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05/07/2010 | FRANCE | N°308601

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 05 juillet 2010, 308601


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 15 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que, après avoir annulé les jugements du tribunal administratif de Limoges du 3 juin 2004, il fait droit aux conclusions de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Indre tendant à l'annulation de la

décision du préfet de l'Indre du 23 janvier 2002 lui demandant le...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 15 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que, après avoir annulé les jugements du tribunal administratif de Limoges du 3 juin 2004, il fait droit aux conclusions de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Indre tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Indre du 23 janvier 2002 lui demandant le reversement de subventions perçues au titre de l'opération dite Objectif entreprises , à celle des titres de perception correspondant à ces sommes, ainsi qu'à celle des décisions implicites par lesquelles le trésorier-payeur général a rejeté les oppositions de la CCI de l'Indre à l'exécution de ces titres de perception ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter les requêtes d'appel de la chambre de commerce et d'industrie de l'Indre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 ;

Vu le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988 ;

Vu le règlement (CEE) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de l'Indre,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de l'Indre ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Indre a reçu, pour la réalisation d'une opération dite Objectif Entreprises , visant à rechercher des investisseurs français et étrangers susceptibles de s'installer dans l'Indre, des subventions d'un montant de 60 979,60 euros, 81 255,33 euros et 43 686,71 euros, versées par l'Etat en 1996 et 1997 au titre du fonds européen de développement économique régional (FEDER) et au titre du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) ; que, par une décision du 23 janvier 2002, le préfet de l'Indre a indiqué à la CCI de l'Indre que, compte tenu du non-respect des règles de passation des marchés publics pour le recrutement du prestataire de services chargé de la réalisation de cette opération, les subventions devaient être remboursées ; qu'il a émis des titres de perception correspondant aux sommes ainsi réclamées ; que la CCI a formé opposition à l'exécution de ces titres auprès du trésorier-payeur général, dont le silence a fait naître une décision implicite de rejet ; que la CCI de l'Indre a alors demandé à la juridiction administrative l'annulation de l'ensemble des décisions mentionnés ci-dessus ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 juin 2007 en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'ensemble des décisions mentionnées ci-dessus et a déchargé la CCI de l'obligation de payer les sommes en cause ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant qu'eu égard aux moyens soulevés par le ministre devant le Conseil d'Etat, il y a lieu, ainsi que le fait valoir la CCI de l'Indre, d'interpréter les conclusions du pourvoi comme tendant à l'annulation de l'arrêt du 12 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant seulement qu'il concerne les subventions versées au titre du FEDER ;

Sur le pourvoi :

Considérant, en premier lieu, que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES soutient que la cour aurait dénaturé les faits qui lui étaient soumis, d'une part, en jugeant que les termes de la convention du 20 décembre 1996, signée entre l'Etat et la CCI pour l'attribution de l'aide versée au titre du FEDER, ne subordonnaient pas les subventions en cause à une condition de régularité de la procédure de sélection du prestataire auquel serait confiée la réalisation des actions subventionnées et d'autre part, en relevant que les services de l'Etat ne pouvaient ignorer les circonstances irrégulières dans lesquelles la société prestataire avait été sélectionnée ;

Considérant, toutefois, qu'après avoir relevé que l'article 7 de la convention prévoyait, au titre du suivi de son exécution, que la CCI devrait produire, entre autres pièces, le document relatif à la procédure d'appel d'offres , la cour a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, juger qu'aucune condition de régularité de la procédure de recrutement du prestataire de services chargé par la CCI de réaliser les opérations financées ne pouvait être déduite des termes de la convention ; que, par ailleurs, la cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant, après avoir relevé que, préalablement à la signature de la convention, les services de l'Etat avaient été informés de ce que le prestataire de services avait été choisi avant même le lancement d'une procédure d'appel d'offres, que ces services ne pouvaient ignorer les conditions de recrutement de ce prestataire ;

