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16/07/2010 | FRANCE | N°316680

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 16 juillet 2010, 316680


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 29 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er avril 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il annule, à la demande de l'Office interprofessionnel des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (ONIOL), le jugement du 22 septembre 2005 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé le titre de recettes émis à son encontre le 31 août 200

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 29 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er avril 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il annule, à la demande de l'Office interprofessionnel des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (ONIOL), le jugement du 22 septembre 2005 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé le titre de recettes émis à son encontre le 31 août 2000 par cet office, et qu'il rejette les conclusions de sa demande présentée devant ce tribunal tendant à l'annulation de ce titre de recettes ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de l'ONIOL ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIOL une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil des communautés européennes du 21 avril 1970 ;

Vu le règlement (CE) n° 1765/92 du Conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 ;

Vu le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil des communautés européennes du 27 novembre 1992 ;

Vu le règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission des communautés européennes du 23 décembre 1992 ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 ;

Vu le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 ;

Vu le décret n° 98-1256 du 29 décembre 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Delion, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. A et de la SPC Boutet, avocat de l'agence de services et de paiement,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. A et de la SPC Boutet, avocat de l'agence de services et de paiement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a déposé une demande d'aides compensatoires à la surface pour l'année 1999, pour une superficie déclarée de 11,10 hectares cultivés en colza-tournesol, de 1,20 hectare cultivé en maïs, de 14,01 hectares cultivés en autres céréales et de 2,92 hectares en gel industriel, également cultivés en colza ; que l'office national interprofessionnel des céréales (ONIC) lui a versé le 18 octobre 1999, sur la base de cette déclaration, des aides d'un montant de 4 373,98 euros correspondant aux superficies cultivées en céréales ; que des aides d'un montant de 6 177,91 euros portant sur les superficies cultivées en oléagineux lui ont été versées le 22 mars 2000 par l'office national interprofessionnel des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (ONIOL) ; que le contrôle administratif de sa demande d'aide au titre de la superficie placée en gel industriel a fait apparaître que le colza cultivé n'avait pas été récolté et livré à la transformation ; que l'ONIOL et l'ONIC, constatant ainsi un écart de 100 % entre la superficie déclarée en gel industriel et la surface déterminée, ont considéré que M. A ne pouvait bénéficier d'aucune aide aux surfaces ; que l'ONIC a émis, le 25 août 2000, un titre de recette tendant au reversement des aides qui avaient été versées à M. A au titre des surfaces en céréales et, le 30 mars 2001, un titre de recette d'un montant de 140,23 euros correspondant aux intérêts de retard calculés sur la somme de 4 373,98 euros ; que l'ONIOL a émis, le 31 août 2000, un titre de recette d'un montant de 6 177,91 euros tendant au remboursement des aides aux surfaces en oléagineux qui avaient été octroyées à M. A ; que, par un jugement du 22 septembre 2005, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ces trois titres de recettes ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er avril 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il annule, à la demande de l'ONIOL, le jugement du 22 septembre 2005 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé le titre de recette émis à son encontre le 31 août 2000 par cet office, et en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande présentée devant ce tribunal tendant à l'annulation de ce titre de recette ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 19 du décret du 29 décembre 1998 portant création d'un Office national interprofessionnel des oléagineux, protéagineux et cultures textiles, en vigueur à la date du titre attaqué : L'agent comptable de l'office est l'agent comptable de l'ONIC. / En sa qualité de comptable public, il est seul chargé, sous sa responsabilité personnelle et pécuniaire, de la perception des recettes, du paiement des dépenses, du maniement des fonds et des valeurs, de la conservation des pièces justificatives et de la tenue de la comptabilité de l'office. / Des comptables secondaires peuvent être désignés par le directeur après avis de l'agent comptable et avec l'agrément conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé du budget. ; que, d'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 4 du décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration : Sous réserve des dispositions des articles 3 et 5 et sauf disposition législative contraire ou exception prévue par décret en Conseil d'Etat, la circonscription départementale est l'échelon territorial de mise en oeuvre des politiques nationale et communautaire. ;

