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05/07/2010 | FRANCE | N°308564

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 05 juillet 2010, 308564


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 13 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE, dont le siège est 15 place du Général Catroux à Paris (75017), représenté par son président ; le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit à l'appel de la société d'économie mixte Reims Champagne Congrès Expo, a annulé le jugement du 21

septembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagn...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 13 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE, dont le siège est 15 place du Général Catroux à Paris (75017), représenté par son président ; le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit à l'appel de la société d'économie mixte Reims Champagne Congrès Expo, a annulé le jugement du 21 septembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du préfet de la Marne du 7 octobre 2002 accordant à cette société l'autorisation prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours et a rejeté la demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté qu'il avait présentée devant ce tribunal ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Reims Champagne Congrès Expo ;

3°) de mettre à la charge de la société Reims Champagne Congrès Expo une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam, Auditeur,

- les observations de Me Haas, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Reims Evénements,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Reims Evénements ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 octobre 2002, le préfet de la Marne a accordé à la société d'économie mixte Reims Champagne Congrès Expo (RCCE), devenue la société Reims Evénements, dont le capital est détenu à 65 % par la commune de Reims, dont l'objet social est d'organiser toutes manifestations de nature à favoriser l'animation, la promotion et le développement du territoire de Reims et qui est notamment en charge, par voie d'affermage, de la gestion du centre des congrès de Reims, l'autorisation de réaliser les prestations liées au séjour définies aux articles 1er et 2 de la loi du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours ; que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à la demande du SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE, annulé cet arrêté par un jugement du 21 septembre 2006 ; que le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit à l'appel de la société RCCE, a annulé ce jugement et rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours, en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral contesté : Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui se livrent ou apportent leur concours, quelles que soient les modalités de leur rémunération, aux opérations consistant en l'organisation ou la vente : / a) De voyages ou de séjours individuels ou collectifs ; / b) De services pouvant être fournis à l'occasion de voyages ou de séjours (...) ; / c) De services liés à l'accueil touristique (...) / Les dispositions de la présente loi s'appliquent également aux opérations de production ou de vente de forfaits touristiques (...), ainsi qu'aux opérations liées à l'organisation de congrès ou de manifestations apparentées dès lors que celle-ci inclut tout ou partie des prestations prévues aux a, b et c du présent article ; que les dispositions de l'article 2 de cette loi définissent le contenu des prestations de forfaits touristiques ; qu'aux termes de l'article 11 de la même loi : Pour être autorisés par l'autorité administrative, les organismes locaux de tourisme qui bénéficient du soutien de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements et qui se livrent ou apportent leur concours, dans l'intérêt général, aux opérations permettant de faciliter l'accueil ou d'améliorer les conditions de séjour des touristes dans leur zone géographique d'intervention doivent : / - être dirigés par une personne justifiant d'une aptitude professionnelle ; / - justifier d'une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile et d'une garantie financière suffisante (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral contesté : Les communes, les départements, les régions et leurs groupements peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, créer des sociétés d'économie mixte locales qui les associent à une ou plusieurs personnes privées et, éventuellement, à d'autres personnes publiques pour réaliser des opérations d'aménagement, de construction, pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial, ou pour toute autre activité d'intérêt général (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que les sociétés d'économie mixte locales peuvent légalement exercer, outre des activités d'aménagement, de construction ou de gestion de services publics, toute activité économique sur un marché concurrentiel pourvu qu'elle réponde à un intérêt général ; que si un tel intérêt général peut résulter de la carence ou de l'insuffisance de l'initiative des entreprises détenues majoritairement ou exclusivement par des personnes privées, une telle carence ou une telle insuffisance ne saurait être regardée comme une condition nécessaire de l'intervention d'une société d'économie mixte (SEM) sur un marché ; qu'ainsi, en recherchant si la prise en charge par la société d'économie mixte locale RCCE, en complément de son activité principale de service public, d'activités touristiques définies aux articles 1er et 2 de la loi du 13 juillet 1992 cités ci-dessus présentait un intérêt public suffisant permettant de regarder ces activités comme des activités d'intérêt général au sens de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales et en jugeant que la carence de l'initiative privée sur le marché local des prestations touristiques en cause n'était pas une condition nécessaire de la légalité de la décision attaquée devant elle, la cour n'a commis aucune erreur de droit et n'a pas, notamment, méconnu le principe de liberté du commerce et de l'industrie ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que la fourniture des prestations touristiques autorisées par l'arrêté attaqué répondait à un intérêt général, notamment parce qu'elles permettaient de proposer une offre complémentaire aux congressistes et qu'elles étaient ainsi de nature, comme la mission de service public exercée à titre principal par la société RCCE, à contribuer au développement touristique et économique de la ville et de sa région, la cour n'a pas davantage entaché son arrêt d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique des faits ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour a pu relever, sans erreur de droit ni insuffisance de motivation, par un motif au demeurant surabondant, que l'initiative privée était défaillante sur le segment particulier des offres globales à l'attention des congressistes de passage à Reims ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales : (...) lorsque l'objet de sociétés d'économie mixte locales inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires (...) ; qu'en jugeant que la fourniture des prestations touristiques en cause constituait, pour la société RCCE, un complément normal à son activité principale de gestion du centre des congrès et d'organisation de manifestations dans ce centre, sans exiger que ces activités accessoires soient le complément nécessaire de cette activité principale, la cour n'a ni méconnu le principe de complémentarité prévu par les dispositions rappelées ci-dessus, ni entaché son arrêt de dénaturation ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE s'était borné, devant la cour, à évoquer, en termes généraux, des risques de distorsion de concurrence liés au défaut de séparation comptable et juridique entre activités de service public et activités économiques concurrentielles, sans soutenir que la société RCCE tirerait effectivement des avantages particuliers de son statut ou de sa mission de service public ; que, dès lors, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas dénaturé les écritures du syndicat en jugeant qu'il n'était ni allégué ni établi que la société RCCE, soumise aux règles de la comptabilité commerciale et analytique, bénéficierait, comme opérateur sur le marché local des prestations touristiques, d'avantages qu'elle tirerait de son statut, de sa position particulière ou de ses modalités de fonctionnement ou qui découleraient des ressources et moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public ; qu'en outre, en relevant que la société RCCE ne cumulait pas les fonctions d'opérateur et de régulateur, la cour, qui ne s'est au demeurant pas fondée sur cette seule circonstance pour apprécier l'absence d'atteinte au droit de la concurrence, s'est contentée de répondre à l'argumentation présentée par le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE ; qu'enfin, en jugeant, après avoir relevé que l'autorisation préfectorale contestée avait seulement pour objet de permettre à la société RCCE d'assurer des prestations touristiques accessoires à son activité principale de gestionnaire du palais des congrès sur un segment de clientèle particulier dans une zone géographique d'intervention limitée aux communes de Reims et de Tinqueux, que l'arrêté attaqué n'avait pas eu pour effet de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, ni de placer la société RCCE dans la situation d'abuser automatiquement d'une position dominante sur un marché pertinent, la cour n'a commis aucune erreur de droit et n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 juin 2007 ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SEM Reims Evénements qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE le versement à la SEM Reims Evénements d'une somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE est rejeté.