Considérant que le ministre soutient en second lieu que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet ne pouvait légalement se fonder sur l'absence de respect des règles de passation des marchés publics pour demander à la CCI de rembourser les subventions qui lui avaient été versées en 1996 et 1997 alors que la réglementation communautaire applicable faisait selon lui obligation à l'administration de récupérer les subventions versées à des bénéficiaires qui n'avaient pas respecté, pour la réalisation des actions financées par les subventions, les règles de passation des marchés publics ;

Considérant qu'il ressort des écritures d'appel que, devant la cour, la CCI avait elle-même admis que l'article 7 du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 lui faisait obligation de respecter les règles de passation des marchés publics et qu'elle se bornait à contester l'existence d'une base légale permettant à l'Etat de récupérer les sommes versées ; qu'ainsi et, contrairement à ce que soutient la CCI de l'Indre en défense, le moyen énoncé ci-dessus ne saurait être regardé comme nouveau en cassation ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 7 du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, dans sa version en vigueur à la date des subventions litigieuses : Les actions faisant l'objet d'un financement par les Fonds structurels ou d'un financement de la BEI ou d'un autre instrument financier existant doivent être conformes aux dispositions des traités et des actes arrêtés en vertu de ceux-ci, ainsi que des politiques communautaires, y compris celles concernant les règles de concurrence, la passation des marchés publics et la protection de l'environnement ; qu'aux termes de l'article 23 du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988 portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 cité ci-dessus : 1. Afin de garantir le succès des actions menées par des promoteurs publics ou privés, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour : / -vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté ont été menées correctement, / -prévenir et poursuivre les irrégularités, / - récupérer les fonds perdus à la suite d'un abus ou d'une négligence. Sauf si l'Etat membre et/ou l'intermédiaire et/ou le promoteur apportent la preuve que l'abus ou la négligence ne leur est pas imputable, l'Etat membre est subsidiairement responsable du remboursement des sommes indûment versées (...) ; qu'ainsi que la jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 mars 2008 Vereniging Nationaal Overlegorgaan Sociale Werkvoorziening (C-383/06), ces dispositions créent une obligation pour les Etats membres, sans qu'une habilitation prévue par le droit national soit nécessaire, de récupérer les fonds perdus à la suite d'un abus ou d'une négligence ;

Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire./ 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. (...) / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme. / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif (...) / 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus (...) ;

Considérant que la réponse au moyen du ministre analysé ci-dessus dépend des réponses aux questions suivantes :

1°) En ce qui concerne l'existence d'un fondement juridique duquel résulterait une obligation de récupération de l'aide versée à la CCI :

Lorsqu'un pouvoir adjudicateur bénéficiaire de subventions versées au titre du FEDER n'a pas respecté une ou plusieurs règles de passation des marchés publics pour la réalisation de l'action subventionnée, alors qu'il n'est par ailleurs pas contesté que l'action est éligible à ce fonds et qu'elle a été réalisée, existe-t-il une disposition de droit communautaire, notamment dans les règlements (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 et (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988, fondant une obligation de récupération des subventions ' Si elle existe, une telle obligation vaut-elle pour tout manquement aux règles de passation des marchés publics, ou seulement pour certains d'entre eux ' Dans ce dernier cas, lesquels '

Considérant en outre que, dans l'hypothèse d'un règlement de l'affaire au fond, la solution du litige dépend également, en ce qui concerne les modalités de récupération de l'aide versée, des réponses aux questions suivantes :

2°) En cas de réponse au moins partiellement positive à la première question :

a) La méconnaissance, par un pouvoir adjudicateur bénéficiant d'une aide au titre du FEDER, d'une ou de plusieurs règles relatives à la passation des marchés publics pour le choix du prestataire chargé de réaliser l'action subventionnée constitue-t-elle une irrégularité au sens du règlement n° 2988/95 ' La circonstance que l'autorité nationale compétente ne pouvait pas ignorer, au moment où elle a décidé d'accorder l'aide demandée au titre du FEDER, que l'opérateur bénéficiaire avait méconnu les règles relatives à la passation des marchés publics pour recruter, avant même l'attribution de l'aide, le prestataire chargé de réaliser l'action financée par celle-ci est-elle de nature à avoir une incidence sur la qualification d'irrégularité au sens du règlement n° 2988/95 '

b) En cas de réponse positive à la question 2) a), et dès lors que, ainsi que l'a jugé la Cour de justice (29 janvier 2009, Hauptzollamt Hamburg-Jonas / Josef Vosding Schlacht, Kühl- und Zerlegebetrieb GmbH et Co, aff. C-278/07 à C-280/07), le délai de prescription prévu à l'article 3 du règlement n° 2988/95 est applicable aux mesures administratives telles que la récupération d'une aide indûment perçue par un opérateur en raison d'irrégularités commises par lui :

