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28/06/2010 | FRANCE | N°332891

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 28 juin 2010, 332891


Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Claude A, demeurant ... et Mme Fatima C épouse A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme A dirigé contre la décision du 19 mai 2009 par laquelle le consul général de France à Fès (Maroc) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour, en

qualité de conjointe de ressortissant français, ainsi que cette dernière déc...

Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Claude A, demeurant ... et Mme Fatima C épouse A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme A dirigé contre la décision du 19 mai 2009 par laquelle le consul général de France à Fès (Maroc) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour, en qualité de conjointe de ressortissant français, ainsi que cette dernière décision ;

2°) d'annuler la décision du 20 mai 2009 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté le recours hiérarchique formé par Mme A contre la décision implicite du consul général de France à Fès rejetant sa demande de visa de long séjour ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de statuer à nouveau sous un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat, d'annuler, d'une part, la décision du 19 mai 2009 par laquelle le consul général de France à Fès a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme A ainsi que la décision du 20 mai 2009 par laquelle le ministre de l'immigration a rejeté le recours hiérarchique formé par Mme A contre la décision implicite de rejet de sa demande de visa de long séjour, d'autre part, la décision du 8 octobre 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé ces dernières décisions ;

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision du consul général de France à Fès du 19 mai 2009 et contre la décision du 20 mai 2009 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire :

Considérant qu'aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision de la commission se substitue tant à celle qui a été prise par les autorités diplomatiques ou consulaires qu'à celle qui a été prise sur recours hiérarchique par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; que, par suite, la décision du 8 octobre 2009 par laquelle la commission a rejeté le recours de Mme A dirigé contre la décision du consul général de France à Fès en date du 19 mai 2009 lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour s'est substituée à cette dernière décision ainsi qu'à la décision du 20 mai 2009 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté le recours hiérarchique formé par Mme A contre la décision implicite de rejet de sa demande de visa de long ; que, dès lors, les conclusions doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision de la commission de recours du 8 octobre 2009 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 octobre 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

Considérant que l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer le visa sollicité, la commission de recours a estimé que le mariage de M. A et de Mme C a été contracté à des fins étrangères à l'union matrimoniale ; que Mme C, ressortissante marocaine, a fait la connaissance de M. A en 2004, au Maroc, et l'a épousé le 19 mai 2008 à Meknès (Maroc) ; que les époux ont entretenu une vie commune de deux ans avant leur mariage ; qu'ils justifient, à la date de la demande de visa, d'une vie commune de quatre années ; que, par ailleurs, M. A, père d'un enfant handicapé, est contraint de retourner en France fréquemment ; que les époux justifient de relations téléphoniques durant ces séparations ; qu'ainsi, M. et Mme A produisent plusieurs éléments permettant d'établir l'existence de relations suivies entre eux et justifient leur intention matrimoniale ; que, dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visas a commis une erreur d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant le recours contre le refus de visa demandé au motif l'absence d'authenticité du lien matrimonial ; que sa décision a, par suite, porté une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de faire délivrer à Mme C épouse A un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros demandée par M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 8 octobre 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de faire délivrer à Mme C épouse A un visa d'entrée et de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Claude A, à Mme Fatima C épouse A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 332891
Date de la décision : 28/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2010, n° 332891
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Michel Thenault
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:332891.20100628
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