Considérant qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 19 du décret du 29 décembre 1998 relatives aux attributions de l'agent comptable de l'ONIOL pour en déduire que, par exception à celles de l'article 4 du décret du 1er juillet 1992, les premières donnaient à l'ONIOL compétence pour prescrire, sans décision préfectorale préalable excluant un exploitant du bénéfice du régime d'aides à la surface prévu par le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992, le reversement de la totalité des aides qui avaient été versées à l'intéressé, la cour a commis une erreur de droit ; que M. A est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 1er avril 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il annule le jugement du 22 septembre 2005 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé le titre de recette émis à son encontre le 31 août 2000 par l'ONIOL et en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande présentée devant ce tribunal tendant à l'annulation de ce titre de recette ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, que si l'ONIOL avait soulevé devant le tribunal administratif de Poitiers le moyen tiré de ce que la sanction infligée à M. A résultait de la stricte application du règlement (CE) n° 1586/97 de la Commission du 29 juillet 1997 portant modalités d'application relatives à l'utilisation des terres mises en jachère pour la production de matières premières servant à la fabrication, dans la Communauté, de produits destinés à des fins principales autres que la consommation humaine ou animale, dès lors que M. A n'avait pas respecté l'obligation de livraison intégrale de la matière première devant être cultivée sur la superficie déclarée en gel industriel au cours de la campagne 1999, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre explicitement à ce moyen, dès lors qu'il a accueilli le moyen tiré de ce que l'ONIOL ne pouvait demander le reversement des aides à la surface versées à M. A sans une décision préalable du préfet prononçant une telle mesure de sanction, qu'il était seul compétent pour édicter ; que, par suite, en s'abstenant d'y répondre explicitement, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motifs ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que le préfet était seul compétent pour édicter des mesures de sanction en application de l'article 9 du règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission du 23 décembre 1992 et en en déduisant que l'ONIOL ne pouvait procéder, sur le fondement des dispositions de cet article, à la récupération des aides à la surface versées à M. A sans décision préalable du préfet sanctionnant cet exploitant, le tribunal administratif de Poitiers, qui n'était pas tenu de citer les dispositions du code rural dont il a estimé qu'elles étaient sans influence sur l'issue du litige dont il était saisi, a suffisamment motivé son jugement sur la compétence de l'ONIOL ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article 2 du règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables prévoit que les producteurs communautaires de cultures arables figurant à l'annexe I de ce règlement peuvent revendiquer un paiement compensatoire, qui est accordé pour la superficie consacrée à ces cultures arables ou au gel des terres ; qu'aux termes de l'article 8 du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil du 27 novembre 1992 établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, parmi lesquels le régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables précédemment mentionné : 1. L'Etat membre procède à un contrôle administratif des demandes d'aides. / 2. Les contrôles administratifs sont complétés par des contrôles sur place (...). / 3. Chaque Etat membre désigne une autorité chargée d'assurer la coordination des contrôles prévus par le présent règlement. ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 9 du règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission du 23 décembre 1992 portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aide communautaire : Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides surfaces dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur la base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. / (...) / Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée. / Toutefois, s'il s'agit d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave : / - l'exploitant en cause est exclu du bénéfice du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause et /- en cas d'une fausse déclaration faite délibérément du bénéfice de tout régime d'aides visé à l'article 1er paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 3508/92 au titre de l'année civile suivante pour une superficie égale à celle pour laquelle sa demande d'aides a été refusée. / (...) / Les parcelles mises en jachère pour la production de matières servant à la fabrication de produits non alimentaires, pour lesquelles l'exploitant n'a pas rempli toutes les obligations lui incombant, sont considérées comme des superficies non retrouvées lors du contrôle pour l'application du présent article. (...) ;

Considérant qu'en l'absence de disposition expresse habilitant une autre autorité à prendre une telle mesure, le préfet est seul compétent pour sanctionner un exploitant, en application des dispositions de l'article 9 du règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission du 23 décembre 1992, en l'excluant du bénéfice du régime d'aides à la surface prévu par le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992 ; que, dès lors, l'ONIOL ne pouvait procéder, par suite du constat, lors d'un contrôle, d'un écart de 100% entre la superficie déclarée en gel industriel et la surface déterminée, à la récupération de l'intégralité des aides compensatoires à la surface qu'il avait versées à M. A que sur le fondement d'une décision de sanction excluant M. A du bénéfice du régime d'aides à la surface institué par le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992, que le préfet était seul compétent pour prononcer ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucune décision du préfet de la Vienne n'a infligé à M. A une telle sanction ; que, par suite, le titre de recette d'un montant de 6 177,91 euros émis le 31 août 2000 par l'ONIOL à l'encontre de M. A manquait de base légale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIOL n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre de recette du 31 août 2000 qu'il avait émis à l'encontre de M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement, venant aux droits de l'ONIOL, le versement à M. A d'une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par lui en cassation et en appel et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au même titre à l'Agence de services et de paiement ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er avril 2008 est annulé en tant qu'il annule le jugement du 22 septembre 2005 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé le titre de recette émis par l'ONIOL le 31 août 2000 à l'encontre de M. A et en tant qu'il rejette les conclusions de la demande présentée devant ce tribunal par celui-ci tendant à l'annulation de ce titre de recette.

Article 2 : La requête présentée par l'ONIOL devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : L'Agence de services et de paiement versera à M. A une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'Agence de services et de paiement tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Alain A et à l'Agence de services et de paiement.

Une copie en sera adressée pour information au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 jui. 2010, n° 316680
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Ménéménis
Rapporteur ?: M. François Delion
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP BOUTET ; SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 16/07/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 316680
Numéro NOR : CETATEXT000022486987 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-07-16;316680 ?
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