- y a-t-il lieu de fixer le point de départ du délai de prescription à la date du versement de l'aide à son bénéficiaire ou à celle de l'utilisation, par ce dernier, de la subvention perçue pour rémunérer le prestataire recruté en méconnaissance d'une ou plusieurs règles relatives à la passation des marchés publics '

- ce délai doit-il être regardé comme étant interrompu par la transmission, par l'autorité nationale compétente, au bénéficiaire de la subvention, d'un rapport de contrôle constatant le non-respect des règles de passation des marchés publics et préconisant à l'autorité nationale d'obtenir en conséquence le remboursement des sommes versées '

- lorsqu'un Etat membre use de la possibilité que lui ouvre le paragraphe 3 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 d'appliquer un délai de prescription plus long, notamment lorsqu'il est fait application, en France, du délai de droit commun prévu à la date des faits en litige à l'article 2262 du code civil aux termes duquel : Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) , la compatibilité d'un tel délai avec le droit communautaire, notamment avec le principe de proportionnalité, doit-elle s'apprécier au regard de la durée maximale de prescription prévue par le texte national servant de base légale à la demande de récupération de l'administration nationale ou bien au regard du délai effectivement mis en oeuvre dans le cas d'espèce '

c) En cas de réponse négative à la question 2) a), les intérêts financiers de la Communauté font-ils obstacle à ce que, pour le versement d'une aide telle que celle en cause dans le présent litige, le juge fasse application des règles nationales relatives au retrait des décisions créatrices de droits, selon lesquelles, hors les hypothèses d'inexistence, d'obtention par fraude, ou de demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision, une décision administrative individuelle pouvant toutefois, notamment lorsqu'elle correspond au versement d'une aide, être assortie de conditions résolutoires, dont la réalisation permet le retrait de l'aide en cause sans condition de délai - étant précisé que le Conseil d'Etat a jugé qu'il y avait lieu d'interpréter cette règle nationale comme ne pouvant être invoquée par le bénéficiaire d'une aide indûment accordée en application d'un texte communautaire que s'il a été de bonne foi '

Considérant que ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat ; qu'elles présentent une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le pourvoi du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur le pourvoi présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :

1°) En ce qui concerne l'existence d'un fondement juridique duquel résulterait une obligation de récupération de l'aide versée à la CCI :

Lorsqu'un pouvoir adjudicateur bénéficiaire de subventions versées au titre du FEDER n'a pas respecté une ou plusieurs règles de passation des marchés publics pour la réalisation de l'action subventionnée, alors qu'il n'est par ailleurs pas contesté que l'action est éligible à ce fonds et qu'elle a été réalisée, existe-t-il une disposition de droit communautaire, notamment dans les règlements (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 et (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988, fondant une obligation de récupération des subventions ' Si elle existe, une telle obligation vaut-elle pour tout manquement aux règles de passation des marchés publics, ou seulement pour certains d'entre eux ' Dans ce dernier cas, lesquels '

2°) En cas de réponse au moins partiellement positive à la première question, en ce qui concerne les modalités de récupération d'une aide indûment versée :

a) La méconnaissance, par un pouvoir adjudicateur bénéficiant d'une aide au titre du FEDER, d'une ou de plusieurs règles relatives à la passation des marchés publics pour le choix du prestataire chargé de réaliser l'action subventionnée constitue-t-elle une irrégularité au sens du règlement n° 2988/95 ' La circonstance que l'autorité nationale compétente ne pouvait pas ignorer, au moment où elle a décidé d'accorder l'aide demandée au titre du FEDER, que l'opérateur bénéficiaire avait méconnu les règles relatives à la passation des marchés publics pour recruter, avant même l'attribution de l'aide, le prestataire chargé de réaliser l'action financée par celle-ci est-elle de nature à avoir une incidence sur la qualification d'irrégularité au sens du règlement n° 2988/95 '

