La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2010 | FRANCE | N°333275

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 01 juillet 2010, 333275


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 octobre et 12 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BIOENERG, dont le siège est rue du Président Saragat BP 202 à Saint-Gaudens (31804) ; la SOCIETE BIOENERG demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 octobre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution des décisio

ns des 11 juin et 27 juillet 2009 par lesquelles le responsable de l'a...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 octobre et 12 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BIOENERG, dont le siège est rue du Président Saragat BP 202 à Saint-Gaudens (31804) ; la SOCIETE BIOENERG demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 octobre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution des décisions des 11 juin et 27 juillet 2009 par lesquelles le responsable de l'agence Sud-Est d'Electricité de France lui a indiqué qu'il ne signerait un contrat d'achat d'électricité avec elle qu'à la condition qu'elle justifie au préalable de la signature d'un contrat de comptage avec Electricité Réseau Distribution France (ERDF) ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge d'Electricité de France le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE BIOENERG et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat d'Electricité de France,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE BIOENERG et à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat d'Electricité de France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le ministre chargé de l'énergie a lancé le 17 décembre 2003 un appel d'offres, en application de l'article 8 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; que, par un arrêté du 11 janvier 2005, le ministre a retenu l'offre présentée par la société Tembec Tarascon ; que, par un arrêté du 13 mai 2008, l'autorisation d'exploiter l'installation de production d'électricité correspondante a été transférée à la SOCIETE BIOENERG ; que, par une lettre du 11 juin 2009, confirmée le 27 juillet 2009, le responsable de l'agence Sud-Est d'Electricité de France a indiqué à la société qu'il ne signerait avec elle le contrat d'achat d'électricité prévu par l'article 8 de la loi du 10 février 2000 qu'à la condition qu'elle justifie au préalable avoir signé avec Electricité Réseau Distribution France (ERDF) un contrat de comptage ; que la SOCIETE BIOENERG se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 13 octobre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, après avoir jugé que le litige ressortissait à la compétence de la juridiction administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution des décisions susmentionnées du responsable de l'agence Sud-Est d'Electricité de France ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 : (...) le service public de l'électricité assure le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité (...) / I. La mission de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité vise : / 1° A réaliser les objectifs définis par la programmation pluriannuelle des investissements de production arrêtée par le ministre chargé de l'énergie (...) / Les producteurs, et notamment Electricité de France, contribuent à la réalisation de ces objectifs (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la même loi : Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, le ministre chargé de l'énergie peut recourir à la procédure d'appel d'offres (...) / Lorsqu'ils ne sont pas retenus, Electricité de France et (...) les distributeurs non nationalisés (...) sont tenus de conclure dans les conditions fixées par l'appel d'offres, un contrat d'achat de l'électricité avec le candidat retenu, en tenant compte du résultat de l'appel d'offres (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'un contrat conclu entre personnes privées est en principe un contrat de droit privé ; qu'il en va toutefois autrement dans le cas où l'une des parties au contrat agit pour le compte d'une personne publique ; que, si en vertu des dispositions précitées de l'article 8 de la loi du 10 février 2000 relatives aux contrats conclus entre Electricité de France et les producteurs d'électricité retenus à la suite d'un appel d'offres, Electricité de France et les producteurs concernés contribuent au service public de l'électricité, et plus particulièrement à l'objectif de réalisation de la programmation pluriannuelle des investissements de production arrêtée par le ministre chargé de l'énergie, les contrats en cause ne peuvent être regardés comme conclus pour le compte d'une personne publique, alors que la production d'électricité ne relève de l'Etat ou d'une autre personne publique, ni par nature ni par détermination de la loi, et est au contraire une activité économique exercée par des entreprises privées ; qu'Electricité de France n'exerce donc dans ce domaine aucune mission pour le compte d'une personne publique et n'est pas placée, pour la mission de service public à laquelle elle contribue, sous l'autorité de l'Etat ou d'une autre personne publique ; qu'au surplus, à supposer que le contrat soit soumis à un régime exorbitant du droit commun, ce qui ne peut résulter des seules conditions relatives à sa passation, cette circonstance serait en tout état de cause sans incidence, s'agissant d'un contrat entre deux personnes privées ; qu'il résulte de ce qui précède que le contrat en cause dans le litige est un contrat de droit privé ;

