La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2010 | FRANCE | N°328474

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 14 juin 2010, 328474


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire n° 328474 enregistrés les 2 juin et 2 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION représentée par son président exécutif ; la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2009-374 du 2 avril 2009 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur du bricolage ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme

de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire n° 328474 enregistrés les 2 juin et 2 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION représentée par son président exécutif ; la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2009-374 du 2 avril 2009 portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le secteur du bricolage ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 2009-490 du 29 avril 2009 ;

Vu l'avis n° 09-A-02 du 20 février 2009 du Conseil de la concurrence ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes ;

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 441-6 du code de commerce, tel que modifié par le I de l'article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, (...) Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée./ Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture/.Les professionnels d'un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé à l'alinéa précédent. Ils peuvent également proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation de services demandée comme point de départ de ce délai. Des accords sont conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles. Un décret peut étendre le nouveau délai maximum de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l'étendre à ces mêmes opérateurs./(...) ; qu'aux termes du III de l'article 21 de la loi du 4 août 2008, Le 1° du I ne fait pas obstacle à ce que des accords interprofessionnels dans un secteur déterminé définissent un délai de paiement maximum supérieur à celui prévu au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, sous réserve: /1° Que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ; /2° Que l'accord prévoie la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l'application d'intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans l'accord ; /3° Que l'accord soit limité dans sa durée et que celle-ci ne dépasse pas le 1er janvier 2012. / Ces accords conclus avant le 1er mars 2009, sont reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis du Conseil de la concurrence. Ce décret peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord. ;

Considérant qu'en application des dispositions du III de l'article 21 de la loi du 4 août 2008, relatives à l'allongement du délai légal de paiement, certaines fédérations professionnelles du commerce du bricolage ont conclu avec leurs fournisseurs, le 17 février 2009, un accord, complété par un avenant du 16 mars 2009, portant dérogation aux délais de paiement dans le secteur du bricolage; que le décret attaqué, du 2 avril 2009, a reconnu que cet accord satisfaisait aux conditions fixées par le III de l'article 21 de la loi du 4 août 2008 et a étendu cet accord et son avenant à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

Considérant que la requête est dirigée contre le décret du 2 avril 2009, lequel approuve et étend les dispositions de l'accord du 17 février 2009 et de son avenant du 16 mars 2009 aux opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ; que si ce décret a été abrogé par un nouveau décret, en date du 29 avril 2009, qui a repris des dispositions identiques, ses dispositions ont reçu un commencement d'exécution antérieurement à leur abrogation ; que, par suite, les conclusions tendant à leur annulation ne sont pas devenues sans objet ;

Sur la fin de non-recevoir :

Considérant que la circonstance que la fédération professionnelle requérante n'ait pas été signataire de l'accord conclu dans le secteur du bricolage, n'est pas de nature à la priver d'intérêt à agir contre le décret, alors que cette fédération a pour adhérents des entreprises du commerce qui distribuent les produits en cause ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION doit être écartée ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que si les dispositions du III de l'article 21 de la loi du 4 août 2008 prévoient que les décrets portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement sont pris après avis du Conseil de la concurrence, aucune disposition n'impose que le Conseil de la concurrence entende préalablement, avant de rendre son avis, les représentants des organisations professionnelles non signataires d'un accord dérogatoire ; que, par suite, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure entachant le décret attaqué doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que le III de l'article 21 de la loi du 4 août 2008 confère au pouvoir réglementaire le pouvoir de vérifier la conformité de l'accord au regard des exigences légales, et d'en prononcer l'extension à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ; qu'il ne lui appartient pas, en revanche, de préciser quels sont les opérateurs relevant des organisations professionnelles signataires de l'accord ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d'incompétence négative en ce qu'il ne définirait pas suffisamment précisément, en l'absence d'une telle indication, le champ d'application de l'accord étendu, ne peut être qu'écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que le législateur a déterminé le périmètre de l'extension possible des accords dérogatoires qui viendraient à être conclus dans un secteur uniquement par référence à l'activité des organisations professionnelles signataires des accords ; que contrairement à ce qui est soutenu, le décret n'a pas déterminé le périmètre de l'accord qu'il entérine et étend en procédant à une distinction selon que l'activité est exercée ou non à titre principal et en excluant, pour ce motif, les entreprises n'exerçant pas à titre principal l'activité concernée par l'accord dérogatoire, mais s'est borné à définir le champ de l'extension en se référant à l'ensemble des opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord ; que l'accord dérogatoire entériné par le décret, conclu uniquement par des organisations professionnelles représentant la distribution spécialisée dans le bricolage et les fournisseurs de ces produits, s'applique pour ce motif aux seuls opérateurs dont l'activité relève de la distribution spécialisée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d'une erreur de droit doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que les stipulations des accords dérogatoires conclus dans un secteur déterminé ne doivent pas avoir pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment en limitant l'accès à ce marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; qu'en outre, dans la mise en oeuvre des pouvoirs que l'autorité investie du pouvoir réglementaire tient des dispositions de la loi précitée, il lui appartient également de veiller à ce que l'extension d'un accord dérogatoire n'ait pas non plus le même objet ou le même effet ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis rendu le 20 février 2009 par le Conseil de la concurrence sur l'extension de l'accord du 17 février 2009, que l'offre de produits de bricolage des grandes surfaces généralistes n'est pas comparable à la gamme de produits très étendue, proposée par les distributeurs spécialisés dont l'importance du stock conduit à des délais de paiement très élevés dont la réduction ne peut être que progressive ; qu'il résulte de ces éléments, que compte tenu des différences existant entre ces deux circuits de distribution, le périmètre de l'accord dérogatoire conclu dans le secteur du bricolage n'a pas pour effet d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence entre les commerces de la distribution spécialisée, d'une part, et ceux de la grande distribution généraliste, d'autre part ; qu'un tel effet ne résulte pas davantage de l'extension de cet accord et de son avenant, qui ont, au contraire, eu pour effet d'éviter des distorsions de concurrence entre des entreprises partageant le même mode de mise sur le marché des produits ; que par suite, le moyen tiré de ce que le décret aurait introduit une distorsion de concurrence entre les opérateurs opérant sur un même marché doit être écarté ; qu'il en va de même du moyen tiré de l'existence d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les opérateurs exerçant leur activité dans un même secteur ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions d'approbation et d'extension de l'accord du 17 février 2009 et de son avenant du 16 mars 2009 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FÉDÉRATION DES ENTREPRISES DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION, au Premier ministre et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 328474
Date de la décision : 14/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2010, n° 328474
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Marie-françoise Lemaitre
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:328474.20100614
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award