b) En cas de réponse positive à la question 2) a), et dès lors que, ainsi que l'a jugé la Cour de justice (29 janvier 2009, Hauptzollamt Hamburg-Jonas / Josef Vosding Schlacht, Kühl- und Zerlegebetrieb GmbH et Co, aff. C-278/07 à C-280/07), le délai de prescription prévu à l'article 3 du règlement n° 2988/95 est applicable aux mesures administratives telles que la récupération d'une aide indûment perçue par un opérateur en raison d'irrégularités commises par lui :

- y a-t-il lieu de fixer le point de départ du délai de prescription à la date du versement de l'aide à son bénéficiaire ou à celle de l'utilisation, par ce dernier, de la subvention perçue pour rémunérer le prestataire recruté en méconnaissance d'une ou plusieurs règles relatives à la passation des marchés publics '

- ce délai doit-il être regardé comme étant interrompu par la transmission, par l'autorité nationale compétente, au bénéficiaire de la subvention, d'un rapport de contrôle constatant le non-respect des règles de passation des marchés publics et préconisant à l'autorité nationale d'obtenir en conséquence le remboursement des sommes versées '

- lorsqu'un Etat membre use de la possibilité que lui ouvre le paragraphe 3 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 d'appliquer un délai de prescription plus long, notamment lorsqu'il est fait application, en France, du délai de droit commun prévu à la date des faits en litige à l'article 2262 du code civil aux termes duquel : Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) , la compatibilité d'un tel délai avec le droit communautaire, notamment avec le principe de proportionnalité, doit-elle s'apprécier au regard de la durée maximale de prescription prévue par le texte national servant de base légale à la demande de récupération de l'administration nationale ou bien au regard du délai effectivement mis en oeuvre dans le cas d'espèce '

c) En cas de réponse négative à la question 2) a), les intérêts financiers de la Communauté font-ils obstacle à ce que, pour le versement d'une aide telle que celle en cause dans le présent litige, le juge fasse application des règles nationales relatives au retrait des décisions créatrices de droits, selon lesquelles, hors les hypothèses d'inexistence, d'obtention par fraude, ou de demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision, une décision administrative individuelle pouvant toutefois, notamment lorsqu'elle correspond au versement d'une aide, être assortie de conditions résolutoires, dont la réalisation permet le retrait de l'aide en cause sans condition de délai - étant précisé que le Conseil d'Etat a jugé qu'il y avait lieu d'interpréter cette règle nationale comme ne pouvant être invoquée par le bénéficiaire d'une aide indûment accordée en application d'un texte communautaire que s'il a été de bonne foi '

Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, à la chambre de commerce et d'industrie de l'Indre et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 308601
Date de la décision : 05/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - RENVOI PRÉJUDICIEL À LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES - POSSIBILITÉ DE RENVOI DANS L'HYPOTHÈSE D'UN RÈGLEMENT DE L'AFFAIRE AU FOND PAR LE JUGE DE CASSATION - EXISTENCE.

15-03-02 Conseil d'Etat juge de cassation. Peut être posée à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) une question préjudicielle dans l'hypothèse d'un règlement de l'affaire au fond, la solution du litige après une éventuelle cassation nécessitant des réponses à des questions relevant de cette Cour.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - POUVOIRS DU JUGE DE CASSATION - POSSIBILITÉ DE QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA CJUE DANS L'HYPOTHÈSE D'UN RÈGLEMENT DE L'AFFAIRE AU FOND - EXISTENCE.

54-08-02-03 Conseil d'Etat juge de cassation. Peut être posée à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) une question préjudicielle dans l'hypothèse d'un règlement de l'affaire au fond, la solution du litige après une éventuelle cassation nécessitant des réponses à des questions relevant de cette Cour.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2010, n° 308601
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Xavier Domino
Rapporteur public ?: Mme Cortot-Boucher Emmanuelle
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:308601.20100705
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