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14/06/2010 | FRANCE | N°330344

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 14 juin 2010, 330344


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet et 2 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Sabine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 19 juin 2009 du garde des sceaux, ministre de la justice rejetant sa demande d'intégration dans la magistrature ;

2°) d'enjoindre au ministre de la justice de ré-examiner la demande d'intégration de Mme A dans le délai d'un mois après annulation du refus de nomination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat

le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L....

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet et 2 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Sabine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 19 juin 2009 du garde des sceaux, ministre de la justice rejetant sa demande d'intégration dans la magistrature ;

2°) d'enjoindre au ministre de la justice de ré-examiner la demande d'intégration de Mme A dans le délai d'un mois après annulation du refus de nomination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme A ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 22 et 25-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 que les personnes remplissant des conditions notamment de diplôme et d'exercice professionnel peuvent être nommées directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, après avis conforme de la commission d'avancement prévue à l'article 34 de la même ordonnance ; qu'aux termes de l'article 25-3 de cette ordonnance : " Les candidats à une intégration au titre des articles 22 et 23 suivent, s'ils sont admis par la commission prévue à l'article 34, une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature comportant un stage en juridiction (...)..Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit, sous la forme d'un rapport, le bilan de la formation probatoire de chaque candidat qu'il adresse au jury prévu à l'article 21./Après un entretien avec le candidat, le jury se prononce sur son aptitude à exercer des fonctions judiciaires et transmet son avis à la commission prévue à l'article 34 (...) " ; qu'enfin l'article 28 de cette ordonnance prévoit que les décrets portant nomination aux fonctions de magistrats autres que celles mentionnées au premier alinéa du même article sont pris par le Président de la République sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour ce qui concerne les magistrats du siège et après avis de la formation compétente du Conseil supérieur pour ce qui concerne les magistrats du parquet ;

Considérant que Mme A avocate au barreau de Paris a présenté sa candidature à l'intégration directe dans le corps judiciaire au titre de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ; qu'après avoir été admise à une formation probatoire de six mois en juridiction, elle a fait l'objet d'un avis favorable à sa nomination en qualité de magistrate de la part de la commission d'avancement ; que toutefois les propositions de nomination de l'intéressée, successivement à des fonctions de magistrat du siège, puis du parquet, au tribunal de grande instance d'Evry, transmises par le garde des sceaux aux formations compétentes du Conseil supérieur de la magistrature en application des dispositions citées ci-dessus, ont fait l'objet d'avis défavorables de ce dernier ; qu'à la suite de celui de ces avis rendu le 4 juin 2009, sur sa proposition de nommer Mme A en qualité de substitut du procureur de la République, le ministre de la justice a, par la décision attaquée, fait connaître à l'intéressée, après avoir rappelé le caractère défavorable de cet avis " qu'en conséquence votre demande d'intégration n'a pas pu prospérer " ;

Considérant en premier lieu qu'il ne ressort pas du dossier, nonobstant la motivation de sa décision ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le ministre aurait méconnu les dispositions de l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 d'où il résulte que le garde des sceaux n'est pas lié, s'agissant de ses propositions de nomination à des fonctions de magistrat du parquet, par l'avis négatif du Conseil supérieur de la magistrature, ni qu'il aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;

Considérant en second lieu qu'il résulte des dispositions de l'article 25-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 citées ci-dessus que si le ministre ne peut légalement proposer la nomination d'une personne au titre de l'intégration directe dans la magistrature lorsque cette nomination a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission d'avancement, il n'est pas pour autant tenu de procéder à cette nomination lorsque l'avis en question est favorable ; que par suite la décision attaquée n'a pas méconnu ces dispositions ;

Considérant enfin qu'il ressort notamment de l'ensemble des pièces du dossier que si les appréciations portées sur Mme A à l'issue du stage probatoire qu'elle a effectué au tribunal de grande instance de Créteil ont été élogieuses, le jury de classement mentionné aux articles 21 et 25-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 a émis un avis défavorable sur l'aptitude de l'intéressée à exercer des fonctions judiciaires et que par deux fois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le Conseil supérieur de la magistrature s'est prononcé défavorablement sur une proposition de nomination de celle-ci à des fonctions judiciaires ; que dans ces circonstances, le garde des sceaux, ministre de la justice, ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant, par la décision attaquée, la candidature de Mme A à l'intégration directe dans le corps judicaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de cette décision ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de réexaminer la demande d'intégration de Mme A ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés dans la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Sabine A et à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-04-02 JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES. MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE. MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE. - VOIE D'INTÉGRATION DIRECTE - AVIS FAVORABLE DE LA COMMISSION D'AVANCEMENT - COMPÉTENCE LIÉE DU MINISTRE POUR NOMMER L'INTÉRESSÉ - ABSENCE [RJ1].

37-04-02 Il résulte des dispositions de l'article 25-2 de l'ordonnance n° 58-1273 du 22 décembre 1958 que si le ministre ne peut légalement proposer la nomination d'une personne au titre de l'intégration directe dans la magistrature lorsque cette nomination a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission d'avancement, il n'est pas pour autant tenu de procéder à cette nomination lorsque l'avis est favorable.


Références :

[RJ1]

Comp., pour une nomination après concours, 3 décembre 2003, M. Golsenne, n°s 223569 228818, T. p. 848.


Publications
Proposition de citation: CE, 14 jui. 2010, n° 330344
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Marie-françoise Lemaitre
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 14/06/2010
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 330344
Numéro NOR : CETATEXT000022364648 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-06-14;330344 ?
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