Article 2 : Le SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE versera à la SEM Reims Evénements une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES AGENCES DE VOYAGE, à la SEM Reims Evénements et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-06-02 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. DISPOSITIONS GÉNÉRALES. DISPOSITIONS ÉCONOMIQUES. SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE LOCALES. - 1) INTERVENTION DANS LE CHAMP CONCURRENTIEL - LÉGALITÉ - CONDITION - EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ D'INTÉRÊT GÉNÉRAL (ART. L. 1521-1 DU CGCT) - CRITÈRE - INTÉRÊT PUBLIC SUFFISANT - EXIGENCE D'UNE CARENCE DE L'INITIATIVE PRIVÉE - ABSENCE [RJ1] - 2) OBJET DE LA SOCIÉTÉ INCLUANT PLUSIEURS ACTIVITÉS - LÉGALITÉ - CONDITION - CARACTÈRE COMPLÉMENTAIRE (ART. L. 1521-1 DU CGCT) - EXIGENCE D'UN LIEN DE COMPLÉMENTARITÉ NÉCESSAIRE - ABSENCE [RJ2].

135-01-06-02 1) Il résulte des dispositions de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que les sociétés d'économie mixte locales peuvent légalement exercer, outre des activités d'aménagement, de construction ou de gestion de services publics, toute activité économique sur un marché concurrentiel pourvu qu'elle réponde à un intérêt général. Si un tel intérêt général peut résulter de la carence ou de l'insuffisance de l'initiative des entreprises détenues majoritairement ou exclusivement par des personnes privées, une telle carence ou une telle insuffisance ne saurait être regardée comme une condition nécessaire de l'intervention d'une société d'économie mixte (SEM) sur un marché. Il y a seulement lieu de rechercher si les activités en cause présentent un intérêt public suffisant. 2) Aux termes de ce même article L. 1521-1, lorsque l'objet d'une SEM locale inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. SEM locale exerçant une activité principale de gestion d'un centre des congrès et d'organisation de manifestations dans ce centre. La fourniture de prestations touristiques liées au séjour définies aux articles 1er et 2 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 constitue, pour cette société, un complément normal de son activité principale qui remplit le critère de complémentarité posé par le texte, sans qu'il soit besoin de rechercher si ces activités accessoires sont le complément nécessaire de cette activité principale.


Références :

[RJ1]

Cf. Assemblée, 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, n° 275531, p. 272.,,

[RJ2]

Rappr. Section, 29 mai 1936, Syndicat des entrepreneurs de couverture c/ Ville de Bordeaux, n° 38964, p. 622.


Publications
Proposition de citation: CE, 05 jui. 2010, n° 308564
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Emilie Bokdam
Rapporteur public ?: Mme Cortot-Boucher Emmanuelle
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; HAAS

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 05/07/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 308564
Numéro NOR : CETATEXT000022486936 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-07-05;308564 ?
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