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19/07/2010 | FRANCE | N°314183

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 19 juillet 2010, 314183


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 12 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT FORCE OUVRIERE DES AGENTS DE POSTE ET TELECOMS DE MAYOTTE, dont le siège est Centre de tri de Kawéni à Mamoudzou (97600) ; le SYNDICAT FORCE OUVRIERE DES AGENTS DE POSTE ET TELECOMS DE MAYOTTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2007-1736 du 11 décembre 2007 relatif à l'intégration et à la titularisation des fonctionnaires et des agents non titulaires de droit public de la collectivit

départementale de Mayotte dans les corps de fonctionnaires de La Post...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 12 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT FORCE OUVRIERE DES AGENTS DE POSTE ET TELECOMS DE MAYOTTE, dont le siège est Centre de tri de Kawéni à Mamoudzou (97600) ; le SYNDICAT FORCE OUVRIERE DES AGENTS DE POSTE ET TELECOMS DE MAYOTTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2007-1736 du 11 décembre 2007 relatif à l'intégration et à la titularisation des fonctionnaires et des agents non titulaires de droit public de la collectivité départementale de Mayotte dans les corps de fonctionnaires de La Poste ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001;

Vu la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Gounin, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat du SYNDICAT FORCE OUVRIÈRE DES AGENTS DE POSTE ET TÉLÉCOMS DE MAYOTTE,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat du SYNDICAT FORCE OUVRIÈRE DES AGENTS DE POSTE ET TÉLÉCOMS DE MAYOTTE ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte : Sont applicables aux agents de la collectivité départementale, des communes et des établissements publics administratifs de Mayotte, selon les modalités définies ci-après, les dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que celles : / - de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat pour les agents exerçant des fonctions ressortissant à la compétence de l'Etat ; / - de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale pour les agents exerçant des fonctions ressortissant à la compétence des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de ladite loi. Pour son application, la collectivité départementale de Mayotte est considérée comme étant mentionnée audit article ; (...) / Pour l'application à Mayotte des lois précitées, des décrets en Conseil d'Etat peuvent déroger à certaines des dispositions du statut général des fonctionnaires pour tenir compte des spécificités locales, notamment en ce qui concerne les organismes consultatifs de la fonction publique et leurs compétences et en matière de recrutement et de nomination ou intégration dans les corps et cadres d'emplois ;

Considérant que le décret attaqué, qui définit les modalités d'intégration ou de titularisation des fonctionnaires et des agents non titulaires de droit public de la collectivité départementale de Mayotte dans les corps de fonctionnaires de La Poste, ne porte ni sur des questions relatives à l'organisation de l'administration de la collectivité départementale de Mayotte ni sur les conditions générales de fonctionnement de l'administration de cette collectivité ; qu'ainsi, le comité technique paritaire de la collectivité départementale de Mayotte n'avait pas être consulté sur le décret attaqué en application de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, aux termes duquel : Les comités techniques paritaires sont consultés pour avis sur les questions relatives : / 1°) A l'organisation des administrations intéressées ; / 2°) Aux conditions générales de fonctionnement de ces administrations (...) ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 : (...) II. Les agents titulaires, à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, d'un emploi de la collectivité départementale, d'une commune ou d'un établissement public administratif de Mayotte sont intégrés au plus tard le 31 décembre 2010 : / - soit dans les corps de la fonction publique de l'Etat ; / - soit dans les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale ; (...) / III. Les agents non titulaires occupant, à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 précitée, un emploi permanent de la collectivité départementale, d'une commune ou d'un établissement public administratif de Mayotte ont vocation à être titularisés, sur leur demande, au plus tard le 31 décembre 2010 dans un des corps ou cadres d'emplois mentionnés au II (...) / IV. Des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application des II et III. Ces décrets déterminent notamment : (...) / 3° Le délai dont disposent les agents pour présenter leur candidature et les conditions de leur classement dans les corps et cadres d'emplois. Ce classement peut s'effectuer sur des grades et échelons provisoires. / V. Les agents intégrés dans un corps ou un cadre d'emplois en application des dispositions des II et III reçoivent une rémunération au moins égale à leur rémunération globale antérieure. / Le cas échéant, les intéressés perçoivent une indemnité compensatrice. (...). Un décret en Conseil d'Etat fixe les éléments de rémunération à prendre en considération pour la détermination de l'indemnité compensatrice. (...) / VII. Les agents mentionnés aux II et III qui sont intégrés ou titularisés dans un des corps ou cadres d'emplois mentionnés au II demeurent assujettis pour les risques sociaux autres que la vieillesse et l'invalidité aux régimes de sécurité sociale auxquels ils sont affiliés à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 précitée. (...) / L'ensemble des services effectués par ces agents sont pris en compte pour la constitution du droit à pension dans le régime de la caisse de retraite des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte et dans le régime spécial précité. / Ces agents conservent, à titre personnel, le bénéfice de l'âge auquel ils peuvent liquider leur pension et de la limite d'âge applicables antérieurement à leur affiliation au régime spécial précité. Pour l'application de la condition de durée de services dans des emplois classés dans la catégorie active prévue au 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et pour l'attribution d'une bonification de services liée à ces emplois, sont pris en compte les services effectués antérieurement à cette date par ces agents dans des fonctions ayant, par leur contenu, la même nature que celles qu'ils exercent dans ces emplois. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions ;

