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09/07/2010 | FRANCE | N°316182

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 09 juillet 2010, 316182


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai et 8 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Jacqueline A, domiciliée ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 13 mars 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille réformant le jugement du 18 juillet 2006 du tribunal administratif de Marseille condamnant l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices et mettant à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille l

es frais d'expertise exposés au titre de la première instance ;

2°) r...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai et 8 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Jacqueline A, domiciliée ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 13 mars 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille réformant le jugement du 18 juillet 2006 du tribunal administratif de Marseille condamnant l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices et mettant à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille les frais d'expertise exposés au titre de la première instance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de Mme A,

-les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat de Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a subi le 9 mai 2000 au centre hospitalier Salvador de Marseille une intervention consistant en la mise en place d'une bandelette sous-urétrale de polypropylène dite TVT en vue de remédier à une incontinence urinaire ; qu'à la suite de cette intervention sont apparus des troubles mictionnels invalidants et des infections urinaires qui ont persisté jusqu'à la réalisation, le 16 juin 2003, d'une nouvelle intervention comportant l'exérèse de la bandelette ; que par un jugement du 18 juillet 2006, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille à verser à Mme A une indemnité de 5 000 euros, après avoir constaté que les médecins ne l'avaient pas informée des risques de l'intervention du 9 mai 2000 et jugé qu'elle avait ainsi perdu une chance d'échapper au dommage en refusant cette intervention ; que l'intéressée se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la décision des premiers juges et rejeté son recours indemnitaire ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la minute de l'arrêt attaqué ne serait pas revêtue des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait ; que la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les écritures de la requérante en s'estimant saisie d'une demande de réparation d'un préjudice résultant de la perte de pièces de son dossier médical, demande qu'elle a rejetée au motif que la réalité de ce préjudice n'était pas établie ; que la cour a exactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant qu'aucune faute n'avait été relevée dans les soins prodigués et en estimant notamment que l'absence de détection d'une fistule ne présentait pas un caractère fautif compte tenu des examens attentifs pratiqués et des difficultés objectives que comportait en l'espèce la détection de cette anomalie ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à demander la cassation totale de l'arrêt qu'elle attaque ;

Considérant que Mme A soutient en outre que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en écartant sa demande d'indemnisation au motif que le défaut d'information sur les risques de l'intervention du 9 mai 2000, que les juges d'appel ont considéré dans leur arrêt comme établi et dont ils ont relevé le caractère fautif, ne lui ouvrait pas droit à indemnité dès lors qu'elle ne demeurait atteinte d'aucune séquelle invalidante ;

Considérant que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; que le défaut d'information peut ouvrir droit à réparation alors même qu'il portait sur un risque, finalement réalisé, qui a entraîné une aggravation temporaire réparée par d'autres interventions ;

Considérant que la cour administrative d'appel, qui a relevé, conformément au rapport de l'expert, que l'intervention du 9 mai 2000 avait entraîné des troubles invalidants, n'a pu, sans commettre d'erreur de droit, se fonder, pour juger que la faute commise par les médecins en s'abstenant d'informer Mme A des risques de cette intervention ne lui ouvrait pas droit à réparation, sur la circonstance qu'à la suite de l'intervention du 16 juin 2003 elle ne demeurait atteinte d'aucune invalidité ; qu'il y a lieu par suite d'annuler l'arrêt attaqué, en tant qu'il se prononce sur le préjudice ayant résulté de la méconnaissance par les médecins de leur obligation d'information ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'intervention du 9 mai 2000 sont apparus de graves troubles mictionnels et des infections urinaires, auxquels une nouvelle intervention pratiquée le 11 juillet 2000 n'a pu mettre fin ; que la persistance des troubles a nécessité en octobre 2000 une exploration sous anesthésie générale puis, à partir du début 2003, une série d'explorations fonctionnelles avant une opération, le 16 juin 2003, pour l'exérèse de la bandelette et une suture de l'urètre, suivie du port d'une sonde à demeure pendant six semaines ; que Mme A a subi une période d'incapacité totale de deux mois, sans perte de revenus dès lors qu'elle n'exerçait pas une activité rémunérée, des souffrances physiques importantes évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 7 et des troubles dans ses conditions d'existence ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'ensemble de ces dommages en les évaluant à 10 000 euros ; que la réparation du préjudice résultant de la perte de chance de se soustraire au risque dont la requérante n'a pas été informée et qui s'est réalisé, correspond à une fraction des chefs de préjudice subis, fraction qui a été justement fixée, dans les circonstances de l'espèce, à la moitié ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander la réévaluation de l'indemnité de 5 000 euros qui lui a été allouée par le tribunal administratif de Marseille et que l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à demander la suppression de cette indemnité ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille le versement à Mme A d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle devant la cour administrative d'appel de Marseille et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 13 mars 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a statué sur le préjudice résultant du défaut d'information de la requérante.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A et les conclusions incidentes de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille sont rejetés.

Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille versera à Mme A une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Jacqueline A, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille et à la Mutalité sociale agricole du Var.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 jui. 2010, n° 316182
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Thiellay Jean-Philippe
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 09/07/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 316182
Numéro NOR : CETATEXT000022486985 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-07-09;316182 ?
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