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09/07/2010 | FRANCE | N°310032

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 09 juillet 2010, 310032


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 octobre 2007 et 9 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, représentée par son maire ; la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt du 2 août 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Eugène Bour

et de la société APS, à laquelle s'est substituée la société Acte, à lui ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 octobre 2007 et 9 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, représentée par son maire ; la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt du 2 août 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Eugène Bour et de la société APS, à laquelle s'est substituée la société Acte, à lui verser la somme de 175 000 euros, assortie des intérêts de droit, en réparation du préjudice résultant des désordres affectant la façade de son église, ainsi qu'à ce que soit mis à la charge de ces sociétés le paiement des frais d'expertise augmentés d'une somme de 8 227 euros au titre d'une étude externe ;

2°) de mettre à la charge de la société Eugène Bour et de la société A.C. Ingénierie Est, venant aux droits de la société Acte, anciennement société APS, le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, ensemble ledit cahier des clauses administratives générales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat des Mutuelles du Mans Assurances IARD et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Compagnie AXA France IARD Service Construction,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat des Mutuelles du Mans Assurances IARD et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Compagnie AXA France IARD Service Construction ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en vue de la restauration de l'église communale, la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ a, par un marché en date du 17 juillet 2000, confié à la société Eugène Bour l'exécution du lot n°1 " ravalement de façades ", et qu'elle a confié la maîtrise d'oeuvre à la société APS, à laquelle s'est substituée la société Acte, aux droits de laquelle vient la société A.C. Ingénierie Est ; que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 29 janvier 2001 ; que des fissures sont apparues en juillet 2001 sur les façades de l'ouvrage ; que la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 août 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Eugène Bour et de la société APS, à laquelle s'est substituée la société Acte, à la réparation du préjudice résultant des désordres affectant la façade de son église ;

Sur l'arrêt en tant qu'il se prononce sur la garantie décennale :

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas jugé que par principe des désordres affectant l'esthétique d'un ouvrage ne peuvent engager la responsabilité décennale des constructeurs ; qu'elle a simplement estimé que la circonstance que les désordres constatés sur l'église communale en affectaient l'esthétique, n'était pas par elle-même, indépendamment des effets de ces désordres sur la destination de l'ouvrage, de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 1792-4-3 du code civil ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour, par une motivation suffisante et une appréciation souveraine, a jugé, sans dénaturer les pièces du dossier, que les désordres constatés sur une partie des façades de l'église, recouvertes de mousse, n'étaient pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, dès lors qu'aucune trace d'humidité ni d'infiltration n'avait été décelée à l'intérieur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il se prononce sur ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs ;

Sur l'arrêt en tant qu'il se prononce sur la responsabilité contractuelle :

En ce qui concerne les conclusions dirigées à l'encontre de la société Eugène Bour, entrepreneur :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen dirigé contre cette partie de l'arrêt ;

Considérant que la réception d'un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que la responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage ; que toutefois, les obligations des constructeurs sont prolongées, à compter de la réception de l'ouvrage, pendant le délai de la garantie de parfait achèvement prévue au contrat lui-même, en ce qui concerne les réserves faites à l'occasion de cette réception ; que les désordres qui apparaissent pendant cette période sont également couverts par la garantie de parfait achèvement ; que la garantie de parfait achèvement prévue par les stipulations contractuelles repose ainsi sur le même fondement juridique que la responsabilité contractuelle ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit en jugeant que les conclusions présentées sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, non invoquée devant les premiers juges, constituaient une demande nouvelle irrecevable en appel ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société A.C. Ingénierie Est, maître d'oeuvre :

Considérant qu'en estimant, pour rejeter les conclusions de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ présentées devant elle tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre pour défaut de surveillance ayant entraîné la survenance des désordres intervenus après la réception des travaux, que ces conclusions étaient fondées sur une cause juridique distincte de celle de la demande de première instance et constituaient une demande nouvelle en appel, alors que la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ avait invoqué à titre subsidiaire devant le tribunal administratif de Strasbourg la responsabilité contractuelle pour faute du maître d'oeuvre, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en ce que la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté ses conclusions présentées en appel au titre de la garantie de parfait achèvement pesant sur la société Eugène Bour et au titre de la responsabilité contractuelle pour faute de la société A.C. Ingénierie Est ; que son pourvoi doit être rejeté pour le surplus ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 août 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ au titre de la garantie de parfait achèvement pesant sur la société Eugène Bour et au titre de la responsabilité contractuelle pour faute de la société A.C. Ingénierie Est.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société AXA France I.A.R.D. et la société Mutuelles du Mans Assurances I.A.R.D. sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LORRY-LES-METZ, à la société Eugène Bour, à la société A.C. Ingénierie Est, venant aux droits de la SA Acte, anciennement APS, à la société Mutuelles du Mans Assurances I.A.R.D. et à la société AXA France I.A.R.D.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 310032
Date de la décision : 09/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE - CAUSE JURIDIQUE DISTINCTE - 1) GARANTIE DE PARFAIT ACHÈVEMENT - ABSENCE - 2) RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE DU MAÎTRE D'OEUVRE À RAISON DE DÉSORDRES SURVENUS APRÈS LA RÉCEPTION DES TRAVAUX - ABSENCE.

39-06-01-02 1) La garantie de parfait achèvement prévue par les stipulations du contrat à la charge du constructeur, qui couvre les désordres apparus après la réception de l'ouvrage, relève de la même cause juridique que la responsabilité contractuelle. Elle peut donc être invoquée pour la première fois en appel lorsque le demandeur n'a mis en cause, en première instance, que la responsabilité contractuelle du constructeur.,,2) La responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre pour les désordres survenus après la réception des travaux ne se rattache pas à une cause juridique distincte de la responsabilité contractuelle à raison des fautes commises par ce dernier durant les travaux. Elle peut donc être invoquée pour la première fois en appel lorsque le demandeur n'a mis en cause, en première instance, que la responsabilité contractuelle pour faute du maître d'oeuvre.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - VOIES DE RECOURS - APPEL - MOYENS RECEVABLES EN APPEL - EXISTENCE - 1) INVOCATION EN PREMIÈRE INSTANCE DE LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE DE L'ENTREPRENEUR - INVOCATION POUR LA PREMIÈRE FOIS EN APPEL DE LA GARANTIE DE PARFAIT ACHÈVEMENT - 2) INVOCATION EN PREMIÈRE INSTANCE DE LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE POUR FAUTE DU MAÎTRE D'OEUVRE - INVOCATION POUR LA PREMIÈRE FOIS EN APPEL DE SA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE À RAISON DE DÉSORDRES SURVENUS APRÈS LA RÉCEPTION DES TRAVAUX.

39-08-04-01-01 1) La garantie de parfait achèvement prévue par les stipulations du contrat à la charge du constructeur, qui couvre les désordres apparus après la réception de l'ouvrage, relève de la même cause juridique que la responsabilité contractuelle. Elle peut donc être invoquée pour la première fois en appel lorsque le demandeur n'a mis en cause, en première instance, que la responsabilité contractuelle du constructeur.,,2) La responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre pour les désordres survenus après la réception des travaux ne se rattache pas à une cause juridique distincte de la responsabilité contractuelle à raison des fautes commises par ce dernier durant les travaux. Elle peut donc être invoquée pour la première fois en appel lorsque le demandeur n'a mis en cause, en première instance, que la responsabilité contractuelle pour faute du maître d'oeuvre.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2010, n° 310032
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: M. Dacosta Bertrand
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:310032.20100709
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