Considérant que le syndicat requérant ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de l'article 3 du décret attaqué, qui exclut toute reprise d'ancienneté lors de l'intégration ou la titularisation des agents de la collectivité départementale de Mayotte dans les corps de fonctionnaires de La Poste, des garanties prévues par l'accord d'intégration des personnels de La Poste de Mayotte, conclu le 27 février 2003 entre La Poste et les organisations syndicales représentatives de l'établissement, dès lors que cet accord est dépourvu de valeur juridique et de force contraignante à l'endroit de fonctionnaires, qui sont dans une position statutaire et réglementaire ;

Considérant que ni l'article 57 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ni aucun principe ou règle n'impose à l'Etat, lors de la titularisation ou l'intégration d'un fonctionnaire dans un nouveau corps, même dans le cas où les fonctions exercées ne sont pas modifiées, de reprendre tout ou partie de l'ancienneté de service de ce fonctionnaire pour déterminer son ancienneté dans le nouveau corps ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'exclusion de toute reprise d'ancienneté méconnaît le critère de l'ancienneté pour l'avancement d'échelon prévu par cet article 57 n'est pas fondé ;

Considérant que le décret attaqué en tant qu'il prévoit que, lors de leur titularisation ou intégration, les agents sont classés dans le grade du corps d'accueil à un échelon doté d'un indice comportant un traitement au moins égal au dernier traitement perçu dans leur situation d'agent du service postal de la collectivité territoriale de Mayotte, assorti d'une éventuelle indemnité compensatrice, ne méconnaît pas le V de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001, qui prévoit que ces agents reçoivent une rémunération au moins égale à leur rémunération globale antérieure, dès lors que la rémunération globale antérieure visée par cet article, dont l'objet est d'intégrer ou de titulariser dans la fonction publique de l'Etat les agents de la collectivité départementale de Mayotte, est celle qui était versée par cette dernière collectivité ; que la circonstance que les agents du service postal de la collectivité territoriale de Mayotte aient perçu, avant leur intégration ou leur titularisation, une rémunération globale plus élevée à la suite de leur placement en disponibilité et de leur recrutement sous contrat de droit privé de La Poste ne saurait leur conférer un droit à un traitement supérieur ; qu'au surplus, il n'est pas contesté que, par une décision du 3 décembre 2007, le président de La Poste a créé une indemnité différentielle Mayotte qui compense, pour les agents titularisés et intégrés, la différence entre la rémunération acquise à la veille de l'intégration ou de la titularisation en qualité de salarié de La Poste et la rémunération obtenue par intégration ou titularisation dans les corps de fonctionnaires de La Poste ;

Considérant que la perte alléguée de rémunération et l'absence alléguée d'intégration de l'indemnité compensatrice dans l'assiette de calcul des droits à retraite et de reprise des droits à pension de retraite acquis par les agents en qualité de salarié de La Poste ne méconnaissent pas l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le maintien du niveau de rémunération d'un fonctionnaire placé en disponibilité pour convenance personnelle ne constitue pas un droit de créance sur l'administration qui l'accueille ; qu'au surplus le président de La Poste a créé une indemnité différentielle Mayotte , l'indemnité compensatrice est incluse dans l'assiette du calcul des droits à retraite au titre de la retraite additionnelle de la fonction publique telle qu'elle résulte de l'article 2 du décret du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique, les salaires perçus en qualité de salariés de La Poste ont eux-mêmes constitué des droits à la retraite et le décret litigieux n'a pas pour objet de préciser les modalités de calcul des droits à pension acquis par les agents intégrés dans les corps de fonctionnaires de La Poste, qui doivent faire l'objet d'un autre décret en Conseil d'Etat prévu par le VII de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 ;

Considérant que l'article 4 du décret litigieux, qui prévoit l'intégration ou la titularisation dans les corps créés à La Poste par les décrets du 10 septembre 2007 à des échelons provisoires pourvus d'un indice de rémunération inférieur à celui du premier échelon normal du grade d'intégration ou de titularisation, ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires d'un même corps alors même que d'autres agents de La Poste ont été intégrés dans les mêmes corps de La Poste à équivalence de grade et d'échelon avec conservation de l'ancienneté acquise, dès lors que le principe d'égalité de traitement entre agents appartenant à un même corps ne s'applique pas aux conditions dans lesquelles sont définies les modalités d'intégration dans ce corps d'agents appartenant à un corps différent et que les agents de la collectivité départementale de Mayotte en cours d'intégration ou de titularisation dans des corps de La Poste ne se trouvent pas dans la même situation que les autres fonctionnaires de La Poste anciennement régis par les décrets du 25 mars 1993 portant statuts particuliers des corps de fonctionnaires de La Poste ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le SYNDICAT FORCE OUVRIERE DES AGENTS DE POSTE ET TELECOMS DE MAYOTTE et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par La Poste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du SYNDICAT FORCE OUVRIERE DES AGENTS DE POSTE ET TELECOMS DE MAYOTTE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT FORCE OUVRIERE DES AGENTS DE POSTE ET TELECOMS DE MAYOTTE, au Premier ministre, à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et à La Poste.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 314183
Date de la décision : 19/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2010, n° 314183
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Yves Gounin
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:314183.20100719
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