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26/05/2010 | FRANCE | N°325576

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 26 mai 2010, 325576


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE MONTLUDIS, dont le siège est 16 cours de la Portelle à Montluel (01120) ; la SOCIETE MONTLUDIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 décembre 2008 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a accordé à la société Carrefour Property l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un supermarché à l'enseigne Carrefour Market d'une surface de vente de 1 800 m² situé en centre ville à Dagneux (A

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2°) de mettre à la charge de la société Carrefour Property la somme d...

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE MONTLUDIS, dont le siège est 16 cours de la Portelle à Montluel (01120) ; la SOCIETE MONTLUDIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 9 décembre 2008 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a accordé à la société Carrefour Property l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un supermarché à l'enseigne Carrefour Market d'une surface de vente de 1 800 m² situé en centre ville à Dagneux (Ain) ;

2°) de mettre à la charge de la société Carrefour Property la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Joanna Hottiaux, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Carrefour Property :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-52 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du décret du 24 novembre 2008, relatif à l'aménagement commercial : La décision de la commission nationale est notifiée pour être affichée et publiée dans les conditions prévues aux articles R. 752-25 et R. 752-26 ; qu'aux termes de l'article R. 752-25 du même code : La décision de la commission est : [...] 2° Affichée, à l'initiative du préfet, pendant un mois à la porte de la mairie de la commune d'implantation ; qu'aux termes de l'article R. 752-26 du même code : Lorsque la décision accorde l'autorisation demandée, le préfet fait publier, aux frais du bénéficiaire, un extrait de cette décision dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département ; qu'il résulte de ces dispositions que le délai de recours contentieux contre une décision de la commission nationale d'aménagement commercial court à compter de la plus tardive des deux dates correspondant, l'une au premier jour d'une période d'affichage en mairie d'une durée d'un mois, l'autre à la seconde des deux insertions effectuées dans la presse régionale ou locale ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 9 décembre 2008 de la commission nationale d'aménagement commercial a été publiée dans deux journaux diffusés dans le département le 6 mars 2009 ; que la requête de la SOCIETE MONTLUDIS, enregistrée dès le 25 février 2009, est, par suite, recevable ; que la fin de non-recevoir opposée par la société Carrefour Property doit donc être rejetée ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 24 novembre 2008 susvisé, relatif à l'aménagement commercial : Lorsque la commission nationale d'aménagement commercial statue sur un recours formé contre une décision d'autorisation prise par une commission départementale d'équipement commercial [...], elle fait application des dispositions relatives à la recevabilité des demandes et aux critères de délivrance des autorisations contenues dans les lois et règlements en vigueur à la date où la commission départementale a pris sa décision./ Lorsqu'elle examine une décision de refus, la commission se prononce en fonction de la législation en vigueur à la date de sa décision ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la commission départementale d'équipement commercial a rejeté la demande d'autorisation de la société Carrefour Property le 22 septembre 2008 ; que le recours de celle-ci contre cette décision de refus a été formé devant la commission nationale d'équipement commercial le 14 octobre 2008 ; que celle-ci s'est prononcée le 9 décembre 2008 ; qu'en application des dispositions précitées, la commission nationale devait se prononcer, comme elle l'a fait, en fonction de la législation en vigueur à la date de sa décision, résultant de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et du décret du 24 novembre 2008 susvisé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction dès lors applicable en l'espèce : Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) l'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) l'effet du projet sur les flux de transport ; / c) les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) la qualité environnementale du projet ; / b) son insertion dans les réseaux de transports collectifs ; qu'aux termes de l'article R. 752-7 du même code, dans sa rédaction résultant du décret du 24 novembre 2008 : I. La demande est accompagnée : / 1° D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; / 2° Des renseignements suivants : / a) Délimitation de la zone de chalandise du projet, telle que définie à l'article R. 752-8, et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements authentifiés par décret ; / b) Desserte en transports collectifs et accès pédestres et cyclistes ; / c) Capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises. / II. La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : / 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; / 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; / 3° La gestion de l'espace ; / 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; / 5° Les paysages et les écosystèmes. [...] ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la société Carrefour Property a soumis, à l'appui de son recours devant la commission nationale, un dossier de demande d'autorisation identique à celui qu'elle avait précédemment présenté à la commission départementale ; qu'en réponse à une sollicitation des services de la commission, elle a produit, le 24 novembre 2008, une fiche technique récapitulant sommairement, sous forme d'un tableau, les données correspondant à des questions liées aux critères posés par la loi de modernisation de l'économie et par les dispositions du nouveau décret ; que les informations ainsi fournies étaient, dans leur majorité, imprécises et insuffisantes, en particulier en ce qui concerne les consommations d'énergie, la pollution et l'impact sur les paysages et les écosystèmes visés par les 4° et 5° précités du I de l'article R. 752-7 ; qu'en accordant l'autorisation litigieuse sans disposer d'éléments suffisants lui permettant d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard de ces critères, la commission a entaché sa décision d'illégalité ; que, par suite, la SOCIETE MONTLUDIS est fondée à demander l'annulation de la décision du 9 décembre 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE MONTLUDIS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande à ce titre la société Carrefour Property ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Carrefour Property le versement à la SOCIETE MONTLUDIS de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 9 décembre 2008 de la commission nationale d'aménagement commercial est annulée.

