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07/06/2010 | FRANCE | N°323372

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 07 juin 2010, 323372


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2008 et 19 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE IOSIS SUD OUEST, venant aux droits de la société OTH Sud Ouest, dont le siège est Immeuble Le Fugon Rue du Cardinal Richaud à Bordeaux (33000) ; la SOCIETE IOSIS SUD OUEST demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2

006 en tant qu'il l'a condamnée à garantir l'Etat des condamnations mi...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2008 et 19 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE IOSIS SUD OUEST, venant aux droits de la société OTH Sud Ouest, dont le siège est Immeuble Le Fugon Rue du Cardinal Richaud à Bordeaux (33000) ; la SOCIETE IOSIS SUD OUEST demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2006 en tant qu'il l'a condamnée à garantir l'Etat des condamnations mises à sa charge à hauteur de 93 656,79 euros hors taxes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Solétanche Bachy France la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,

- les observations de Me Haas, avocat de la SOCIÉTÉ IOSIS SUD OUEST VENANT AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ OTH SUD OUEST et de la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Soletanche Bachy France,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de la SOCIÉTÉ IOSIS SUD OUEST VENANT AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ OTH SUD OUEST et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Soletanche Bachy France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un acte d'engagement du 2 avril 1993, l'Etat a confié la maîtrise d'oeuvre de la construction de l'îlot judiciaire de Bordeaux à un groupement d'entreprises constitué de la société Richard Rogers et Partnership, mandataire commun du groupement, de la société OTH Sud Ouest, aux droits de laquelle vient la SOCIETE IOSIS SUD OUEST, et de la société Ove Arup et Partners international ltd ; que le lot n°1-1 relatif aux travaux de parois moulées et de terrassement et le lot n°1-2 relatif à la mise à disposition des matériels pour les archéologues, tous deux à prix forfaitaires, ont été attribués à un groupement d'entreprises dont la société Soletanche était le mandataire commun ; que la réception sans réserve des travaux a été prononcée le 22 juillet 1998, avec effet au 15 juillet 1998 ; que la société Soletanche a transmis son projet de décompte final au maître d'oeuvre le 31 août 1998 ; qu'en l'absence de décompte général et définitif, cette société a saisi le tribunal administratif de Bordeaux le 18 juin 2001 ; qu'un document intitulé décompte général a été transmis à la société Soletanche le 25 avril 2002, qu'elle a refusé d'accepter le 5 juin 2002 ; que, par un jugement du 12 octobre 2006, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à la société Soletanche Bachy France la somme de 239 725,77 euros et la société OTH Sud ouest à garantir l'Etat des condamnations mises à sa charge à hauteur de 93 659,79 euros ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par un arrêt du 14 octobre 2008, rejeté la requête de la SOCIETE IOSIS SUD OUEST tendant à la réformation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à garantir l'Etat à hauteur de cette somme ; que la SOCIETE IOSIS SUD OUEST se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure ; qu'ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif ; que seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ; que le maître de l'ouvrage peut cependant rechercher la responsabilité du maître d'oeuvre au titre des fautes que ce dernier a commises lors de l'établissement du décompte général et définitif ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir soulevée par la requérante et tirée de ce que le maître de l'ouvrage est irrecevable à appeler le maître d'oeuvre en garantie dans le cadre d'un litige contractuel opposant le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur et relatif à l'établissement, après réception sans réserve de l'ouvrage, du décompte général et définitif ;

Considérant qu'en retenant, par un arrêt suffisamment motivé et dont il n'est pas allégué qu'il soit entaché de dénaturation, que la condamnation de la requérante à garantir l'Etat à hauteur de 93 659,79 euros hors taxes était fondée en premier lieu sur la modification du niveau d'arase des parois moulées décidée par la requérante, en deuxième lieu sur la réalisation de voiles provisoires de bouchage des trémies en béton différents de ceux prévus au marché que la société Soletanche Bachy a dû réaliser en raison de modifications apportées par la requérante, en troisième lieu sur la démolition de ces voiles provisoires résultant de la modification apportée aux trémies par la requérante, en quatrième lieu sur le coût des études supplémentaires liées au chantier de gros oeuvre du fait d'un changement de programme décidé par la requérante, la cour a estimé, sans commettre d'erreur de droit, que ces travaux supplémentaires étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art fixées par le maître d'oeuvre ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Considérant que les stipulations de l'article 30 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés publics de travaux, qui fixent les obligations contractuelles du maître d'oeuvre et de l'entrepreneur lorsque ce dernier décide, de lui-même, d'apporter un changement aux dispositions techniques prévues par le marché, ne sont pas applicables à l'espèce, puisqu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les travaux supplémentaires litigieux, indispensables à la réalisation de l'ouvrage, ont été réalisés à la suite de modifications des dispositions techniques contractuelles décidées par le maître d'oeuvre ; que l'erreur de droit alléguée, tirée de ce que la cour aurait jugé à tort que la requérante ne pouvait utilement invoquer cet article, doit dès lors être écartée ;

Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient la requérante, la cour n'a pas mis à sa charge le coût des travaux supplémentaires au motif que le coût d'objectif du marché a été dépassé, affectant la rémunération du maître d'oeuvre ; que, dès lors, la cour n'a pas commis l'erreur de droit alléguée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SOCIETE IOSIS SUD OUEST doit être rejeté ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de la société Soletanche Bachy France et de mettre à la charge de la SOCIETE IOSIS SUD OUEST une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la SOCIETE IOSIS SUD OUEST soit mise à la charge de l'Etat et de la société Soletanche Bachy France, qui ne sont pas les parties perdantes en la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE IOSIS SUD OUEST est rejeté.

Article 2 : La SOCIETE IOSIS SUD OUEST versera la somme de 4 000 euros à la société Soletanche Bachy France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE IOSIS SUD OUEST, à la société Solétanche Bachy France et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 323372
Date de la décision : 07/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2010, n° 323372
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Dacosta Bertrand
Avocat(s) : HAAS ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:323372.20100607
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