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09/07/2010 | FRANCE | N°313577

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 09 juillet 2010, 313577


Vu le pourvoi, enregistré le 20 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1° ) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt en date du 20 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 décembre 2005 qui avait rejeté la demande de la SA Codica Automotive de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions a

dditionnelles à cet impôt, ainsi que des intérêts de retard, auxquell...

Vu le pourvoi, enregistré le 20 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1° ) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt en date du 20 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 décembre 2005 qui avait rejeté la demande de la SA Codica Automotive de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt, ainsi que des intérêts de retard, auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998, d'autre part, a accordé à cette société la décharge de ces impositions et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SA Codica Automotive ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...); que, lorsqu'un chef de redressement est fondé sur plusieurs éléments qui ont fait l'objet d'une justification, d'une évaluation et d'une prise en compte distinctes dans la notification adressée au contribuable, le caractère suffisant de la motivation de ce chef de redressement peut s'apprécier séparément pour chacun de ces éléments ; qu'en pareille hypothèse, l'insuffisance de motivation de l'un des éléments du redressement n'affecte pas nécessairement la régularité de la notification du chef de redressement dans son ensemble ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de l'EURL Codica Automotive, portant sur les exercices clos les 31 décembre 1997 et 1998, l'administration a estimé que la facturation systématique, sans contrepartie, à des prix inférieurs à leur prix de revient, des produits vendus par l'EURL à la SA Codica, qui avait le même associé majoritaire et le même dirigeant, révélait un acte anormal de gestion ; qu'elle a réintégré dans les résultats imposables de l'EURL, au titre de ces deux exercices, des sommes correspondant à l'écart entre les prix de revient reconstitués et les prix de vente constatés, tout en majorant cet écart d'un taux de 10 % ; que le tribunal administratif de Strasbourg, par un jugement en date du 23 décembre 2005, a rejeté la demande de décharge de ces impositions, formée devant lui par la SA Codica Automotive, résultant de l'absorption, en 2000, de l'EURL Codica Automotive par la SA Codica et venant aux droits de la première ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir, à l'article 1er, constaté un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement accordé en cours d'instance et relatif à la part du redressement correspondant à cette majoration de 10 % du prix de revient, a fait droit au surplus des conclusions d'appel de la société requérante ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Nancy a relevé que l'administration avait elle-même reconnu l'absence de motivation du redressement en ce qui concerne le pourcentage appliqué à l'écart entre les prix de revient reconstitués et les prix de vente constatés, correspondant à un taux de marge moyen observé qu'elle avait estimé à 10 %, sans indiquer de quelles observations économiques ce taux se déduisait, et qu'elle avait, en cours d'instance, accordé un dégrèvement à hauteur de la part du rehaussement résultant de l'application de ce seul pourcentage ; qu'en jugeant que l'insuffisance de motivation de la part du redressement correspondant à ce seul élément entachait d'irrégularité la notification de ce chef de redressement dans son ensemble et en accordant, pour ce motif, la décharge des impositions restant en litige, sans rechercher si cet élément faisait l'objet, dans la notification adressée au contribuable, d'une justification, d'une évaluation et d'une prise en compte distinctes pour la détermination du montant du redressement, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation des articles 2, 3 et 4 de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, que, par la notification de redressement du 26 juin 2000, l'administration a informé l'EURL Codica Automotive qu'elle entendait rehausser ses bases imposables, d'une part, de 379 169 F au titre de l'année 1997 et de 416 313 F au titre de l'année 1998, correspondant aux montants de l'écart entre les prix de revient reconstitués de la production de l'année et les prix de vente de cette production à la SA Automotive, d'autre part, de 37 916 F pour 1997 et 41 631 F pour 1998 correspondant à l'application à cet écart d'un pourcentage de 10 % ; que si, comme l'a reconnu l'administration en accordant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, un dégrèvement en cours d'instance, à hauteur de la part du rehaussement correspondant à l'application de ce pourcentage, la notification ne contenait pas de motivation relative à cet élément du redressement, en revanche, elle mentionnait avec une précision suffisante les motifs du redressement correspondant à l'écart entre les prix de revient et les prix de vente ; que la prise en compte de cet écart et l'application de ce pourcentage constituaient deux éléments distinctement évalués du redressement ainsi notifié ; que, dès lors, l'insuffisance de motivation de la part du redressement correspondant à l'application de ce pourcentage, qui n'est plus en litige, est sans incidence sur la régularité de la notification du redressement dans son ensemble ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté, s'agissant de la part du redressement correspondant à l'écart entre les prix de vente pratiqués et les prix de revient estimés ;

Considérant, en deuxième lieu, que la compensation prévue, à l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition et, à l'article L. 204 du même livre, entre certains impôts, ne peut être opérée que pour un même contribuable, la situation étant appréciée à la date du fait générateur des impositions en cause ; qu'à cette date, l'EURL Codiva Automotive et la SA Codica étaient distinctes ; que, par suite, la SA Codica Automotive n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander que soit opérée une compensation entre les impositions supplémentaires mises à la charge de l'EURL Codiva Automotive et les réductions d'impôt qui auraient pu résulter d'une augmentation des charges de la SA Codica, si une facturation rectificative avait été faite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Codica Automotive n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, pour les suppléments d'imposition restant en litige ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 décembre 2007 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SA Codica Automotive correspondant aux impositions restant en litige est rejeté.

Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt assorties des intérêts de retard, auxquelles l'EURL Codica Automotive a été assujettie au titre des années correspondant aux exercices clos en 1997 et en 1998 sont rétablies, à hauteur de la décharge prononcée par l'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 décembre 2007.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la SA Codica Automotive.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 313577
Date de la décision : 09/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-02-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. REDRESSEMENT. NOTIFICATION DE REDRESSEMENT. MOTIVATION. - PRINCIPE - APPRÉCIATION CHEF DE REDRESSEMENT PAR CHEF DE REDRESSEMENT [RJ1] - EXCEPTION - DIVISIBILITÉ POSSIBLE D'UN CHEF DE REDRESSEMENT FONDÉ SUR PLUSIEURS ÉLÉMENTS QUI ONT FAIT L'OBJET D'UNE JUSTIFICATION, D'UNE ÉVALUATION ET D'UNE PRISE EN COMPTE DISTINCTES DANS LA NOTIFICATION.

19-01-03-02-02-01 Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales (LPF), la notification de redressement que l'administration fiscale adresse au contribuable doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsqu'un chef de redressement est fondé sur plusieurs éléments qui ont fait l'objet d'une justification, d'une évaluation et d'une prise en compte distinctes dans la notification adressée au contribuable, le caractère suffisant de la motivation de ce chef de redressement peut s'apprécier séparément pour chacun de ces éléments. En pareille hypothèse, l'insuffisance de motivation de l'un des éléments du redressement n'affecte pas nécessairement la régularité de la notification du chef de redressement dans son ensemble.


Références :

[RJ1]

Cf. 28 janvier 1981, M. X…, n° 16600, T. p. 679 ;

29 décembre 2000, SA SET, n° 183659, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2010, n° 313577
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:313577.20100709
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