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26/05/2010 | FRANCE | N°304621

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 26 mai 2010, 304621


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 5 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Maria A, demeurant ..., et pour la SOCIETE A, dont le siège est ..., représentée par son gérant ; Mme A et la SOCIETE A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 25 avril 2006 du secrétaire de la commission des infractions fiscales refusant de leur communique

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 5 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Maria A, demeurant ..., et pour la SOCIETE A, dont le siège est ..., représentée par son gérant ; Mme A et la SOCIETE A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 25 avril 2006 du secrétaire de la commission des infractions fiscales refusant de leur communiquer le dossier les concernant, transmis par l'administration fiscale, d'autre part, à ce que soit ordonnée la communication de ce dossier ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme globale de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme A et de la SOCIETE A et de Me Foussard, avocat du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme A et de la SOCIETE A et de Me Foussard, avocat du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Considérant que, par un courrier du 7 septembre 2005, le conseil de Mme A et de la société dont elle est gérante, la SARL A, a demandé à la commission des infractions fiscales de lui communiquer la lettre de saisine de l'administration fiscale, l'avis émis par la commission des infractions fiscales ainsi que le dossier transmis par l'administration fiscale à leur sujet ; que, saisie le 9 mars 2006, la commission d'accès aux documents administratifs a rendu le 13 avril 2006 un avis favorable à la communication des deux premiers documents et négatif concernant la communication du troisième ; que, par une décision du 25 avril 2006 que Mme A et la SOCIETE A ont contestée devant le tribunal administratif de Paris, le secrétaire de la commission des infractions fiscales a renouvelé son refus de communiquer le dossier transmis par l'administration fiscale ; que Mme A et la SOCIETE A se pourvoient en cassation contre le jugement du 8 février 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives et réglementaires dont elle fait application (...) ; que ces dispositions imposent seulement que les conclusions soient mentionnées et que l'essentiel de l'argumentation des parties soit résumé de manière fidèle et synthétique ; que, par suite, la circonstance que l'analyse des mémoires ne ferait pas ressortir l'importance que la communication des documents présente pour que soient respectés les droits de la défense des requérantes est sans incidence sur la régularité du jugement ;

Considérant, d'autre part, qu'en affirmant que les documents composant le dossier transmis par l'administration fiscale dont la communication était demandée n'étaient pas détachables de la procédure pénale suivie devant le juge judiciaire et ne constituaient donc pas des documents administratifs au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, le tribunal a fait suffisamment apparaître les motifs pour lesquels il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions comme étant inopérant ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales : Sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. / La commission examine les affaires qui lui sont soumises par le ministre chargé des finances. Le contribuable est avisé de la saisine de la commission qui l'invite à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu'il jugerait nécessaires. / Le ministre est lié par les avis de la commission (...) ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 : Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par les dispositions des chapitres Ier, III et IV du présent titre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs (...) ; que sont exclus du champ d'application de la loi les documents d'ordre juridictionnel ou qui sont inséparables d'une procédure juridictionnelle ;

Considérant que les documents relatifs à la procédure devant la commission des infractions fiscales, dont la saisine est un préalable nécessaire à la mise en mouvement de l'action publique, ne sont pas séparables de la procédure pénale suivie devant le juge judiciaire ; que, par suite, si, contrairement à ce que soutient le ministre, il appartenait bien à la juridiction administrative de se prononcer sur la communication d'un document détenu par une autorité administrative, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que les documents que le secrétaire de la commission des infractions fiscales avait refusé de leur communiquer n'avaient pas le caractère de documents administratifs et ne pouvaient donc être communiqués en application des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 ;

Considérant, d'autre part, que si Mme A et la SOCIETE A soutiennent que la procédure de saisine de la commission des infractions fiscales ainsi que la procédure suivie devant cette commission et notamment l'absence de communication de leur dossier fiscal et des autres pièces de la procédure, seraient entachées de diverses irrégularités au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant les droits à un procès équitable et au respect de la vie privée ainsi que la propriété privée, de tels moyens ne peuvent en tout état de cause être utilement soulevés devant le juge administratif, qui n'est pas compétent pour apprécier la régularité d'une procédure qui, comme il a été dit, n'est pas détachable de la procédure pénale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A et la SOCIETE A ne sont pas fondées à demander l'annulation du jugement attaqué ni à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit au conclusions présentées par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A et de la SOCIETE A est rejeté.

Article 2 : Les conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Maria A, à la SOCIETE A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 304621
Date de la décision : 26/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - DOSSIER RELATIF À UN CONTRIBUABLE TRANSMIS PAR L'ADMINISTRATION À LA COMMISSION DES INFRACTIONS FISCALES - COMMUNICABILITÉ SUR LE FONDEMENT DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - ABSENCE - DÈS LORS QUE CE DOSSIER EST INSÉPARABLE D'UNE PROCÉDURE PÉNALE [RJ1].

19-01-06-01 Les documents relatifs à la procédure devant la commission des infractions fiscales, dont la saisine est un préalable nécessaire à la mise en mouvement de l'action publique, ne sont pas séparables de la procédure pénale suivie devant le juge judiciaire. Par suite, s'il appartient bien à la juridiction administrative de se prononcer sur la communication d'un document détenu par une autorité administrative telle que la commission des infractions fiscales, les documents en cause n'ont pas le caractère de documents administratifs et ne peuvent donc être communiqués en application des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - DROIT À LA COMMUNICATION - NOTION DE DOCUMENT ADMINISTRATIF - DOSSIER RELATIF À UN CONTRIBUABLE TRANSMIS PAR L'ADMINISTRATION À LA COMMISSION DES INFRACTIONS FISCALES - EXCLUSION - DÈS LORS QUE CE DOSSIER EST INSÉPARABLE D'UNE PROCÉDURE PÉNALE [RJ1].

26-06-01-02-01 Les documents relatifs à la procédure devant la commission des infractions fiscales, dont la saisine est un préalable nécessaire à la mise en mouvement de l'action publique, ne sont pas séparables de la procédure pénale suivie devant le juge judiciaire. Par suite, s'il appartient bien à la juridiction administrative de se prononcer sur la communication d'un document détenu par une autorité administrative telle que la commission des infractions fiscales, les documents en cause n'ont pas le caractère de documents administratifs et ne peuvent donc être communiqués en application des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.


Références :

[RJ1]

Rappr. 30 novembre 1994, Min. c/ Association de défense des créanciers déposants de la Lebanese Arab Bank, n° 133540, p. 521 ;

à propos de la définition de l'acte administratif, 19 novembre 1955, Sieur Dupoux, n° 20003, p. 552 ;

5 mars 1975, Sieur Lance, n° 80417, T. p. 926 ;

et s'agissant plus particulièrement de la décision de saisir la commission des infractions fiscales, TC, 19 novembre 1988, Rey, n° 2548, p. 496.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2010, n° 304621
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Yves Salesse
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:304621.20100526
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