La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2010 | FRANCE | N°306292

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 02 juin 2010, 306292


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 31 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Géraldine A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 avril 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxque

lles elle a été assujettie au titre de l'année 1994 ;

2°) réglant l'affai...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 31 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Géraldine A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 avril 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1994 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la loi n° 80-1094 du 30 décembre 1980 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle ou de l'apport d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : / L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession à titre onéreux ou du rachat des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure. En cas de transmission à titre gratuit à une personne physique des droits sociaux rémunérant l'apport, le report d'imposition est maintenu si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement d'acquitter l'impôt sur la plus-value à la date où l'un des événements prévus à la phrase précédente se réalise ; / (...) IV. Les dispositions des I et II ci-dessus s'appliquent aux plus-values dégagées à raison des éléments d'actif immobilisé apportés dans le cadre d'une fusion par des sociétés civiles professionnelles ainsi qu'aux plus-values résultant pour les associés de ces sociétés de l'attribution qui leur est faite des parts de la société absorbante ; qu'en vertu des articles 7 et 8 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, l'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit, notamment, au sein d'une association ou d'une société civile professionnelle ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les trois avocats ayant constitué l'association Warot et associés ont, conformément à un protocole d'accord du 25 avril 1994, fait apport de l'ensemble des éléments d'actif immobilisé ainsi que de leurs clientèles respectives à la société civile professionnelle Rembauville, Bureau, de Martel, Lalane, Lescop et Associés ; que Mme A a placé la plus-value ainsi réalisée sous le régime du report d'imposition prévu à l'article 151 octies du code général des impôts ; que l'administration fiscale, estimant que cet apport ne relevait pas de ces dispositions, lui a refusé le bénéfice du report d'imposition et lui a notifié, au titre de l'année 1994, des redressements en matière d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée, correspondant à la réintégration de la plus-value dans ses revenus ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris qui avait refusé de lui accorder la décharge de ces suppléments d'imposition ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes du IV de l'article 151 octies du code général des impôts, rendant applicables les dispositions du I du même article aux seules plus-values dégagées à raison des éléments d'actif immobilisé apportés, dans le cadre d'une fusion, par des sociétés civiles professionnelles, que ces dispositions ne peuvent être appliquées aux plus-values résultant d'un apport d'actif effectué par une association d'avocats à une société civile professionnelle ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant l'argumentation principale de Mme A fondée sur les dispositions du IV de l'article 151 octies, après avoir relevé qu'elle exerçait sa profession dans le cadre d'une association régie par les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971, et non au sein d'une société civile professionnelle régie par les dispositions de la loi du 29 novembre 1966 ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte des dispositions, citées plus haut, du I du même article qu'il vise les plus-values réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé qu'elle a affectés à l'exercice de son activité professionnelle ; que, par suite, en se bornant, pour écarter l'argumentation subsidiaire de la requérante fondée sur ces dispositions, à relever que le seul fait qu'elle exerçait sa profession d'avocat, au moment de l'apport, au sein d'une association empêchait de regarder la plus-value en cause comme réalisée par une personne physique, sans rechercher si, ainsi que le soutenait la requérante, l'apport des clientèles avait été, à l'occasion de cette fusion, effectué non par l'association collectivement mais par chacun des associés individuellement, la cour a commis une erreur de droit ; que Mme A est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, si, ainsi qu'il a été dit, Mme A ne pouvait bénéficier du report d'imposition institué par l'article 151 octies du code général des impôts sur le fondement des dispositions du IV de cet article, il résulte de l'instruction que la convention d'association du 18 décembre 1989 prévoyait essentiellement la mise en commun des charges et des frais de fonctionnement du cabinet et que, selon le protocole d'accord conclu le 25 avril 1994 entre, d'une part, la requérante et ses deux associés et, d'autre part, la société civile professionnelle Rembauville, Bureau, de Martel, Lalane, Lescop et Associés, chacun de ces associés a fait, individuellement, apport de la clientèle dont il demeurait propriétaire à cette société civile professionnelle ; qu'ainsi, la plus-value réalisée par Mme A à cette occasion pouvait bénéficier du report d'imposition prévu par les dispositions du I de l'article 151 octies du code général des impôts ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de la décharger des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 1994 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 6 avril 2007 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 14 janvier 2005 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Mme A est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée mises à sa charge au titre de l'année 1994.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Géraldine A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 306292
Date de la décision : 02/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. - REVENUS PROFESSIONNELS - QUESTIONS COMMUNES - PLUS-VALUES PROFESSIONNELLES - RÉGIME DE REPORT D'IMPOSITION DES PLUS-VALUES RÉSULTANT DE L'APPORT EN SOCIÉTÉ DES ÉLÉMENTS DE L'ACTIF IMMOBILISÉ D'UNE ENTREPRISE INDIVIDUELLE (ART. 151 OCTIES DU CGI) - APPORT À UNE SOCIÉTÉ D'UN CABINET D'AVOCATS EXERÇANT EN ASSOCIATION (ART. 7 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971) - CIRCONSTANCE FAISANT EN SOI OBSTACLE AU BÉNÉFICE DE CE RÉGIME - ABSENCE.

19-04-02 L'article 151 octies du code général des impôts (CGI) prévoit un régime optionnel de report d'imposition de la plus-value professionnelle réalisée en cas d'apport à une société, par une personne physique, de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle (rédaction antérieure à la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005). Des avocats exercent leur profession en association, conformément à l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, avant de faire apport de l'ensemble de l'actif immobilisé ainsi que de leur clientèle à une société civile professionnelle (SCP). Il résulte de l'instruction que la convention d'association prévoyait essentiellement la mise en commun des charges et des frais de fonctionnement du cabinet et que chacun des associés a fait, individuellement, apport de la clientèle dont il demeurait propriétaire à la SCP. Ainsi, l'apport des clientèles a été effectué non par l'association collectivement mais par chacun des associés individuellement, de sorte que la plus-value réalisée à cette occasion peut être regardée comme réalisée par une personne physique. A ce titre, elle pouvait bénéficier du régime de report prévu par les dispositions du I de l'article 151 octies.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2010, n° 306292
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:306292.20100602
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award