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21/06/2010 | FRANCE | N°329740

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 21 juin 2010, 329740


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Benoît B, demeurant au ..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs K... et Z... C, et par M.O... B, demeurant à Sahara (Comores) ; M. et Mme B et M. B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 25 juin 2009 du consul général de France

à Moroni refusant à O...,K... et Z... C un visa d'entrée et de long s...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Benoît B, demeurant au ..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs K... et Z... C, et par M.O... B, demeurant à Sahara (Comores) ; M. et Mme B et M. B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 25 juin 2009 du consul général de France à Moroni refusant à O...,K... et Z... C un visa d'entrée et de long séjour en France ;

2°) d'enjoindre à l'ambassadeur de France aux Comores de délivrer les visas sollicités dans un délai de huit jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code civil, notamment ses articles 363 et suivants ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aymeric Pontvianne, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que les consorts B contestent le rejet du recours qu'ils ont formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France à l'encontre des décisions du 25 juin 2009 des autorités consulaires françaises aux Comores refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France à O...,K... et Z... C, de nationalité comorienne, nés en 1988, 1992 et 1995, dont l'adoption simple par M. et Mme B, de nationalité française, avait été prononcée le 7 décembre 2006 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre ; qu'il ressort des pièces du dossier que pour rejeter ce recours, la commission s'est fondée, en premier lieu, sur le motif tiré de l'intérêt supérieur des enfants K... et Z..., en deuxième lieu, sur l'atteinte à l'ordre public résultant d'un détournement de la procédure d'adoption et, en dernier lieu, sur le fait qu'il n'est pas établi que le jeune O..., majeur à la date de la décision contestée, soit à la charge de ses parents adoptifs ;

Considérant, d'une part, s'agissant des enfants K... et Z..., que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'il résulte des dispositions de l'article 365 du code civil que l'adoptant, bénéficiaire d'un jugement d'adoption simple, est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale ; que, dès lors, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à l'adopté de rejoindre sa famille d'adoption, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement de l'adoptant, contraires à son intérêt ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, si K... et Z... C ont toujours vécu aux Comores auprès de leurs parents naturels, leur adoption simple par M. et Mme B, a été prononcée par un jugement devenu définitif du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en date du 7 décembre 2006 ; qu'ainsi, M. et Mme B, qui justifient de ressources et de conditions d'accueil suffisantes, disposent de l'autorité parentale sur ces deux enfants leur permettant de prendre toute mesure à leur égard ; que, par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché ses décisions les concernant d'une erreur d'appréciation en estimant que leur intérêt était de demeurer dans leurs pays d'origine auprès de leurs parents naturels ;

Considérant, en deuxième lieu, que compte tenu du jugement d'adoption prononcé, aucun agrément n'était plus nécessaire en vue de l'adoption des jeunes K... et Z... ; que la commission de recours a, par suite, commis une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur l'atteinte à l'ordre public découlant d'un détournement de la procédure d'adoption prévue par le code de l'action sociale et des familles pour refuser les visas sollicités ;

Considérant, d'autre part, en ce qui concerne le jeune O..., que si les requérants n'établissent pas qu'il soit effectivement à leur charge, il ressort des pièces du dossier que celui-ci a toujours vécu aux côtés de ses frères et soeurs ; que, par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, le refus de visa le concernant porte au droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette mesure ;

Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les consorts B sont fondés à demander l'annulation des décisions attaquées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer les visas sollicités pour O...,K... et Z... C dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B et par M. B et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
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Article 1er : Les décisions implicites par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre les décisions du 25 juin 2009 du consul général de France à Moroni refusant à O...,K... et Z... C un visa d'entrée en France sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer les visas sollicités pourK...,O... et Z... C dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B et à M. B une somme globale de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B, à M.O... B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 jui. 2010, n° 329740
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Aymeric Pontvianne
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice

Origine de la décision
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 21/06/2010
Date de l'import : 19/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 329740
Numéro NOR : CETATEXT000022413132 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-06-21;329740 ?
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