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26/05/2010 | FRANCE | N°320863

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 26 mai 2010, 320863


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre et 25 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BABY FIRST (BFTV), dont le siège est 2711 Centerville Road, Suite 400, Wilmington, comté de New Castle, Delaware (19808), États-Unis ; la SOCIETE BABY FIRST demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 22 juillet 2008 du Conseil supérieur de l'audiovisuel visant à protéger les enfants de moins de trois ans des effets de la télévision, en particulier des se

rvices présentés comme spécifiquement conçus pour eux ;

2°) de mettre à...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre et 25 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BABY FIRST (BFTV), dont le siège est 2711 Centerville Road, Suite 400, Wilmington, comté de New Castle, Delaware (19808), États-Unis ; la SOCIETE BABY FIRST demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 22 juillet 2008 du Conseil supérieur de l'audiovisuel visant à protéger les enfants de moins de trois ans des effets de la télévision, en particulier des services présentés comme spécifiquement conçus pour eux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de la SOCIETE BABY FIRST,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat de la SOCIETE BABY FIRST ;

Considérant qu'en vertu de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, relative à la liberté de la communication dans sa version applicable à la date de la délibération attaquée : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle. / Il veille à ce que des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de radio et de télévision, sauf lorsqu'il est assuré, par le choix de l'heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre. / Lorsque des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont mis à disposition du public par des services de télévision, le conseil veille à ce qu'ils soient précédés d'un avertissement au public (...). / Il veille en outre à ce qu'aucun programme susceptible de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit mis à disposition du public par les services de radio et de télévision. ;

Considérant que par une délibération du 22 juillet 2008 visant à protéger les enfants de moins de trois ans des effets de la télévision , le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, au vu notamment d'un avis du ministère de la santé en date du 16 avril 2008 se prononçant contre la diffusion de chaînes spécifiques pour les enfants de moins de trois ans, estimé qu'il lui appartenait de prendre les dispositions nécessaires à la protection de la santé et du développement de cette catégorie de jeunes enfants ; qu'à cet effet, sa délibération encadre, d'une part, la distribution de services de télévision présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants de moins de trois ans ; que, d'autre part, elle fait interdiction aux éditeurs de services établis en France au sens de l'article 43-2 de la loi du 30 septembre 1986 de diffuser ou promouvoir sur leur antenne des programmes présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants de moins de trois ans ; que la SOCIETE BABY FIRST TV demande l'annulation de cette délibération dont les deux parties constituent des ensembles divisibles ;

Sur les fins de non recevoir opposées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Considérant que la SOCIETE BABY FIRST, dont les représentants légaux ont justifié de leur habilitation pour introduire la requête en son nom, édite aux États-Unis une chaîne de télévision s'adressant spécifiquement aux enfants de moins de trois ans ; qu'elle ne présente pas le caractère d'un éditeur de service établi en France ; qu'elle n'allègue pas qu'elle aurait le projet de s'établir en France en cette qualité ; qu'elle n'allègue aucune autre qualité susceptible de lui donner un intérêt pour agir contre la délibération en tant que celle ci régit la situation des éditeurs de services établis en France ; qu'elle ne justifie par conséquent pas d'un intérêt à demander son annulation dans cette mesure ; que ses programmes étant disponibles sur le territoire national via leur distribution par un opérateur de satellite dont le siège est en France, elle a, en revanche, intérêt à contester la délibération attaquée en tant qu'elle encadre la distribution de services spécifiquement conçus pour les enfants de moins de trois ans ;

Sur la légalité de la délibération attaquée en tant qu'elle encadre la distribution de services présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants de moins de trois ans :

Considérant que la délibération attaquée, qui présente le caractère d'un acte réglementaire, n'avait pas à être précédée d'une procédure contradictoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui, en application de l'article 19 de la loi du 30 septembre 1986, peut recueillir auprès des autorités administratives toutes les informations nécessaires à l'élaboration de ses décisions, se soit cru lié par l'avis susmentionné du ministère de la santé et ait renoncé à exercer sa propre appréciation sur la question de la protection des enfants de moins de trois ans des effets de la télévision ;

Considérant qu'en estimant que l'exposition de très jeunes enfants à la télévision, y compris à des programmes présentés comme spécifiquement conçus pour eux, pouvait entraîner des troubles dans leur développement, que la présence et l'appui d'un adulte étaient nécessaires lorsque de très jeunes enfants regardent de tels programmes et que la prise de conscience de ces faits par les adultes nécessitait de développer une information précise à leur attention, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui a fait obligation aux distributeurs de porter régulièrement à la connaissance de leurs abonnés un message mettant en garde contre les risques de la télévision pour les enfants de cet âge, même lorsqu'il s'agit de chaînes qui s'adressent spécifiquement à eux, de délivrer ce même message sur leurs supports de communication et dans les contrats d'abonnement et leur a interdit toute promotion de services de télévision présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants moins de trois ans, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que le message d'avertissement que la délibération impose aux distributeurs de diffuser quant aux effets de la télévision sur les très jeunes enfants concernant aussi bien les chaînes spécifiquement destinées à ces derniers que les autres programmes, le moyen tiré de ce que cette délibération introduirait une rupture d'égalité entre les différents services de télévision s'adressant à un jeune public ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération attaquée ; que sa requête ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE BABY FIRST est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BABY FIRST, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 320863
Date de la décision : 26/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

56-02-01 RADIODIFFUSION SONORE ET TÉLÉVISION. RÈGLES GÉNÉRALES. RÉGIME D'ÉMISSION. - PROTECTION DES ENFANTS EN BAS ÂGE - OBLIGATIONS DES ÉDITEURS DE SERVICES À DESTINATION DES ENFANTS DE MOINS DE TROIS ANS - ETENDUE - ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION - ABSENCE.

56-02-01 Délibération, prise en application de l'article 15 de la loi n° 86-1967 du 30 septembre 1986, « visant à protéger les enfants de moins de trois ans des effets de la télévision » et encadrant la distribution de services de télévision présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants de moins de trois ans. Elle fait notamment obligation aux distributeurs de porter régulièrement à la connaissance de leurs abonnés un message mettant en garde contre les risques de la télévision pour les enfants de cet âge - même lorsqu'il s' agit de chaînes qui s'adressent spécifiquement à eux -, de délivrer ce même message sur leurs supports de communication et dans les contrats d'abonnement et leur interdit toute promotion de services de télévision présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants de moins de trois ans. En estimant, pour prendre cette délibération, que l'exposition de très jeunes enfants à la télévision pouvait entraîner des troubles dans leur développement, que la présence et l'appui d'un adulte étaient nécessaires lorsque de très jeunes enfants regardent de tels programmes et que la prise de conscience de ces faits par les adultes nécessitait de développer une information précise à leur attention, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2010, n° 320863
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:320863.20100526
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