Article 2 : La société Carrefour Property versera à la SOCIETE MONTLUDIS la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Carrefour Property tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MONTLUDIS, à la commission nationale d'aménagement commercial, à la société Carrefour Property et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 325576
Date de la décision : 26/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - URBANISME COMMERCIAL - OBLIGATION DE LA COMMISSION NATIONALE D'AMÉNAGEMENT COMMERCIAL DE SE PRONONCER EN FONCTION DE LA LÉGISLATION EN VIGUEUR À LA DATE DE SA DÉCISION (ART - 6 DU DÉCRET DU 24 NOVEMBRE 2008 - SECOND ALINÉA) - DÉLIVRANCE D'UNE AUTORISATION SUR LE FONDEMENT D'UN DOSSIER INSUFFISANT AU REGARD DES RÈGLES ISSUES DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008 ET DU DÉCRET DU 24 NOVEMBRE 2008 - EN VIGUEUR À LA DATE DE CETTE DÉCISION - ILLÉGALITÉ - EXISTENCE.

01-08-03 Saisie d'un recours contre une décision de refus d'autorisation d'exploitation commerciale prise par une commission départementale d'équipement commercial, la commission nationale d'aménagement commercial doit, en vertu du second alinéa de l'article 6 du décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008, se prononcer en fonction de la législation en vigueur à la date de sa décision. La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 et le décret du 24 novembre 2008, qui ont modifié les critères d'évaluation et la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale, étant entrés en vigueur entre la date de refus d'autorisation prise par la commission départementale et la décision de la commission nationale, cette dernière ne pouvait légalement délivrer l'autorisation demandée sur la base d'un dossier qui, par ses insuffisances, ne lui permettait pas d'apprécier l'impact du projet au regard des critères d'évaluation résultant de la nouvelle loi.

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - URBANISME COMMERCIAL - PROCÉDURE - COMMISSION NATIONALE D'ÉQUIPEMENT COMMERCIAL - ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008 ET DU DÉCRET DU 24 NOVEMBRE 2008 MODIFIANT LES CRITÈRES D'ÉVALUATION ET LA COMPOSITION DU DOSSIER DE DEMANDE D'AUTORISATION ENTRE LA DÉCISION DE REFUS D'AUTORISATION DE LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE D'ÉQUIPEMENT COMMERCIAL ET LA DÉCISION D'AUTORISATION DE LA COMMISSION NATIONALE D'AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - AUTORISATION ACCORDÉE SUR LE FONDEMENT D'UN DOSSIER INSUFFISANT AU REGARD DES NOUVELLES RÈGLES ALORS APPLICABLES - ILLÉGALITÉ - EXISTENCE.

14-02-01-05-02-02 La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 et le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008, qui ont modifié les critères d'évaluation et la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale, sont entrés en vigueur entre la date de refus d'autorisation prise par la commission départementale d'équipement commercial et la décision d'octroi d'autorisation prise par la commission nationale d'équipement commercial, devenue commission nationale d'aménagement commercial. Dès lors que, s'agissant d'un recours contre une décision de refus d'autorisation d'une commission départementale, la commission nationale devait, en vertu du second alinéa de l'article 6 du décret du 24 novembre 2008, se prononcer en fonction de la législation en vigueur à la date de sa décision, elle ne pouvait légalement délivrer l'autorisation demandée sur la base d'un dossier qui, par ses insuffisances, ne lui permettait pas d'apprécier l'impact du projet au regard des critères d'évaluation résultant de la nouvelle loi.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 mai. 2010, n° 325576
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Joanna Hottiaux
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:325576.20100526
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