Considérant, en second lieu, qu'en tout état de cause, le refus par Electricité de France de signer le contrat de droit privé objet du litige n'est pas une décision prise dans l'exercice d'une mission de service public qui aurait été confiée à cette société sous le contrôle d'une personne publique, et ne manifeste l'exercice d'aucune prérogative de puissance publique ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en jugeant que le contrat en cause dans le litige était conclu pour le compte de l'Etat et avait par suite le caractère d'un contrat administratif dont le contentieux relevait du juge administratif, et en en déduisant que le refus de signer un tel contrat relevait de ce même juge, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit ; que l'ordonnance attaquée doit être annulée et la demande de la SOCIETE BIOENERG rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge d'Electricité de France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la SOCIETE BIOENERG au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE BIOENERG le versement à Electricité de France de la somme qu'elle demande au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 13 octobre 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La demande de la SOCIETE BIOENERG est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SOCIETE BIOENERG et d'Electricité de France est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BIOENERG et à Electricité de France.

Une copie sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 333275
Date de la décision : 01/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS DE DROIT PRIVÉ - CONTRATS CONCLUS ENTRE PERSONNES PRIVÉES - CONTRATS D'ACHAT D'ÉLECTRICITÉ CONCLUS ENTRE EDF ET LES DISTRIBUTEURS NON NATIONALISÉS ET L'ATTRIBUTAIRE DE L'APPEL D'OFFRES POUR LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ (ART - 8 DE LA LOI DU 10 FÉVRIER 2000) - COCONTRACTANTS N'AGISSANT PAS POUR LE COMPTE D'UNE PERSONNE PUBLIQUE ET N'EXERÇANT PAS UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC SOUS SON CONTRÔLE [RJ1] - RÉGIME EXORBITANT DU DROIT COMMUN - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE [RJ2].

17-03-02-03-01-01 L'article 8 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 prévoit que, lorsque les capacités de production d'électricité ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, le ministre chargé de l'énergie peut recourir à un appel d'offres. Dans le cas où le candidat retenu n'est pas Electricité de France (EDF) ou les distributeurs non nationalisés, ces derniers doivent conclure avec l'attributaire de l'appel d'offres un contrat d'achat d'électricité. Ce contrat est conclu entre des personnes privées n'agissant pas pour le compte de personnes publiques. Par ailleurs, si EDF et les producteurs concernés contribuent au service public de l'électricité, ils ne sont pas placés à ce titre sous le contrôle d'une personne publique. Dans ces conditions, un tel contrat d'achat d'électricité est un contrat de droit privé, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, à la supposer établie, qu'il serait soumis à un régime exorbitant du droit commun.

ENERGIE - MARCHÉ DE L'ÉNERGIE - CONTRATS D'ACHAT D'ÉLECTRICITÉ CONCLUS ENTRE EDF ET LES DISTRIBUTEURS NON NATIONALISÉS ET L'ATTRIBUTAIRE DE L'APPEL D'OFFRES POUR LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ (ART - 8 DE LA LOI DU 10 FÉVRIER 2000) - CONTRATS DE DROIT PRIVÉ.

29-06-025 L'article 8 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 prévoit que, lorsque les capacités de production d'électricité ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, le ministre chargé de l'énergie peut recourir à un appel d'offres. Dans le cas où le candidat retenu n'est pas Electricité de France (EDF) ou les distributeurs non nationalisés, ces derniers doivent conclure avec l'attributaire de l'appel d'offres un contrat d'achat d'électricité. Ce contrat est conclu entre des personnes privées n'agissant pas pour le compte de personnes publiques. Par ailleurs, si EDF et les producteurs concernés contribuent au service public de l'électricité, ils ne sont pas placés à ce titre sous le contrôle d'une personne publique. Dans ces conditions, un tel contrat d'achat d'électricité est un contrat de droit privé, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, à la supposer établie, qu'il serait soumis à un régime exorbitant du droit commun.


Références :

[RJ1]

Rappr. TC, 8 juillet 1963, Société entreprise Peyrot c/ Société de l'autoroute Estérel Côte d'Azur, n° 1804, p. 787 ;

à propos de la responsabilité extracontractuelle, TC, 23 septembre 2002, Sociétés Sotrame et Metalform c/ Groupement d'intérêt économique Sesam-Vitale, n° 3300, p. 550.,,

[RJ2]

Comp., pour le régime de droit public de contrats analogues lorsque EDF était une personne morale de droit public, Section, 19 janvier 1973, Société d'exploitation électrique de la rivière du Sant, n° 82338, p. 48.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2010, n° 333275
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:333275.20100701
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award