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16/06/2010 | FRANCE | N°326576

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 16 juin 2010, 326576


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 30 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Ahmed A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 janvier 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 3 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mars 2007 du préfet de l'Hérault rejetant sa demande d'admissi

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 30 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Ahmed A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 janvier 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 3 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mars 2007 du préfet de l'Hérault rejetant sa demande d'admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire national dans un délai d'un mois, d'autre part, à l'annulation de cette décision pour excès de pouvoir et à ce qu'il soit ordonné au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel et d'ordonner, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la délivrance d'un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, le réexamen de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ; que selon le I de l'article L. 511-1 du même code : L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. (...) ; qu'il résulte des articles L. 512-1 et L. 512-4 du même code que si une mesure d'éloignement est annulée par le juge administratif, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que, par un jugement du 15 septembre 2006 devenu définitif, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé un arrêté du 12 septembre 2006 par lequel le préfet de l'Héraut avait prononcé la reconduite à la frontière de M. A, au motif que cet arrêté portait au droit de celui-ci au respect de sa privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris ; que, par un nouvel arrêté du 6 mars 2007, pris sur le fondement des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a rejeté la demande de titre de séjour formée par M. A et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ; que, par l'arrêt attaqué du 27 janvier 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. A contre le jugement du 3 juillet 2007 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral du 6 mars 2007 ;

Sur les moyens du pourvoi tirés de la méconnaissance de l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement du 15 septembre 2006 :

Considérant que l'annulation pour excès de pouvoir d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un étranger, quel que soit le motif de cette annulation, n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire mais impose seulement au préfet, en application des dispositions précitées des articles L. 512-1 et L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'ainsi, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que M. A n'était pas fondé à soutenir que l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 15 septembre 2006 imposait au préfet de l'Hérault de lui délivrer le titre de séjour demandé ;

Considérant, toutefois, que M. A soutenait devant la cour administrative d'appel que ce même jugement du 15 septembre 2006 faisait en outre obstacle au prononcé d'une nouvelle mesure d'éloignement à son encontre ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, alors que l'arrêté du 6 mars 2007 comporte une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; que l'arrêt attaqué doit donc être annulé en tant qu'il rejette les conclusions d'appel de M. A relatives à l'obligation de quitter le territoire français incluse dans l'arrêté attaqué ;

Sur les autres moyens du pourvoi :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, entré en France à l'âge de quarante-deux ans, n'y avait séjourné que quatre ans au plus à la date de l'arrêté attaqué et que, s'il a pour seules attaches familiales en France ses trois frères et leur famille, il conserve avec son pays d'origine un lien familial en la personne d'un fils devenu majeur ; qu'après avoir relevé ces faits sans les dénaturer, la cour administrative d'appel a pu, sans commettre d'erreur de qualification juridique, estimer que le refus opposé par le préfet de l'Hérault à sa demande de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a, par suite, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour instituée dans chaque département est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 du même code ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'ainsi, et eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que, M. A n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Considérant, enfin, que si les étrangers entrant dans les prévisions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son 7°, et bénéficiant de ce fait de la possibilité d'obtenir de plein droit un titre de séjour, sont dispensés, en vertu de l'article R. 313-3 du même code, de l'obligation prévue à l'article L. 311-7 de ce code de présenter, à l'appui de leur demande, un visa pour une durée supérieure à trois mois, M. A n'était pas dans cette situation ; que, par suite, la cour administrative d'appel, ayant, comme il a été dit, jugé que M. A ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pu, sans entacher son arrêt d'insuffisance de motivation, s'abstenir de répondre expressément au moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement exiger de lui la présentation d'un tel visa ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Marseille qu'en tant qu'il se prononce sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français incluse dans l'arrêté du 6 mars 2007 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'annulation pour excès de pouvoir d'une mesure d'éloignement, quel que soit le motif de cette annulation, n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour mais impose au préfet de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que si, au terme de ce nouvel examen de la situation de l'étranger, le préfet refuse de délivrer un titre de séjour, il peut, sans méconnaître l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement d'annulation, assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, ainsi qu'il y était tenu, a réexaminé sa situation et s'est prononcé sur son droit au séjour, M. A n'est pas fondé à soutenir que le jugement du 15 septembre 2006, devenu définitif, par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé un arrêté du 12 septembre 2006 prononçant sa reconduite à la frontière au motif que cette mesure portait à son droit au respect de sa privée et familiale une atteinte disproportionnée, faisait obstacle à ce qu'une nouvelle mesure d'éloignement fût prononcée à son encontre ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, sa motivation se confond toutefois avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique ; qu'ainsi, et alors même que la mesure litigieuse est antérieure au complément apporté au premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation , le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français incluse dans l'arrêté du 6 mars 2007 serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté, dès lors que cet arrêté mentionne les circonstances de droit et de fait fondant le refus de titre de séjour opposé à M. A et comporte la mention des dispositions de l'article L. 511-1 qui prévoient qu'un refus ou un retrait de titre de séjour peut être assorti d'une telle obligation ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'en assortissant d'une obligation de quitter le territoire français le refus de titre de séjour opposé à M. A, le préfet de l'Hérault n'a pas, eu égard aux objectifs de cette décision, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance par cette mesure d'éloignement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français incluse dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 6 mars 2007 ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 27 janvier 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il se prononce sur la légalité de la mesure d'obligation de quitter le territoire français incluse dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 6 mars 2007.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant la cour administrative d'appel de Marseille relatives à la mesure d'obligation de quitter le territoire français et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ahmed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 326576
Date de la décision : 16/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2010, n° 326576
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:326576.20100616
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