôle au regard des dispositions des articles L. 10 et L. 47 du livre des procédures fiscales, la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni entaché son arrêt de dénaturation ;

En ce qui concerne les impositions au titre des années 1993 et 1994 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) ; que si l'administration fiscale, qui est tenue à un devoir de loyauté, ne saurait induire en erreur les contribuables auxquels elle adresse des demandes en application de ces dispositions, elle n'est pas pour autant tenue de les informer expressément de leur caractère non contraignant ; que, par suite, en jugeant, pour écarter le moyen tiré de ce que M. A n'avait pas été informé du caractère non contraignant de la demande verbale de renseignements sur sa situation fiscale personnelle que lui avait adressée le vérificateur de la comptabilité de la société dont il était le gérant associé, qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'il ait été induit en erreur sur la portée de celle-ci, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ; que la cour, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, a relevé que l'administration fiscale avait fondé les impositions litigieuses sur les seules déclarations de revenus que le requérant avait déposées en Suède et n'avait procédé à aucun contrôle de la cohérence entre les revenus déclarés par lui et son train de vie, sa situation de trésorerie ou sa situation patrimoniale ; qu'en en déduisant que ce contrôle ne constituait pas un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du requérant, au sens des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, la cour a exactement qualifié les faits de l'espèce ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant qu'en faisant référence aux personnes de nationalité suédoise résidant en France pour justifier l'imposition en France de M. A, l'administration avait suffisamment motivé la notification de redressement, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant, en dernier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la cour a pu sans commettre d'erreur de droit juger que M. A était domicilié fiscalement en France ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Stockholm le 27 novembre 1990 : 1. Au sens de la présente Convention, l'expression résident d'un Etat contractant désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, y est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue (...) ; qu'aux termes de l'article 10 de la même convention : 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paye les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 p. 100 du montant brut des dividendes (...) ; qu'aux termes de l'article 11 : 1. Les intérêts provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat, si ce résident en est le bénéficiaire effectif (...) ; qu'aux termes de l'article 23 : Les doubles impositions sont évitées de la manière suivante : / 1. En ce qui concerne la France : / a) Les revenus qui proviennent de Suède et qui sont imposables ou ne sont imposables que dans cet Etat, conformément aux dispositions de la Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation française. Dans ce cas, l'impôt suédois n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d' impôt imputable sur l'impôt français (...) ;

Considérant que la cour, dont l'arrêt n'est pas contesté sur ce point, a souverainement constaté que M. A avait affirmé que ses revenus en provenance de Suède, sur lesquels il a été imposé en France, avaient le caractère d'intérêts ; qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 11 de la convention franco-suédoise que les intérêts provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat, si ce résident en est le bénéficiaire effectif ; que les intérêts perçus par M. A, résident fiscal en France, n'étaient par conséquent imposables qu'en France ; que le crédit d'impôt prévu à l'article 23 ne concerne que les revenus qui proviennent de Suède et qui sont imposables ou ne sont imposables que dans cet Etat ; que, par suite, en jugeant que M. A ne pouvait bénéficier de ces stipulations, la cour n'a commis aucune erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Johan A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 296808
Date de la décision : 26/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2010, n° 296808
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Gilles Pellissier
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:296808.20100526
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award