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28/06/2010 | FRANCE | N°330136

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 28 juin 2010, 330136


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Zahra A, représentée par son fils, M. Abdelkader B, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 juin 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Tanger (Maroc) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France pour visite

familiale ;

2°) d'enjoindre aux autorités compétentes de délivrer le visa ...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Zahra A, représentée par son fils, M. Abdelkader B, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 juin 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Tanger (Maroc) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France pour visite familiale ;

2°) d'enjoindre aux autorités compétentes de délivrer le visa sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

Considérant que Mme A, ressortissante marocaine, demande l'annulation de la décision du 18 juin 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Tanger (Maroc) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes : 1° Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivants : [...] c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; qu'il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens, d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes ; que cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de visa de court séjour, Mme A a produit une attestation d'accueil de son fils, M. Abdelkader B, accompagnée d'un engagement de prise en charge des frais de séjour au cas où elle n'y pourvoirait pas et validée par le maire de la commune de Trappes, ainsi que l'avis d'imposition sur ses revenus de l'année 2007 témoignant d'un revenu brut global de 16 914 euros pour un foyer de quatre personnes ; que, si la commission de recours a allégué que les ressources propres de la requérante ne lui permettaient pas de justifier de moyens de subsistance suffisants pour son séjour en France, il ressort, d'une part, de la décision attaquée, que Mme A disposait, au jour de sa demande de visa, d'une pension de retraite mensuelle équivalant à 290 euros, et d'autre part, d'une attestation bancaire du 18 février 2008, produite au dossier par le ministre lui-même, qu'elle était titulaire d'un compte bancaire dont le solde créditeur équivalait à 2 351 euros ; que, dans ces circonstances, en estimant que Mme A ne pouvait être regardée comme disposant des ressources suffisantes pour financer un séjour de trois mois en France, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées ;

Considérant que la commission de recours a également fondé sa décision sur le motif tiré du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre de la vie privée et familiale de Mme A, qui est déjà venue à plusieurs reprises en France pour rendre visite à ceux de ses enfants qui y résident, ne se trouverait pas au Maroc, où elle dispose au surplus de revenus personnels suffisants pour subvenir à ses besoins ; qu'ainsi, la seule circonstance alléguée qu'elle se soit maintenue en France, au-delà de la durée autorisée par le précédent visa de court séjour dont elle disposait en 2006, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa ; que, par suite, la commission de recours a commis une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur le risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'il y a lieu d'enjoindre aux autorités compétentes de délivrer le visa sollicité par Mme A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 18 juin 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme A est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France à Mme A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Zahra A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 330136
Date de la décision : 28/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2010, n° 330136
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: Mme Marie-françoise Lemaitre
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:330136.20100628
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