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25/06/2010 | FRANCE | N°336708

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 25 juin 2010, 336708


Vu le mémoire, enregistré le 10 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté pour M. Benoit A demeurant 16 rue Vauban, 66190 Collioure, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 décembre 2009, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 117 et du premier alinéa de l'article 1763 A (devenu l'

article 1759) du code général des impôts ;

Vu les autres piè...

Vu le mémoire, enregistré le 10 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté pour M. Benoit A demeurant 16 rue Vauban, 66190 Collioure, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 décembre 2009, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 117 et du premier alinéa de l'article 1763 A (devenu l'article 1759) du code général des impôts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des impôts, notamment ses articles 117 et 1763 A ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. A,

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 170 du code général des impôts : 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices (...) ; qu'aux termes de l'article 223 du même code : 1. Les personnes morales et associations passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de souscrire les déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux (...) 2. Les personnes morales et associations visées au 1 sont tenues de fournir, en même temps que leur déclaration de bénéfice ou de déficit, outre les pièces prévues à l'article 38 de l'annexe III au présent code : (...) 2° Un état indiquant, sous une forme qui sera précisée par arrêté ministériel, les bénéfices répartis aux associés, actionnaires ou porteurs de parts, ainsi que les sommes ou valeurs mises à leur disposition au cours de la période retenue pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés et présentant le caractère de revenus distribués (...). ; qu'aux termes de l'article 116 du même code : Pour chaque période d'imposition, la masse des revenus distribués déterminée conformément aux dispositions des articles 109 à 115 ter est considérée comme répartie entre les bénéficiaires, pour l'évaluation du revenu de chacun d'eux, à concurrence des chiffres indiqués dans les déclarations fournies par la personne morale dans les conditions prévues au 2° du 2 de l'article 223. ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en cause devant la cour administrative d'appel de Marseille : Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A. ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1763 A du même code, devenu l'article 1759 : Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité sont soumises à une pénalité égale à 100 p. 100 des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de la pénalité est ramené à 75 p. 100. ;

Considérant que les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, qui se bornent à autoriser l'administration fiscale à inviter la société qui a manqué aux obligations déclaratives prévues au 2° du 2 de l'article 223 du même code, à révéler dans un délai de trente jours l'identité des bénéficiaires de revenus distribués non déclarés n'ont ni pour objet, ni pour effet de fonder l'imposition des revenus distribués en cause, laquelle est déterminée par les dispositions des articles 109 à 115 quinquies du même code ; que, par ailleurs, la procédure instituée à l'article 117 est sans incidence pour ceux des bénéficiaires de revenus distribués ainsi désignés qui ont satisfait à leurs obligations déclaratives résultant de l'article 170 du code général des impôts ; que, par suite, et en tout état de cause, M. A ne saurait sérieusement soutenir ni que les dispositions de l'article 117 délégueraient à la société distributrice, qui serait ainsi substituée au législateur lui-même, le pouvoir de déterminer dans son principe et son montant, l'obligation fiscale des bénéficiaires des revenus distribués , ni que les conditions et les modalités d'application de la procédure ainsi instituée ne seraient pas définies avec une précision suffisante et que le législateur aurait par suite méconnu l'étendue de sa compétence, les articles 2 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ;

Considérant que M. A soutient en outre que, combinées avec les dispositions du premier alinéa de l'article 1763A (devenu l'article 1759) du code général des impôts, celles de l'article 117 ont un caractère confiscatoire, dans la mesure où la société qui refuserait de faire connaître à l'administration les bénéficiaires des distributions devrait acquitter, non seulement le supplément d'impôt résultant du rehaussement de son bénéfice imposable, mais aussi le montant de la pénalité prévue à l'article 1763A, et qu'ainsi la combinaison de ces dispositions créerait une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques ; que, toutefois, la pénalité en cause a pour objet, d'une part, de réparer le préjudice pécuniaire subi par le Trésor du fait du refus de désigner les personnes bénéficiaires des distributions occultes et, d'autre part, d'instituer une sanction destinée à lutter contre la fraude fiscale en incitant les personnes morales qu'elle vise à respecter leurs obligations déclaratives ; que la pénalité encourue par une société qui, bien que dûment informée de la sanction encourue, oppose un refus à la demande de l'administration fiscale, est, dans son principe, en rapport direct avec l'objectif poursuivi ; que son montant, même cumulé avec l'imposition en principal due par ailleurs par la société, ne saurait être regardé comme confiscatoire ; que par suite, le moyen de M. A tiré de ce que les dispositions contestées créeraient, au détriment des sociétés auxquelles elles sont susceptibles d'être appliquées, une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ne peut, en tout état de cause, être regardé comme soulevant une question sérieuse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 117 et du premier alinéa de l'article 1763 A du code général des impôts portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Une copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 336708
Date de la décision : 25/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2010, n° 336708
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:336708.20100625
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